Emotions: comprendre la colère

comprendre le rôle de la colère, parfois salutaire, parfois signe d''un besoin d'affirmation de soi

 

De l’agacement à la fureur, la colère nous fait passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, consomme beaucoup d’énergie et n’aide pas toujours à régler nos problèmes. Pourtant, comme toutes les émotions, la colère vise un bénéfice et nous transmet des messages essentiels à notre bien-être et à notre équilibre. Serait-elle finalement bonne conseillère ?

comprendre le rôle de la colère, parfois salutaire, parfois signe d''un besoin d'affirmation de soi

 

La colère salutaire

Indignation, mécontentement, rage, hargne, emportement, exaspération, les nuances de la colère sont multiples et traduisent toutes une frustration liée au décalage entre la réalité telle qu’elle est et telle que nous voudrions qu’elle soit. La colère intervient quand petits désagréments et grandes emmerdes viennent bousculer  ce qui autrement pourrait être un quotidien fluide. Ainsi un train en retard, un entretien raté, un collègue qui ne dit pas bonjour, le petit qui renverse son chocolat ou nos clés qui ont encore trouvé le moyen de se planquer ailleurs qu’à leur place et nous voilà dans tous nos états, prêts à mordre, à bouder ou à piquer une crise.
Mais la colère n’est pas qu’agacement inutile.

Elle peut être salutaire à plus d’un titre : d’abord parce qu’elle nous permet de modifier nos interactions pour éviter de reproduire les situations relationnelles qui la déclenchent, mais aussi parce que dans un sens plus large, elle nous fournit un carburant sacrément puissant  pour modifier ce que nous considérons comme injuste, illégitime, pénible etc. Elle est le moteur de bien des engagements, comme par exemple la lutte en faveur de causes importantes à nos yeux, politiques, humaines etc.

Rappelons-nous de l’origine primitive des émotions : les animaux utilisent la colère pour envoyer un message clair, à défaut d’être aimable, à leurs congénères : tu représentes une menace, si tu continues je vais t’arracher les viscères et m’en faire un collier. La colère a donc un double bénéfice salvateur : elle nous informe sur ce que nous percevons comme une menace à notre intégrité physique ou morale, et elle informe l’interlocuteur que son comportement ne nous convient pas du tout.

 

Exprimer sa colère, ou pas ?

Le soulagement que peut éventuellement procurer le fait de beugler sur son prochain est désagréablement limité dans le temps et ne nourrit pas l’estime de soi (à ne pas confondre avec l’égo vaniteux qui se réjouira, lui, d’avoir pris le dessus). D’autre part, notre communication, sous le coup de la colère, se teinte de nuances agressives qui au mieux, mettent l’interlocuteur sur la défensive (il est alors peu enclin à nous entendre), et au pire, suscitent sa propre colère, et on tombe alors dans le dialogue de sourds. Ce n’est pas la colère en soi qui est mauvaise conseillère, ce sont les réactions qu’elle génère en nous. Et qui peuvent avoir des conséquences encore plus pénibles:

A l’inverse, par peur du rejet ou parce que culturellement nous méprisons la colère, nous pouvons avoir tendance à ne rien dire, à garder pour nous cette frustration rentrée qui construit patiemment un ressentiment de plus en plus difficile à réprimer et mène tout droit au stress.  La tension interne augmente jusq’au jour où ce sera l’explosion nucléaire,  à la plus grande surprise de l’interlocuteur qui n’y comprendra rien. D’autant que la colère est souvent un paravent derrière lequel se cache une part de vulnérabilité qu’on préfère éviter de montrer:

la colère peut cacher d'autres émotions, plus difficiles à exprimer

Toute la difficulté, avec la colère, réside donc dans le fait d’accepter de la ressentir, pour entendre son message, tout en évitant de réagir à chaud et de nous en prendre à autrui, ce qui est le plus souvent un tantinet contre-productif. Pour exprimer ce qui nous met en colère sans céder à l’emportement, mieux vaut prendre un peu de recul, quitte à s’isoler un moment pour prendre le temps d’écouter le message qu’elle nous envoie réellement et décider de la marche à suivre en fonction.

 

Entendre le message de l’émotion

Avec le développement de comportements légèrement plus civilisés que celui décrit plus haut, les menaces ont changé mais l’émotion et les réactions qu’elle génère sont restées intactes. Et le décalage entre les deux ne facilite pas du tout le décodage du message transmis. Pourtant, la compréhension de l’information suffit souvent à faire retomber l’émotion et à diminuer l’état dans lequel elle nous met.

Voyons donc de quoi est fait ce message. Rappelons d’abord que comme toutes les émotions, elle nous parle de nous et uniquement de nous, même quand si nous ressentons de la colère vis-à-vis d’une personne, d’une institution, d’une situation etc. Toujours comme toutes les émotions, elle nous signale un besoin insuffisamment comblé. Elle nous indique souvent qu’une limite a été franchie, que nous nous sentons agressés, abusés, floués, que quelqu’un empiète sur nos plates-bandes et elle est donc souvent liée au besoin de reconnaissance et d’affirmation de soi.

