Norman Mailer prétendait que les vrais durs ne dansent pas. Mais ce n’est pas forcément parce qu’ils sont convaincus que ça fait un brin fillette. C’est aussi peut-être parce qu’à force d’être durs à tout, ils sont surtout durs à eux-mêmes et à ne pas s’écouter, ils ont laissé s’installer un malaise potentiellement paralysant qui les pousse à faire tapisserie. Penchons-nous sur la dure vie des durs à cuire au travail.
Quand le bourrin basque franchit ses limites
Vous vous souvenez de mon bourrin basque, qui n’en finit plus de la jouer vieux monsieur indigne, roublard et dont l’allergie à la contrainte est porteuse d’enseignements pour la recherche d’emploi comme pour la prise de risque dans les projets professionnels.
C’est aussi un sacré dur à cuir(e). J’enlève le “e” volontairement, car il a le cuir suffisamment épais pour traverser les clôtures électriques sans sourciller, ce qui en dit long sur sa personnalité. Et comme tout un chacun, il a les défauts de ses qualités. A force de ne pas s’écouter, car dépenser son énergie, alimenter sa curiosité et faire ce qu’il veut, c’est largement prioritaire sur l’état de ses artères, le voilà qui est allé un peu trop loin.
Il a mis des semaines à se remettre d’un abcès au pied qui, vu l’ampleur, datait de plusieurs semaines au moment où il a été débridé. Et personne n’a rien vu venir: les signes avant coureurs n’ont pas été particulièrement spectaculaires. Une légère baisse de forme, de temps à autre une infime irrégularité à droite, qui ont été interprétées comme rien que de tout à fait normal, vu son âge, peut-être un peu d’arthrose. S’il avait franchement boité, au lieu d’être dur à la douleur, nous aurions pu gérer la situation bien plus tôt. Mais le petit vieux n’ayant pas l’habitude de faire sa chochotte, il s’est contenté de ressembler un poil plus à un petit vieux que d’habitude, ce qui n’avait pas de quoi surprendre, à presque 30 ans.
Mais du coup, les conséquences pénibles de son abcès se prolonge, et à ne pas pouvoir faire l’imbécile, le voilà qui se met à déprimer, ce qui ne favorise pas sa récupération. Cercle vicieux, quand tu nous tiens.
Dure vie des durs à cuire au boulot
Les durs à cuire, les costauds du mental, les GI-Joe du boulot ont ce défaut qu’à minimiser les petits bobos de la vie professionnelle, il peuvent continuer à sembler fonctionner normalement alors que la mécanique aurait besoin d’une sacrée révision. Et quand la transmission délabrée pète, ça risque de se terminer en burnout, qu’il n’auront pas vu venir.
Potentiellement, ils travaillent plus, s’investissent plus, ils souffrent plus, ils sont aussi plus corvéables à merci parce que leurs limites apparentes se situent au delà de celles du commun des mortels et qu’ils ne rechignent pas à la tâche. Ils peuvent aussi savoir se faire plaisir, mais ne jamais fixer de limites ou dire non, parce que leur résistance les pousse à croire qu’ils peuvent faire toujours plus.
Plus dure sera la chute
Plus dure sera la chute des Humphrey Bogart de la vie professionnelle, car ils se sont toujours appuyés sur cette résistance au delà de la norme et lorsqu’elle se brise, il ne leur reste pas grand chose, puisqu’ils ont déjà puisé dans leurs ressources bien au delà de leurs contemporains. Elle peut donc avoir des conséquences plus dévastatrices et plus durables que celle d’un quidam dans la moyenne.
C’est bien la raison pour laquelle, lorsqu’on est soi-même un(e) dur(e) à cuire ou qu’on en a un(e) dans son entourage, qu’il est indispensable d’être doublement vigilant, par rapport à nos contemporains normalement constitués!
Et ne nous y trompons pas, ce n’est pas un truc de mâles alpha, cette affaire. D’aucuns, accrochés à leurs clichés, s’imaginent que les souris ont la peau tendre et qu’elles sont moins susceptibles d’être victime de ce syndrome, mais les Lara Croft du boulot sont plus nombreuses qu’on ne l’imagine. Elles peuvent aussi avoir le cuir épais sous leurs jolies robes légères, et dépasser les bornes de leur bien-être tout autant que leurs collègues masculins. C’est une question de nature et de personnalité et non de sexe.
Alors il ne s’agit certainement pas pour les femmes de jouer les infirmières de leurs preux chevaliers, mais bien pour nous tous de nous observer nous-mêmes et les uns des autres. Car n’oublions pas que la résilience collective est plus forte et qu’à deux, on est déjà un collectif!
L’auto-vigilance indispensable des durs à cuire
Voici quelques éléments à prendre en compte dans la vigilance indispensable vis-à-vis de soi-même.
