Connaissance de soi: ce que nos lectures disent de nous

Dans un post sur Facebook, Vincent Rostaing, qui n’est jamais à cours d’idées, a lancé la question: quels sont les 10 livres qui vous ont le plus marqués? Je me suis prêtée avec plaisir à l’exercice et, la sérendipité passant par là, j’y ai trouvé un vecteur fascinant de connaissance de soi que je me réjouis de vous partager.

 

Les lectures qui nous ont marquées, révélateur de notre identité

Certains livres ont été le prolongement de valeurs familiales, d’autres au contraire sont venus ébranler les remparts de l’éducation, des croyances dont nous sommes les héritiers et nous ont ouvert les portes de mondes encore inexplorés. Ils ont pu éclairer des idées que nous nous sommes alors appropriées, enrichir des connaissances, les teinter d’angles de vue jusque-là insoupçonnés, élargir nos champs de vision, stimuler l’imagination. Dès lors qu’il laisse une trace, si un livre ne change peut-être pas une vie, il apporte des idées, des perceptions qui, aux contact des nôtres, sont vecteurs de petits changements, de bifurcations, d’évolutions qui participent de la forge de nos identités.

La nature de ce qu’on retient d’un livre n’a pas d’importance, cela peut tenir autant du récit, du contenu, que d’un personnage, d’une émotion, du style, de la structure narrative. Ce qui compte, ce sont bien les mots qui nous viennent pour décrire les répercussions sur nous-mêmes et les facettes de notre personnalité, de notre identité, dont ils sont le reflet.

Parce que ces livres nous ont influencés, construits, ils ont modelé une part de nos idées, de nos convictions, de notre philosophie de vie, ils sont une mine d’or pour qui veut aller à la rencontre de lui-même et de ses valeurs, à la rencontre de ce parcours d’édification de son identité, d’y retrouver une logique, un fil rouge qui, au gré du temps, a fait de nous ce que nous sommes. Et de donner un éclairage intéressant à nos engagements, notre mode de vie, nos itinéraires professionnels.

 

Mini coaching: vos livres et vous

Il s’agit de réfléchir à ces livres qui, de l’enfance à aujourd’hui, ont laissé une empreinte indélébile dans notre mémoire, ces livres qui restent en nous et nous habitent.

Quels sont les livres qui vous ont le plus marqué?

Qu’en avez-vous retiré?

En quoi vous ont-ils influencé? Construit?

De quoi sont-ils le reflet, en termes de convictions, d’opinions, de valeurs, de besoins?

En qui ont-ils participé à la construction de la personne que vous êtes aujourd’hui?

 

Mes lectures et moi

En me penchant sur cette application introspective, je me suis rendue compte combien les lectures qui ont marqué ma mémoire sont révélatrices du parcours qui m’a menée à mon activité professionnelle d’aujourd’hui, à la façon dont je pratique mon métier de coach et aux convictions qui sous-tendent cette pratique. Voici donc quelques-uns de ces livres et des traces qu’ils ont laissées chez moi:

 

Mes-lectures_GideLes rubaiyats – Omar Khayyam et Les nourritures terrestres – André Gide

Ces deux livres m’ont donné ce goût de la vie, ce désir de savourer dans le présent chaque parcelle d’émotion et d’en saisir toute la sève, de célébrer l’instant et le plaisir des sens, la jouissance. Parfois en dépit des épreuves, parfois comme réponse à celles-ci, parfois simplement pour eux-mêmes, parce qu’ils sont source d’énergie vitale. Il y a probablement là la source de mon principe des Vitamines mentales

 

5893Les mines du roi Salomon – Henry Rider Haggard

Probablement le livre que j’ai le plus lu et relu, il est le symbole des quantités de romans d’aventure que j’ai lus, de James Oliver Curwood à Frison-Roche. Il se trouvait chez mes grand-parents et je le relisais chaque fois que j’y allais. Je me souviens de l’anticipation fiévreuse à l’idée de me saisir de ce vieux livre à l’odeur poussiéreuse et de me plonger dedans pour ressentir à nouveau le sable brûlant du désert, le goût de la soif, l’émerveillement de la découverte, l’étonnement de la différence… le champ des possibles. Il résume à lui seul mon goût de l’aventure, de l’exploration, du dépassement de soi, de la capacité à surmonter les difficultés pour aller au bout de ses désirs, à se confronter à la nature. Tout ce qui m’a tant poussée à arpenter montagnes et déserts;)

 

moby_dickMoby Dick Herman Melville

Un livre exceptionnel à bien des titres. Etude microcosmique des relations humaines, des hiérarchies, de la société en général, il est une réflexion sur la condition humaine qui dépasse le mythe de l’Amérique qu’il dénonce. Récit d’aventure et roman initiatique, il évoque aussi la quête de soi qui mène aussi à l’amitié, à la solidarité, à l’élan fraternel, des valeurs relationnelles qui sont un rempart à la folie des hommes. Je m’arrête là, je pourrais logorrhéer jusqu’à plus faim sur l’intéret majeur de ce bouquin. Ce qui m’a marqué, c’est la traduction dans un style et une langue extraordinaires (au sens qui sortent de l’ordinaire), d’une vision d’un monde déjà fou au 19ème… et l’importance de prendre du recul, d’observer, de contempler, d’analyser plutôt que de se jeter dans des quêtes absurdes, en particulier sous l’emprise de “leaders charismatiques”, dont les ambitions personnelles ne sont pas les nôtres. Il est aussi ma rencontre avec la littérature.