Déclenchée par un événement comme un avion en retard, elle nous indique un besoin excessif de  tout contrôler, notre incapacité à lâcher prise sur ce que nous ne maîtrisons absolument pas. Ce qui cache sans doute des peurs. : en effet, la colère est une émotion secondaire, c’est-à-dire déclenchée par d’autres émotions comme la peur ou la tristesse.

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Passer à l’action

Une fois le message entendu, nous pouvons passer à l’action pour combler le besoin insatisfait.

Par exemple,  si une personne a eu l’outrecuidance d’avoir un comportement qui nous déplaît, nous pouvons le lui dire et en l’assortissant  d’une demande assertive ou d’une critique élégante, de façon à éviter que la situation se reproduise.

Voici quelques question destinées à apprivoiser la colère et profiter de ce qu’elle a de salutaire. A utiliser soit en dehors de tout sentiment de colère pour mieux se connaître, soit sous l’émotion pour explorer le message qu’elle nous envoie:

Et vous, qu’est-ce qui vous met en colère ?
Comment réagissez-vous quand vous êtes en colère ?
Ces réactions : quels sont leurs bénéfices ? Quels sont leurs coûts ?
Qu’est-ce que cette colère vous dit sur vous-même ?
Comment y remédier ?

Et comme d’habitude, faisons preuve de bienveillance envers nous-mêmes: il peut nous arriver à tous de céder à la colère et de nous emporter… aussi inutile de nous traiter de tous les noms et de torpiller au passage l’estime de soi. Il est possible que cet emportement nous soit utile, si nous en tirons les leçons;)
.

 

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20 Comments

  • fredheas dit :

    Bonjour @Sylvaine, comme tu l’indiques la colère vient souvent d’un décalage entre le message que l’on nous a transmis et comment on le perçoit nous même!
    Il est alors important de savoir décortiquer celui-ci pour éviter les “excès” de colère!
    Belle journée à toi et à bientôt à la TV! 😉
     

  • Koolter dit :

    Par ces temps où la colère est pointé du doigt comme une émotion négative et donc à proscrire, ça fait du bien de lire un article, qui recentre le débat: la colère a une utilité mais bien sûr il ne faut pas se laisser posséder par elle. Si j’ai bien compris, ça sert d’alerte…

  • Patrick dit :

    Ha oui, bravo pour le passage à la télé!

    Merci pour cet article particulièrement intéressant et instructif. Ruminer sa rancoeur pendant des semaines, c’est le signe qu’on a des choses à dire, et c’est le moyen de cesser de ressasser.
    Ce qui me frappe le plus, c’est qu’on se met en colère contre quelqu’un, mais que pour savoir vraiment ce qui nous pose pboblème, il faut regarder à l’itérieur de soi, pas chez l’autre. C’est d’ailleurs ce qui me parait le plus difficile, de détourner son attention de ce que l’autre personne a fait pour se préoccuper de moi, alors qu’à priori, je veux juste que l’autre change.

  • Eric l dit :

    Bonjour,

    La colère est un merveilleux cadeau pour exprimer ce que le sent à l’intérieur de nous même. A travers le regard de la Communication NonViolente voici ce qu’est la colère :

    Critiquer et punir les autres sont autant d?expressions superficielles de la colère. Si nous souhaitons exprimer pleinement la colère, le premier pas est de décharger l?autre de toute responsabilité, afin de porter notre entière attention sur nos propres sentiments et besoins. Nous avons bien plus de chances d?obtenir ce que nous souhaitons en exprimant nos besoins qu?en jugeant, critiquant ou punissant l?autre.
    L?expression de la colère se fait en quatre temps :
    1 ? marquer une pause et respirer profondément
    2 ? identifier les jugements qui nous viennent à l?esprit
    3 ? prendre conscience de nos besoins
    4 ? exprimer nos sentiments et nos besoins inassouvis

    Il se peut que, entre les étapes 2 et 3, nous choisissons de témoigner de l?empathie à l?autre pour lui permettre de mieux nous écouter lorsque nous exprimerons notre demande.
    Il est nécessaire de prendre son temps pour apprendre le processus de la CNV, et aussi pour l?appliquer.

    Exercice pratique : recensez les jugements qui vous viennent le plus souvent à l?esprit en commençant votre phrase par : « je n?aime pas les gens qui sont? » A partir de cette liste de qualificatif négatifs, demandez-vous : « lorsque je juge quelqu?un, quels sont les besoins qui, chez moi, ne sont pas satisfait ? » Peu à peu, vous apprendrez ainsi à penser davantage en termes de besoins insatisfaits que de jugements.