- Accepter d’écouter l’entourage : ces proches bienveillants qui vous veulent du bien et vous connaissent par coeur sont à même de déceler des changements, même légers, de comportements qui peuvent indiquer un problème à traiter. Il est important d’apprendre à accueillir leurs remarques et à les encourager, car parfois les durs à cuire (hommes ou femmes) ont un-peu-beaucoup fait savoir qu’étant de grands costauds, ils n’aiment pas qu’on les prennent pour des poussinettes.
- Une solide connaissance de soi Sachez exactement où se situent vos limites, pour ne pas vous aveugler sur vos propres capacités, pour savoir quand lever le pied, quand dire non, quand céder à la flemme ou aller engranger de la vitamine mentale. Ou même aller chercher du réconfort, parce que même les grands gaillards ont des émotions et des besoins affectifs genre reconnaissance et appartenance😉
- Une capacité à s’observer sans complaisance Accepter de prendre un peu de recul pour s’observer soi-même, sans complaisance et sans jugement. Développer la volonté d’analyser les comportements inhabituels, les réactions émotionnelles comme autant de signes avant-coureurs potentiels de dysfonctionnement à traiter. Au lieu de les remettre dans sa poche avec son mouchoir par dessus même quand ça fait mal.
- Développer la lecture émotionnelle Celle-ci demande du courage pour les indestructibles qui ont remisé les émotions dans l’armoire à trucs de gonzesse. Mais c’est pas grave, puisque du courage, ils en ont à revendre! Développer la faculté à comprendre les messages cachés derrière les réactions émotionnelles et à identifier les besoins à combler pour maintenir un niveau de bien-être minimum.
- Accepter que la raison à toujours tort : écouter ses tripes plutôt que sa raison, voilà une vraie bonne idée, car la raison est toujours teintée d’idées reçues et de croyances limitantes renvoyées par tous ceux qui ont un intérêt quelconque à nous faire croire que le plaisir au travail, c’est une plaisanterie pour midinettes capricieuses. Rappelons-nous que quelqu’un qui sait se faire plaisir et répondre à ses besoins est quelqu’un qui est plus difficile à manipuler et à soumettre.
- Accepter de traiter les besoins. Les costauds ont parfois tendance à croire que leur résistance suffit à gérer bien des difficultés entre autres relationnelles. Il est temps d’accepter de reconnaître ses propres schémas relationnels, ses stratégies d’échec, ses incompétences et d’y palier en renforçant les savoir-être et savoir-faire. C’est moins fatigant et ça vous permettra d’utiliser votre énergie à des choses plus intéressantes.
La vigilance vis-à-vis d’un(e) proche dur(e) à cuire
Vous avez un(e) dur(e) à cuire dans votre cercle le plus proche (conjoint, membre de la famille, ami proche?) qui semble faiblir du mollet? Pratiquez la vigilance et n’hésitez pas à lui faire part de votre sentiment, sans pour autant jouer les sauveurs patentés Samu-du-boulot, les vigoureux n’aiment pas beaucoup qu’on les infantilise:
- Partagez votre sentiment sur ses changements de comportements, en vous appuyant sur les principes d’assertivité pour éviter de le/la braquer
- Offrez-lui un espace d’expression en pratiquant l’écoute active et sans jugement. De façon à lui permettre de faire ses propres prises de consciences et trouver ses propres solutions.
- Offrez-lui votre soutien, avec finesse, n’allez pas lui faire croire que vous le/la prenez pour une mauviette, ce serait la meilleure manière de le/la voir se transformer en hérisson. Faute preuve d’empathie plus que de sympathie.
- Développez l’affirmation de vous : si le/la dur(e) à cuire en question vous est très proche, ses changements de comportement peuvent avoir un impact sur la relation et sur votre vie. Dans ce cas, il est important d’affirmer vos propres besoins en parallèle du soutien qui vous lui apportez, pour éviter les déséquilibres relationnels, la frustration qui s’accumule, le sentiment de subir etc qui pourraient rapidement mener au mieux à des malentendus pénibles, au pire à de la persécution mutuelle.
Voir aussi
Vie professionnelle
Développer ses talents et ressources
Relations
Bien-être et estime de soi
Communication
Comprendre les émotions
Connaissance de soi
Vitamines mentales
Aller plus loin
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Bravo pour votre site, il est très complet, diversifié et propose beaucoup de contenu gratuit.
Merci! C’est son objectif que d’apporter un contenu informatif utile;)
Bonsoir Sylvaine, votre site est un trésor, j’y ai flâné plusieurs heures aujourd’hui avec beaucoup d’intérêt, de curiosité (j’ai actuellement 24 onglets d’articles ouverts sur mon navigateur…quel programme !) et mêmes des francs sourires.
Moi la dure à cuir(e), qui le revendique alors que je me suis cramée à plusieurs reprises, un beau chantier s’ouvre devant moi…
Merci beaucoup pour ce partage.
Merci Clara pour ce retour qui me fait énormément plaisir, je suis ravie que ces billets vous soient utiles! Je vous souhaite un beau chantier:))