 

la découverte de l'altérité et de sa vision du mondeLes croisades vues par les Arabes – Amin Maalouf

L’ouverture d’esprit, le désir d’aller au delà des apparences et des discours et d’explorer d’autres points de vue, d’autres perceptions, de traverser le miroir aux idées reçues. C’est pour moi la découverte et la reconnaissance de l’altérité dans toute sa force et de l’importance d’observer l’autre, de l’écouter, de développer une empathie qui permet de comprendre ses étranges motivations.

 

esthetique littéraire et réalité complexe qu'on interprète souvent trop vitePale Fire – Vladimir Nabokov et The Aspern Papers – Heny James (et Moby Dick)

Le plaisir de la littérature et la force de l’écriture, la beauté dans les mots et dans les représentations que nous en faisons sur notre écran mental. J’aurais pu mettre ici Victor Hugo, Boris Vian et quantités de poètes. La satisfaction profonde qu’il y a à faire sens d’une réalité complexe, qui ne se dévoile que par petites touches et qu’on interprète souvent trop vite. L’intelligence et le plaisir d’une lecture fine et nuancée de cette réalité, au travers d’une langue aux registres variés, de l’enchantement de styles dont la richesse esthétique est l’écrin.

 

la naissance d'une conscience social, la place de l'individu au coeur des collectifsLe zéro et l’infini – Arthur Koestler

La naissance d’une conscience sociale, la façon dont nous perpétrons les systèmes qui nous asservissent (qu’ils soient politiques, économiques, managériaux ou tout simplement familiaux et individuels). La relation entre l’individu et les collectifs dans lesquels il évolue, et indépendamment de la conclusion du livre, le besoin d’insoumission et de désobéissance dès lors que ceux-ci prennent une teinte totalitaire (que le conformisme et la norme imposent souvent). Le besoin d’équilibre entre l’utile collectif et le bien-être individuel, pour que puisse respirer et agir en fonction

 

Liberté de ton et d'esprit, comment être soi malgré les autresTous les vieux San Antonio – Frédéric Dard

Pour la liberté (de ton, de parole, d’esprit), l’humour sans complexe, la création sémantique, la truculence. Il représente pour moi l’autorisation qu’on se donne (ou pas ) à être soi, à oser faire ce qui nous tient à coeur à notre manière, sans se brider de peur de déplaire. Il y a une grande force là dedans.

 

contradictions de la guerreHomage to Catalonia – George Orwell et Day over night over Day – Paul Watkins, qui aurait pu être remplacés par A l’ouest rien de nouveau – Erich Maria Remarque

Qui résument une fascination pour la littérature de guerre qui a été l’objet de mes études universitaires et les récits de l’impact de celle-ci sur l’être humain, les paradoxes intrinsèques dont elle est le reflet : de la fleur au fusil au désastre, les schémas qui se répètent malgré la connaissance que nous en avons, tous les courages et toutes les lâchetés dont elle est le révélateur, Les notions d’engagement, d’abnégation, mais aussi le désenchantement, le vide, le sacrifice au nom de quoi?

 

C’est à vous!

 

 

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Aller plus loin

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8 Comments

  • LAURENT dit :

    Bonjour Sylvaine,

    Super idée, ce post – j’ai toujours pensé que les livres que l’on lit influencent considérablement le chemin de vie que l’on prend … consciemment ou non.

    1. Cash, money, fortune de PL Sulitzer – ces 3 livres m’ont poussé à faire des études de finance pour devenir trader (ce qui s’est produit)
    2. tous les “vieux” san-antonio – humour, aventure, philo, je ne sais plus qui avait dit que F. Dard était le psy des français – je les relis de temps à autre pour me gondoler 😉
    3. “Le temps et l’espace” de Maurice Chatelain, directeur informatique du programme Appolo –> ce bouquin a satisfait ma curiosité pour l’aventure spatiale mais surtout m’a ouvert l’esprit vers d’autres univers (archéologie, phénomènes para-normaux, religion)
    4. Thomas D’Amsembourg ” cessez d’être gentil, soyez vrai” – beaucoup de choses très intéressantes dans ce livre qui ont confirmé ce que je pensais / percevais, notamment les notions de pensées automatiques, de jugement instinctif, du rapport de force instinctif auquel on peut substituer le langage du coeur, etc… a certainement joué un rôle dans ma décision de créer ijustvalue.com
    5. Frédéric Lenoir “petit traité de vie intérieure” et qq autres du même auteur –> la lecture de ces livres a certainement joué un rôle dans l’idée de créer ijustvalue.com (et donc de promouvoir la bienveillance au W et dans la vie).
    6. Carl Jung “dialectique du moi et de l’inconscient”, bouquin assez peu digeste mais dont je pense chaque jour à un passage : “l’humour représente la forme ultime d’intelligence”

    Merci !
    Laurent.

