Nos émotions nous parlent de nous: laisser l’autre faire ses choix

laisser l'autre choisir un chemin qui nous inquiète est une compétence relationnelle élégante

Les choix et décisions de notre entourage peuvent susciter bien des émotions en nous, que nous avons tendance à associer à un bel altruisme: ils nous émeuvent parce que nous leur voulons du bien. Pourtant,nos émotions ne nous parlent que de nous et apprendre à garder certains ressentis pour nous peut être une véritable compétence relationnelle… qui permet à l’autre de choisir un chemin qui nous inquiète.

laisser l'autre choisir un chemin qui nous inquiète est une compétence relationnelle élégante

 

Zénobie s’inquiète

Je reçois l’autre jour un lettre de ma copine Zénobie, qui s’émeut des choix surprenants de sa meilleure amie.

Salut,

Ces jours-ci, je me fais bien du souci.

Tu te souviens de mon amie T…? Et bien elle est en plein recalibrage et c’est pas du gâteau. Elle s’est installée il y a quelques mois avec son jules, un péteux paternaliste qui a oublié de s’extirper des années 50, et à sa demande, elle a décidé d’arrêter de travailler.

Elle si indépendante, vive et joyeuse, la voilà toute ramollie de la calcombe, déguisée en desperate houswife!
Quand on essaye de lui secouer le tapis, elle se ferme comme une huître et dit qu’elle l’aime et qu’elle est heureuse de lui faire plaisir. De la cucuterie d’adolescente post-pubère! J’en ai le buffet qu’a des renvois!
Je ne sais plus quoi faire et je m’inquiète beaucoup pour elle, j’ai peur qu’elle nous fasse une déprime, la nouvelle ménagère.
Je suis à deux doigts d’aller expliquer deux ou trois vérités bien senties sur le XXIème siècle à son coincé du bulbe, histoire de le dépoussiérer un peu.

Bien à toi,

Zénobie

 

Émotions en surface vs laisser l’autre faire ses choix

En surface, nous avons le beau sentiment chevaleresque que certaines décisions d’autrui, parce que nous en imaginons les conséquences potentiellement désastreuses, suscitent tout un tas d’émotions qui tournent autour de la peur, de la colère ou de la tristesse, et que nous ressentons pour l’autre, au bénéfice de l’autre.
C’est très joli sur le papier mais au fond assez éloigné de la réalité. Car nous n’écoutons ni les motivations de l’autre, qui nous échappent, si la spécificité de sa situation et/ou de sa personnalité. Nous nous écoutons nous-mêmes. Nous cherchons à influencer l’autre dans ses décisions uniquement en fonction de nous-mêmes.
Il n’en faut pas plus pour se retrouver en plein dans les rôles relationnels, avec tous les impacts négatifs possibles pour la relation. Alors qu’il est certainement plus utile de laisser l’autre faire ses propres choix au lieu de céder au Sauveur qui sommeille (ou est tout à fait réveillé) en chacun de nous. Peut-être que le relation y gagne si nous optons pour une option plus élégante.

 

Les décisions appartiennent à ceux qui les prennent et à eux seuls

Les décisions des autres, si proches de nous soient-ils, n’appartiennent qu’à eux, et nous n’avons pas à les juger ou à les influencer. Que nous ayons raison ou pas sur les conséquences de leurs décisions n’a aucune importance: ils apprendont bien plus de leurs propres décisions, et éventuellement erreurs, que de nos opinions et conseils.

Rappelons-nous que nous n’apprécions pas toujours quand nos proches critiquent nos décisions et cherchent à nous imposer leurs conseils avisés. Nous apprécions encore moins quand ils nous expriment une inquiétude parfois culpabilisante. De la même manière, jouer les Zorro pour quelqu’un qui ne vous a rien demandé risque de déclencher des réactions similaires à celles de l’amie de Zénobie: du désengagement dans la relation, faire fuir l’autre qui va avoir le sentiment que vous avez envahi son territoire.

