Sommeil: orgueil et préjugés du bien dormir

Comme tant de choses en ce bas monde, le sommeil n’échappe pas à des pelletés d’idées reçues qui nuisent à sa santé. Et parmi celles-là, certaines ont la peau particulièrement dures et débouchent sur l’éternelle opposition lève-tôt/couche-tard. Mais bien dormir c’est autre chose que se conformer à des préjugés.

Un bon sommeil participe du plaisir de travailler

Nous avions déjà évoqué le sommeil en tant que besoin pysiologique fondammental trop souvent soigneusement remisé dans les oubliettes de nos quotidiens affairés. Pourtant, qui n’aspire pas à s’assoupir sans gamberger, à se réveiller la comprenette frétillante et d’humeur joyeuse, plutôt que flappi et de mauvais poil?

Un bon sommeil participe du plaisir de travailler en ce qu’il permet de traverser nos journées sans décliner, sans devoir lutter contre la fatigue accumulée et parce que le manque de sommeil, en temps autant qu’en qualité, altère les fonctions psychiques et rendent ainsi le boulot à la fois plus difficile et moins agréable :

  • Perte de concentration, d’attention
  • Somnolence et fatigue
  • Perte d’efficacité
  • Difficultés à planifier, à prendre des décisions
  • Perte de réflexes et de coordination
  • Risque accru d’accident (lié à la somnolence et la perte de vigilance)
  • Difficultés de mémorisation et d’apprentissage
  • Troubles de l’humeur, baisse du moral, stress, anxiété, irritabilité et/ou abattement, avec des conséquences sur la qualité des relations (qui à leur tour vont diminuer la qualité du sommeil)
  • Amplification des réactions émotionnelles

Bref, le manque de sommeil nous met la carafe en rideau et le palpitant en surchauffe… et nous ne le savons pas. Ou du moins nous n’en avons qu’une conscience très limitée, nous balayons l’idée vite fait sous le tapis, on aura tout le temps de ronquer quand on sera des macchabées. Nous ressentons la fatigue, mais peinons à en observer les conséquences réelles sur nous-mêmes, notre travail et nos relations.

Et pour diminuer la fatigue et renouer avec un sommeil réparateur, nous avons dans un premier temps besoin de comprendre nos besoins personnels de sommeil, tout en faisant fi des préjugés en la matière, et des croyances que notre orgueil se plaît à installer dans nos cafetières.

Le manque de sommeil a des effets colossaux sur la santé et les fonctions cognitives

Orgueil et préjugés du bien dormir

Si nous passons 1/3 de notre vie à ronquer, c’est que le sommeil est essentiel à nos fonctions biologiques et psychologiques. C’est une sorte de système de maintenance du corps et de l’esprit, qui travaille à leur bon fonctionnement.

De manière générale, notre rapport au sommeil est influencé par nos croyances, elles-mêmes parfois plus conditionnées que nous le voudrions par ce qui est valorisé par la société. Or, l’époque nous aime bouillonnants d’activité, autant dans nos vies personnelles que professionnelles. Il n’en faut pas plus pour que ce soit le sommeil qui trinque, histoire de faire un peu de place à tout ce que nous sommes sommés de caser dans une journée.

Les multiples travaux sur le sommeil s’accordent sur le point qu’à l’âge adulte, nous avons besoin d’une moyenne de 7 à 9h de sommeil par nuit. Or 45% des 25/45 ans estiment ne pas dormir suffisamment et 13% d’entre eux considèrent que dormir est une perte de temps.

Or, les lève-tard sont plutôt stigmatisés et les nuits raccourcies sont ultra valorisées. On pense évidemment à l’indémodable « l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt » qui aurait fait doucement se poiler Flaubert ou Picasso, ou encore au nigaud « miracle morning », lorsqu’il est vendu comme l’apanage des winners. Hop, coco, lève-toi une heure (ou deux) plus tôt et tu t’octroieras sans coup férir les veaux, vaches et cochons de la réussite, pendant que les mous de la calcombe sont affalés dans la léthargie du plumard. S’infliger une discipline de fer pour correspondre à des canons en vogue est un excellent moyen de passer le plus clair de sa vie en lutte vaine contre soi-même et par ricochet contre la fatigue. D’autre part, les cycles de sommeil artificiellement décalés  Et le résultat est le même quand nous nous imposons de nous coucher tard, sous prétexte que se coucher avec les poules, c’est quand même un truc de boomer embrouillardé, et pourquoi pas des charentaises, tant qu’on y est.