    En CNV la pratique est essentielle, la CNV se vit et se sent au c?ur de son être en lien avec sa conscience. Juger et critiquer sont devenu chez nous une seconde nature? C?est pourquoi l?apprentissage de ce processus est long, tout comme sa mise en application. En même temps chaque pas réalisés sur ce chemin est comme une libération des tensions et des tiraillements internes qui nous empêchent de voir l?Homme tel qu?il est : bon, généreux, créatif, exceptionnel, protecteur, aimant. (Marshal Rosenberg)

    Chaleureusement

    Eric

    PS : au travers de votre article il me semble que vous connaissez la CNV ?

  • Marie-Pierre dit :

    Je suis complètement d’accord avec ce que tu dis ; d’ailleurs en lisant ton article, je viens de me rendre que j’avais omis l’aspect besoin insatisfait que pouvait exprimer la colère. Super article ! Merci

    • Sylvaine Pascual dit :

      Je crois que ça n’a pas d’importance, l’essentiel étant ce premier pas vers la réconciliation avec nos émotions. D’ailleurs, ce que mon article développe insuffisamment, c’est l’aspect secondaire de la colère, qui pourrait bien être plutôt l’expression de l’état de défense que l’émotion en soi. Et je me suis dit en lisant ton article, et du coup en relisant le mien, qu’il serait intéressant de revenir sur ce point. Bref: des ajouts à faire, il y en a en permanence!
      A l’arrivée, comme tu l’as mis sur Twitter, les deux sont complémentaires;)

  • Patrick dit :

    Un accès de colère non suivi d’une baisse de l’estime de soi est la preuve d’un égo vaniteux ? Au mieux dans mon cas il y a apaisement, au pire soulagement… Je ne crois pas en sortir satisfait.

  • chabanon dit :

    Oh oui Sylvaine, la colère !
    La saine colère libératrice, celle qui amène à développer notre personnalité en nous aidant à nous libérer de nos chaînes.

    Nous serions, il paraîtrait, des êtres profondément en quête de nous-mêmes. Donc par essence, en parfaite incomplétude. Alors, si cette colère-là est un carburant pour nourrir cette quête, elle serait un véritable désastre si elle dirigeait toute seule notre galère. Une chanson disait, il faut de tout pour faire un monde. Comme le montre le dessin-animé “Vice Versa”, chaque émotion est nécessaire et dans le cas de la colère, c’est un mal nécessaire et hautement salutaire.

    Merci pour ce post écrit il y a longtemps mais qui restera contemporain.

    Voila en tout cas ce que m’évoque votre post.

    Bonne semaine Sylvaine.

    Christian

  • Lacoun coulibaly joachim dit :

    Vous nous aidez vraiment Que Dieu vous benisse

  • Ping : La colère
  • Samuel dit :

    La colère est habituellement perçue comme contraire à l’harmonie et à la paix. On lui colle alors une étiquette d’énergie à éviter à tout prix. Alors qu’au contraire, vous expliquez avec justesse que la colère peut être salutaire en autant qu’elle ne soit pas utilisée à mauvais escient.
    Merci beaucoup Sylvaine pour votre article 🙂

    • Merci! Les émotions ont de multiples facettes salutaires, mais restent souvent mal jugées parce que nus ne savons pas trop comment les comprendre ni quoi en faire… nous avons besoin de nous réconcilier avec elles!

      • Tomasi dit :

        Communiquer n’est pas toujours facile certe…Tout le monde sait qu’il est préférable de dialoguer pour éviter la violence.
        Mais comment faire lorsqu’on est en colère ?
        Si on ne s’entend plus, comment communiquer ?
        Tendre une oreille bienveillante pour être à l’écoute de l’autre afin de rétablir un dialogue harmonieux dans lequel chacun pourrait s’exprimer, echanger avec respect et sans rapport de force.

        Le dialogue n’est naturellement pas spontané étant données nos tendances humaines régies par nos émotions. Il demande à être maîtrisé, par un travail, une connaissance de esoi, et de son environnement. C’est un entraînement qui demande de la sagesse et du courage pour ne pas transférer sa colère (violence) sur son entourage, pour ne pas s’imposer, ou imposer ses idées.

        Ainsi les colères, frustrations, souffrances lorsqu’elles sont prises en compte et guéries se transforment en bienveillance et conduisent à une meilleure écoute de l’autre, une humilité permettant d’inspirer et d’inciter à dialoguer dans un respect mutuelle et une bonne entente.

  • Daniela T. dit :

    Bonjour ,excellent article gratitude ……

  • colette dit :

    Merci pour cet article qui tombe à point compte tenu de la situation que Je vis. Mon mari est très colérique et je ne sais pas (plus quoi faire pour l’aider ). Il ne veut pas voir de psy alors qu’il en aurait besoin compte son enfance difficile (élevé dans Pere, des référence uniquement féminine en la personne de sa mère, grande tante, grand mère, une famille éclaté – plusieurs membres de cette famille ne se voient ou ne se parlent pas, le silence est le fil rouge…bref j’en passe. Ma question est la suivante : est-ce que la colère est génétique (cas peut elle se transmettre consciemment ou nonde père en fils)?

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