 

Nos émotions n’appartiennent qu’à nous

Les émotions que nous ressentons face aux choix de nos proches (inquiétude, colère, frustration etc…), ne nous parlent pas d’eux ni même des éventuelles âneries qu’ils s’apprêtent à faire. Comme toutes les émotions, elles ne nous parlent que de nous. Les décisions, mais aussi attitudes et actions des autres ne déclenchent pas nos émotions. C’est notre perception de la situation qui les déclenche, et cette perception n’engage que nous, nos valeurs, nos systèmes de convictions, nos préjugés.

Les émotions sont donc simplement un miroir dans lequel se reflète nos propres peurs, souffrances, frustrations, autant d’indicateurs de besoins mal comblés. Aussi c’est nous-mêmes qui sommes à l’origine de l’émotion,qui la ressentons face à la situation.  Rappelons-nous trois petits points essentiels

  • Face à une même situation, chacun réagit à sa propre manière. Quand un abruti nous met hors de nous, rappelons-nous qu’il n’existe pas d’abruti universel, et que celui-là a des amis et des proches qui l’aime et ne s’offusquent pas de ses réactions.
  • Il est peu fréquent qu’un proche cherche sciemment à nous inquiéter, à nous mettre en colère etc. Et même lorsque nous sommes intimement convaincus que Duschmoll fait exprès de parler fort au téléphone alors qu’on oeuvre en open space juste pour nous agacer, nous sommes la pluart du temps bien trop centrés sur nous-mêmes, et tombons allègrement dans l’interprétation le plus souvent abusive de ses motivations.
  • Nos réactions émotionnelles nous renvoient des échos de nous-mêmes, c’est donc en nous que nous avons à les traiter, pas en allant expliquer à l’autre combien il s’apprête à faire une erreur monumentale.

A titre d’exemple n’est donc pas le conjoint de l’amie de Zénobie qui déclenche sa colère, c’est elle qui la génère parce qu’une telle situation ne lui conviendrait pas à elle.

 

Emotions et projets professionnels: laisser chacun suivre son propre chemin

Il est assez fréquent qu’une décision d’entamer une transition professionnelle, parfois radicale comme une reconversion ou une création d’entreprise, suscite des cris d’orfraie chez l’entourage, qui ne capte pas grand chose aux motivations derrière le projet, et va s’exprimer en fonction de ses propres craintes des incertitudes et difficultés liées à de tels envies.

Nos chemins ne se ressemblent pas et quelque soit notre perception du chemin de l’autre, respectons ses choix, et saisissons l’opportunité d’aller à la rencontre de nous-mêmes en explorant les craintes qu’ils suscitent en nous, plutôt que d’aller installer des obstacles sur les chemins des autres.
Nous n’avons le pouvoir de décider que notre propre itinéraire, alors laissons à chacun le droit de suivre son chemin, quel qu’il soit, et sachons être là s’ils rencontrent un obstacle ou une embûche et qu’ils nous demandent de l’aide.
Accepter les choix d’un proche, malgré nous, malgré notre façon d’envisager les choses, nos convictions, malgré la difficulté à comprendre, lui apporter un soutien inconditionnel et être prêt à le relever s’il trébuche, tout cela est un bel acte d’amour.

 

Mini coaching: que vous disent vos émotions face à une décision d’autrui?

Quand vous ressentez une émotion vive face aux choix personnels ou professionnels d’un de vos proches, c’est votre cerveau qui vous envoie un message sur quelque chose que vous percevez comme une menace à votre équilibre, à votre bien-être. Un message qui vous concerne directement:

Que ressentez-vous exactement?
Qu’est-ce que ça vous dit sur vous-même?
De quoi avez-vous peur pour vous-même?
Quel besoin avez-vous à satisfaire davantage pour être moins dérangé(e) par le chemin de l’autre?

