Sérieusement, les amis, la médisance a ses limites. Fatigante, énergivore, elle cultive l’amertume comme d’autres cultivent les tulipes. Et justement : les tulipes, c’est plus joli, alors je vous propose une alternative : mettons-nous à la biendisance. C’est bon pour l’estime de soi et les relations.
Petites calomnies entre amis
L’autre jour, chez le coiffeur, je me retrouve le nez dans un Paris Match à lire un article de Pascal Thomas, réalisateur, entre autres d’Associés contre le crime, qui se lâche sur Catherine Frot, et les noms de piafs volent bas. Après une mention de son attitude « sympathique, modeste et rigolote » à ses débuts, c’est parti sur ses « comportements aberrants », ses « caprices d’acteur qui se surestime » et sa façon de débouler, « en robe de chambre, défaite, hurlant ».
Ça sent les petits jeux de pouvoir à plein blaze. Il n’a visiblement pas digéré sa propre incapacité à s’affirmer et croit rétablir l’ordre des choses (version « moi je suis quelqu’un de bien et c’est une folle furieuse ») en crachant dans le dos et en public sur l’actrice. Pourtant, ça parle, au final et comme dans tous es débinages et dénigrements, bien plus des peurs et frustrations de celui qui médit que de ses belles valeurs ou des manquements potentiels de l’objet de ses ragots.
Et toute cette frustration bilieuse est un poil pénible. Nous la croisons à tous les coins de rue, en particulier dans les allées professionnelles et elle laisse un vague goût amer.
Bien que nous soyons vous et moi des gens très bien, il arrive même que nous la pratiquions. Il serait sans doute moins énergivore, plus utile, plus réjouissant de régler nos problèmes directement avec nos abrutis personnels au lieu de les dénigrer et de passer plus de temps à parler d’autrui… en bien.
Parler des autres comme nous aimerions qu’ils parlent de nous
Nous avions vu les raisons pour lesquelles nous nous vautrons dans la médisance : l’amertume partagée crée des liens d’appartenance et de la reconnaissance mutuelle, version « on fait partie du groupe qui déteste Tartempion », mais ce sont des liens négatifs et l’énergie générée peut potentiellement ronger de l’intérieur en augmentant la méfiance, la peur de l’autre, de ses jugements, de ses propres médisances.
Car nous avons tendance à penser que les autres sont comme nous. Donc si nous médisons beaucoup, nous pensons que les autres le font aussi… potentiellement sur nous. Et nous augmentons au passage notre peur du regard de l’autre. Alors attachons-nous plutôt à parler des autres comme nous aimerions qu’ils parlent de nous. Car nous pouvons difficilement espérer pouvoir déblatérer à l’envi sur autrui, et imaginer que ces mêmes autres chantent nos louanges.
Et allons régler nos comptes directement avec les personnes concernées, quitte à développer, au passage, une affirmation sereine qui nous évitera de tomber plus souvent qu’à notre tour sur des demeurés relationnels aux comportement forcément très éloignés de nos vertueuses valeurs.
La biendisance, un sport plus réjouissant
Puisque la médisance a des bénéfices, gardons-les sans effets pervers en nous adonnant, histoire de changer, à un sport plus réjouissant: dire du bien d’autrui, rien que pour voir. Parler des autres en focalisant sur leurs qualités, sur des caractéristiques que nous trouvons positives, reconnaître leurs accomplissements, c’est un moyen sympa de générer des liens avec nos contemporains, un sentiment d’appartenance, en nourrissant le plaisir plutôt que l’amertume.
Selon Laurent Bègue*, psychologue social, auteur de L’agression humaine, « 60 % des conversations d’adultes ont pour objet un absent. Et la plupart émettent un jugement ». Pourquoi ce jugement devrait-il nécessairement être négatif ?
D’autant que, dans le plupart des cas, ça ne fait pas avancer beaucoup de schmilbliks. L’article ne mène pas Pascal Thomas très loin: il ne résout pas son problème avec l’actrice et ne redonne pas un PH neutre à ses viscères atrabilaires. De même, critiquer l’intervention de Tartempion au sortir de la réunion du lundi ne résout rien, il aurait été plus approprié de réagir pendant ou d’aller régler le problème directement avec lui .