    • Sylvaine Pascual dit :

      Merci Laurent pour ce partage!
      Effectivement, leur influence n’est parfois pas tellement consciente, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai apprécié de faire l’exercice: je ne m’étais pas rendu compte d’à quel point les miennes étaient révélatrices de mes valeurs et de ce qui est important pour moi aujourd’hui;)
      J’ai mis récemment Lenoir sur ma pile, ton retour me pousse à le mettre un peu plus haut^^

  • Cathalapointe dit :

    Merci, cela me donne envie de lire Moby Dick… pour ma part, en vrac “le développement de la personne” de Carl Rogers (ma meilleure lecture pendant mes études de psychologie), “les 4 accords toltèques” de Dom Miguel Ruiz qu’un collègue Coach m’a fait découvrir récemment, ” “les mots pour le dire” de Marie Cardinal et “le choix de Sophie” de Wiliam Styron (deux livres coups de poing) “le conte chaud et doux des chauds doudoux” de Claude Steiner (que j’offre en permanence), dans les romans “la vie ardente de Michel Ange” de Irving Stone, “Sous le soleil des Scorta” de Laurent Gaudé “la petite fille qui aimait Tom Gordon” de Stephan King et “le petit garçon qui voulait devenir un être humain (trilogie de John Riel), et je termine par “le petit prince” de St Exupéry et ma madeleine de Proust la collection entière des Tintin!

    • Sylvaine Pascual dit :

      Tu es la seconde à me recommander Laurent Gaudé que je ne connais pas, il remonte d’une place sur ma liste! Et le Conte chau et doux des chauds doudoux a un titre bien trop alléchant pour que je l’ignore^^

  • Une étude très impressionnante qui reflète l’effet de la littérature sur le lecteur. C’est un effet magnifique et extraordinaire ! Au cours de la lecture d’un roman on se sent très lié aux caractères, il y’a une intimité sublime qui se naît. Et chaque livre accomplit un changement remarquable. Cela est facile à comprendre lorsque nous comparons la vie d’un homme qui ne lit pas à celle d’un homme qui lit. Celui qui ne lit pas est limité dans ses contacts et ses connaissances. Mais dés qu’il prend un livre il devient en rapport avec l’un des meilleurs écrivains du monde qui le conduit dans un autre univers et une autre époque. .Merci pour la liste parce que je connais pas ces titres (sauf Moby Dick) c’est une bonne occasion de les découvrir. Voilà ma liste préférée :
    – Le sens du bonheur ( Krishnamurti )
    – Le deuxième sexe ( Simone de Beauvoir )
    – L’homme qui voulait être heureux ( Gounelle)
    – Journal d’Anne Frank
    – Germinal ( Zola )
    – Madame Bovary (Flaubert)
    – Cent ans de solitude ( G.G. Marquez)
    – Notre dame de Paris ( Hugo )
    – Pigeon ( suskind )
    – L’insoutenable légèreté de l’être ( Milan Kundera ). !!!!!

  • Corinne dit :

    Très intéressant et ludique ! Imaginer que les lectures soient révélatrices de qui nous sommes… Peut-être alors dans notre façon de les ressentir, alors ? En tout cas, c’est ce que je retiens de l’introspection que tu nous “livres” si gentiment.
    En dehors de SanA je ne connaissais aucune des lectures que tu cites, ok Moby Dick mais je ne l’ai toujours pas lu ! 😉 Moi qui m’en cherchait de nouvelles, je me laisserai bien tenter par Les Mines du Roi Salomon (tu le vends super bien !).
    Allez, je vais faire l’exercice et passer au crible les lectures dévorantes de mon enfance à l’adolescence.
    Les Misérables, à l’Est d’Eden, Moi, Christiane F. 13 ans droguée prostituée, l’Herbe bleue…. Non non, je ne crois pas être une psychopathe… euh, enfin je crois 😉 Je suis sauve j’ai adoré Le Club des 5 bibliothèque verte !!!!!!

    • Sylvaine Pascual dit :

      Effectivement, notre relation aux livres qui nous ont influencés sont de l’ordre du ressenti!
      héhé, moi aussi, gamine je lisais le club des 5… les gamins débrouillards débarrassés du contrôle parental (souvent appelé “protection”;) c’était inspirant!

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