L’héroïsation des entrepreneurs à succès joue souvent sur la corde des nuits très courtes, ultra valorisées, comme s’il s’agissait là de la preuve d’une appartenance à une élite. Mais à tirer sur ladite corde un peu plus souvent qu’à son tour, c’est risquer qu’elle ne s’use et qu’elle finisse par nous claquer dans les doigts, voire à nous mettre le palpitant hors d’usage, puisque dormir moins de 6h par nuit augmente les chances de troubles cardio-vasculaires.

D’autre part, un déficit momentané de sommeil se rattrape en quelques jours, en revanche, un manque prolongé est beaucoup plus difficile à récupérer et les capacités cognitives diminuent. Lorsque le manque de sommeil s’étale sur plusieurs mois, nous devenons de moins en moins conscients de l’ampleur de notre fatigue, et encore moins du déclin cognitif, ce qui nous pousse à croire que nous avons besoin de peu dormir.

Et nous voilà qui dormons de moins en moins, en moyenne 1H30 de moins qu’il y a 50 ans, et aussi de moins en moins bien, les causes des troubles du sommeil étant multiples et complexes. Bref, la fatigue, mal du siècle.

Au final, le temps de sommeil nécessaire autant que l’heure du coucher ou du lever font l’objet de tous les orgueils et préjugés. Et ceux-là peuvent nuire aussi à l’estime de soi, notamment lorsque nous avons l’impression de ne pas être le dormeur que nous devrions être.

Profiter des vacances pour réapprendre à glandouiller, à revasser

Sommeil et connaissance de soi: quel dormeur êtes-vous?

Si le temps de sommeil idéal varie autour de 7 à 9h, certains ont besoin de dormir plus ou moins que cette fourchette. D’autre part, la question du moment favorable à l’assoupissement de dépend pas d’un « bon » ou « mauvais » moment, trop tôt ou trop tard selon une supposée universalité du roupillon des costauds du citron. La bonne heure pour vous coucher, c’est la vôtre. En d’autres termes, lève-tôt ou couche-tard, besoin de peu ou beacoup de sommeil n’a pas d’importance en soi, ce qui compte c’est, une fois de plus, la connaissance de soi et l’acceptation de nos prepres fonctionnements.

Et il y a deux aspects essentiels de la connaissance de notre propre sommeil :

  • La quantité de sommeil dont nous avons besoin : court, moyen ou long dormeur
  • Notre chronotype : matinal, vespéral ou diurne

Êtes-vous court, moyen ou long dormeur?

Nous avons parlé de ceux qui dorment trop peu, mais inversement, point trop n’en faut, les marmottes patentées et morfales du pageot augmentent aussi les risques cardiovasculaires, bref, dormons ni trop ni trop peu là où ça nous convient le mieux entre 7 et 9h.

Une toute pitchoune minorité d’entre nous (dans les 5%) auraient besoin de peu de sommeil, ce qui serait lié à un gène spécifique et à un sommeil plus profond que la plupart d’entre nous. Une autre minorité aurait besoin d’en écraser au long cours (dans les 2,5%), parfois jusqu’à 12h par nuit et ces besoins varient aussi en fonction de l’âge.

Or nous confondons souvent besoin et temps de sommeil. C’est-à-dire que nous définissons notre besoin de sommeil en fonction de nos habitudes, plutôt que selon ce qui est réellement bon pour nous.

Il est donc important de ne pas confondre court-dormeur et insomniaque ou en manque de sommeil. Ainsi par exemple, vous n’êtes pas court-dormeur si vous dormez peu la semaine et beaucoup plus le week-end ou en vacances que le reste de la semaine. Dormir davantage sur ses temps de repos en plutôt l’indicateur d’une dette de sommeil.