D’autre part, dire du bien nous pousse à chercher des caractéristiques positives chez les uns et les autres, à les voir sous un jour meilleur, potentiellement à les apprécier davantage. Inversement, celui qui a des trucs sympas sur autrui plutôt que de le calomnier renvoie une image sympa et rassurante de lui-même : il est bienveillant et digne de confiance, il pourrait même être un exemple de cette gentillesse version compétence relationnelle, c’est à dire ni serpillière ni paillasson, mais bien cette gentillesse affirmée et sereine qui se rapproche d’un charisme sain.
En bref, dire du bien, ça fait du bien. Et remplacer les polluants de l’âme par des fleurs, ça a un goût de printemps des relations.
Mini coaching : s’entraîner à la biendisance
Il ne s’agit évidemment pas de transformer tous nos jugements négatifs en jugements positifs, dégoulinant de bien-pensance et parfaitement hypocrites. Nous n’allons évidemment pas suggérer à Pascal Thomas de dire du bien de Catherine Frot, pour qui il a beaucoup de mépris. Nous avons tous le droit à nos détestations et le but n’est pas d’aimer tout le monde.
Le but est plutôt d’utiliser nos tentations de médisance pour en apprendre davantage sur nous-mêmes et nos besoins à combler, pour identifier les plans d’action à mener pour résoudre une situation, de façon à laisser plus d’espace à l’expression de sentiments positifs sur les gens et les situations.
Voici deux pistes pour minimiser vos envies de ragoter:
- Pour questionner vos désirs de dire du mal, lire : Les dessous de la médisance.
- Pour résoudre un problème relationnel ou opérationnel qui vous donne envie de dire du mal, explorer le dossier: Compétences relationnelles. En particulier, apprenez à utiliser la communication non violente pour pouvoir vous affirmer, exprimer vos besoins sans rouleau-compresser.
- Pour s’entraîner à la biendisance, à la machine à café, en sortant de réunion ou dans n’importe quelle situation personnelle ou professionnelle, il suffit d’orienter la conversation sur les caractéristiques positives, les qualités d’autrui, leurs accomplissement, leur valeur. Vanter les mérites d’untel, apprécier une qualité, saluer un effort etc. De là à faire un compliment, exprimer sa gratitude ou envoyer de la reconnaissance tous azimuts directement à la personne concernée, la distance n’est pas très longue;)
En nous envoyant des fleurs, nous pourrons nouer des liens autour de ce que nous aimons chez les autres, plutôt qu’autour de ce qui nous donne des boutons;)
Voir aussi
Juger moins juger mieux: les dégâts du jugement
Les pièges de la comparaison
Guide de survie aux abrutis: le bocal à con
Guide de survie aux abrutis: bocal à con et manque de pot (1)
Guide de survie aux abrutis: l’emmerdeur emmerdé
Petit précis de communication non violente (1)
Morale primate et relations humaines: faisons les singes!
Vie professionnelle: des attitudes à réhabiliter
Ressources externes:
* Pourquoi médire nous fait tant plaisir
Aller plus loin
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Pas facile de dire du bien d’autrui. Hum hum. Oui vraiment la médisance possède un pouvoir de séduction incontestable.
Pourtant les sages prédisent une vie longue et prospère à quiconque saura voir la fleur dans l’âme dévorée par les flammes de l’enfer.
Oui vraiment, l’amour comme “arme de bonne relation massive” n’est pas encore une mode pratiquée au saut du lit.
Dommage parce que c’est tellement bon et agréable. Mais il y a plein d’espoir, l’Histoire de l’humanité l’a prouvé.
Chacun est un jour ou un autre confronté à ce choix de vie.
Merci encore pour ce post chaleureux et plein d’amour bienveillant.
Très facile de se laisser aller à la médisance, en effet ! J’étais beaucoup plus bienveillante avant mes problèmes personnels, parce que pendant ceux-ci, je suis devenue aigrie et méfiante, et évidemment je ne trouvais plus grand-chose à dire de bien des autres (et de moi-même), je ne voyais que du négatif partout. Et ça nous pourrit vraiment de l’intérieur de dire constamment du mal ! J’ai remarqué que, même si à la base, avant la discussion, je suis plutôt sereine, le fait d’en venir à parler d’une personne qui m’énerve (et que je médis, donc) m’irrite de plus en plus et je finis par être vraiment énervée et mal dans ma peau.
J’apprends aussi à travailler ma biendisance et ça fait vraiment beaucoup de différence. Ca fait du bien d’être plus ouvert aux autres, en essayant de les comprendre avant de les juger, en comprenant que nous sommes tous différents et chacun à sa manière.
Voilà une conclusion qui résume joliment le propos;)