Pour vous aider à analyser le besoin à combler, voici deux ressources supplémentaires:

 

Voir aussi

Les émotions: amies fidèles ou ennemies incapacitantes?
De l’importance de la distinction entre stress et émotions
Le sentiment d’impuissance
Emotions et bienveillance
Mieux comprendre les émotions
La lecture émotionnelle au service du bien-être
La lecture émotionnelle au service des relations

 

Aller plus loin

Vous voulez mettre vos émotions à votre service en apprenant à identifier et combler les besoins qui les génèrent? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual 

4 Comments

  • Marie dit :

    Il est plus facile d’aider un proche que de voir clair sur soi-même!
    Cela prouve que nos émotions nous bouchent la vue et qu’il faut pouvoir prendre du recul pour agir.
    Quand on regarde un film, on voit tout de suite celui ou celle qui “agit bien” ou éthiquement, ou encore sagement (bref: bien, quoi!), ou celui qui réagit sous l’emprise de son émotion… donc: mal!
    C’est bien de prendre exemple sur ces modèles et d’essayer à notre tour de ne pas réagir sous le coup de l’émotion et de, d’abord, prendre du recul pour que la raison remplace l’émotion.
    il est vrai que l’émotion nous indique ce sur quoi nous devons “travailler”… et ce n’est qu’en pratiquant, longtemps… sur nos épreuves qu’on n’y arrive!
    Parfois, on croit avoir gagné, et le “soi impérieux” revient de plus belle!
    Ne nous décourageons pas: nous sommes là pour nous améliorer! et si nous faisons des efforts, ils seront récompensés!
    😉

  • Marie dit :

    Merci Sylvaine!
    En effet: nous devons “dépasser” nos émotions et savoir POURQUOI nous avons ces réactions…
    Si notre raison fonctionne “sainement”, nous arrivons à nous connaître… avec, évidemment, beaucoup de pratique!
    travail de longue haleine…

  • Marie dit :

    Je viens de lire un article sur les dernières découvertes scientifiques en la matière, qui s’appuient sur les travaux de Damatio selon lesquels sans émotions nous sommes incapable de prendre une décision. En effet, certaines personnes dépourvues d’émotion à cause d’un souci au niveau du cerveau ne parvenaient pas à se décider. J’ai une amie qui s’est trouvé confronté à un choix cornélien. Elle est tombée enceinte au plus mauvais moment de sa vie et son concubin ne voulait pas du bébé. Dans ce cas, est t’on vraiment seul à prendre la décision? Si nous étions seuls ce serait plus facile. Elle m’expliquait qu’elle à fait un tableau avec les avantages et inconvénients et que les inconvénients étaient bien supérieurs aux avantages. Pourtant, l’amour qu’elle avait noté dans les avantages pesait son poids. Elle ressentait des émotions intenses qui lui picotaient le bout des seins. Des émotions si intenses qu’avorter en devenait insupportable. C’était physiologique. Sous la pression et en préférant se rattacher à la raison, elle a mis fin à la grossesse. Elle a beaucoup déprimé, s’est séparé de son concubin et à mis fin à ses jours après avoir écrit une lettre ou elle explique cette situation incontrôlable et son impression d’avoir en elle le fantôme de cette enfant qu’elle aimait malgré tout. Elle dit dans sa lettre qu’elle regrette d’avoir agit avec raison. J’avoue que depuis j’ai tendance à utiliser plus mes émotions pour me guider.

    • Merci Marie pour ce témoignage, tellement triste, qui montre combien effectivement, les émotions ont un rôle central à jouer, en particulier dans les décisions difficiles comme celle-là, et quand le raisonnement parvient à ignorer la force de l’émotion, nous risquons de prendre de mauvaises décisions. D’autre part, nous pouvons subir beaucoup de pression (morale, sociétale etc.) qui nous poussent parfois à contresens de ce que nous voulons réellement, sous couvert de “raison”. Alors oui, écoutons davantage nos émotions:)

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