En d’autres termes, il n’est pas évident de déterminer précisément la quantité de sommeil dont nous avons besoin, notamment à cause de nos habitudes et de nos croyances. Pour déterminer votre quantité de sommeil idéal, vous pouvez observer et analyser votre rythme dans des périodes dépourvues de contraintes et de stress, par exemple en vacances, mais à condition évidemment que vous ne sortiez pas tous les soirs.En complément: 

Malheureusement trop associée à de la fainéantise, de la négligence ou de la nonchalance, la procrastination a pourtant beaucoup de choses à nous dire sur nous-même et notre rapport aux tâches que nous peinons à effectuer.

Êtes-vous du matin ou du soir ?

Chacun d’entre nous a un chronotype, largement issu de notre génétique, et dont l’origine se trouverait, dans les exigences de l’évolution et de la survie en tant qu’espèce : avoir une poignée d’oiseaux de nuits capables de garder l’œil ouvert pendant que leurs contemporains ronquent, ça peut servir au cas où des fauves passeraient par là et décideraient que c’est l’heure d’une petite collation. Comme disait l’autre, « si c’est pas vrai, c’est bien trouvé », mais c’est l’hypothèse de Matthew Walker, chercheur à Berkeley (« Pourquoi nous dormons, le pouvoir du sommeil et des rêves », Editions La Découverte ). Selon lui, les chronotypes augmentaient potentiellement la survie de l’espèce de 50%.

Ce chronotype est l’expression personnelle de notre rythme circadien et il détermine si nous sommes plus efficaces le matin ou le soir, ou quelque part entre les deux:

  • Le chronotype matinal : ceux qui sont du matin sont plus productifs et de manière générale, plus heureux mais attention, il se peut que ces caractéristiques soient aussi liées au fait qu’ils sont plus en phase avec le rythme de nos sociétés. Ce chronotype peut être modéré ou élevé et concernerait un  peu plus d’un quart de la population adulte
  • Le chronotype vespéral : ceux qui sont plutôt du soir seraient plus créatifs, mais aussi moins performants car moins adaptés aux rythmes de travail classique. Ce chronotype peut être modéré ou élevé et concernerait un cinquième de la population adulte.

  • Le chronotype diurne : situé entre les deux, il comprend la majorité des gens avec des nuances (un peu plus du matin, un peu plus du soir). C’est sans doute parce qu’il est le plus représenté (la moitié de la population) que les horaires de société lui correspondent le mieux.

Nous avons souvent une idée assez floue de notre chronotype, en particulier parce que nous sommes soumis à des rythmes imposés par notre environnement personnel, professionnel et sociétal, mais aussi parce que nos habitudes et nos croyances peuvent aussi être différentes de nos besoins réels, ou encore parce que nous cherchons à nous ranger dans un camp (le plus valorisant à nos yeux) alors que la majorité d’entre nous sommes diurnes ou modérément du matin ou du soir.

Ainsi je me pensais du matin, mais c’est probablement parce que j’aime particulièrement l’atmosphère des petits matins. je constate en observant de plus près ma relation au plumard que je suis plutôt dans une diurne, ascendant matinal, qu’une vraie lève-tôt. Pour vous y retrouver, un test très utile:

sommeil: lève-tôt, couche-tard ou entre les deux?

L’avenir appartient… à ceux qui dorment leur content

N’en déplaisent aux apôtres du dicton populaire, tristes sires du sommeil normalisé, l’avenir n’appartient pas nécessairement à ceux qui se lèvent tôt, en particulier s’ils sont couche-tard. L’idée est donc de s’accorder davantage, du moins tant que faire se peut, à notre propre mode de fonctionnement en relation avec le sommeil. 

Seulement voilà, ce n’est pas exactement simple, les horaires de boulot étant assez figés et le stress et les aléas de la vie étant prompts à nous garder éveillés. Nous verrons donc dans un second temps comment dormir notre content.

Images :  Kanenori, Erik Karits, Stocksnap de Pixabay

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