Carrière: la reconversion professionnelle des seniors en interne

J’ai été invitée à participer à la rédaction d’un livre blanc sur la seconde partie de carrière des seniors. La reconversion professionnelle en interne est une réelle possibilité, et bien gérée, elle offre de nombreux bénéfices autant pour l’entreprise que pour le salarié.  Une possibilité à explorer, parce qu’il y a là des ponts pour bifurquer en faisant un pas de côté.

La reconversion des seniors en interne: un pont pour bifurquer en faisant un pas de côté

 

Seniors et seconde partie de carrière

Vincent Giolito, du cabinet Nouvelle Carrière m’a donc proposé de contribuer à un livre blanc paru le 28 juin 2012 intitulé Perspectives de la gestion des carrières après 45 ans dans les métiers Informatiques et Télécoms.

Je me suis donc penchée sur la possibilité pour les seniors d’explorer les sentiers sinueux de la reconversion en interne. Mes propos sont valables pour les seniors IT, mais finalement aussi pour les seniors évoluant dans n’importe quel domaine et qui voudraient changer de métier. Pour des raisons éditoriales, l’article a été raccourci dans le livre blanc, aussi je vous propose ici… la version longue!

Dans le cadre de l’évolution professionnelle des seniors, et donc de la gestion de leur seconde partie de carrière, la reconversion en interne offre de nombreux bénéfices tout en étant malheureusement entravée par des freins qu’il est temps de lever. Car à chacun d’entre nous à la droit d’avoir une fin de carrière réjouissante, plutôt que génératrice d’angoisse et de perte de reconnaissance.

 

Reconversion en interne : des bénéfices collatéraux

Les bénéfices de la reconversion des seniors en interne vont bien au-delà des enjeux sociaux – maintenir l’emploi des seniors entre autres – qui ne sont pas nécessairement la préoccupation principale de l’entreprise.

Un salarié que son entreprise a écouté, entendu et accompagné dans une reconversion en interne sera reconnaissant et d’autant plus motivé qu’il aura été autorisé à se réaliser dans un projet qui lui tient à cœur d’une part, au sein d’une entreprise qui se préoccupe de proposer des alternatives à la voie de garage des seniors d’autre part.

Le salarié connaît déjà l’entreprise, ses codes, ses usages, sa culture, et s’y reconnaît suffisamment pour avoir envie d’y rester : sa reconnaissance se traduira aussi par le fait qu’il sera un ambassadeur de l’image de l’entreprise. D’autre part, il aura, potentiellement, la possibilité d’aller effectuer une véritable enquête métier au sein même de son entreprise de façon à vérifier qu’il a une vision cohérente du métier désiré, et qu’il lui correspond réellement, dans son expression au quotidien.

Enfin, l’entreprise connaît déjà le salarié : son parcours, ses compétences transférables, son implication etc. Elle peut donc être force de proposition et y faire l’économie d’un recrutement, d’un processus d’intégration incertain.

Cependant, quatre freins principaux brident l’option de la réorientation professionnelle en interne auxquels il n’est pourtant pas très compliqué de remédier.

 

Lever les freins à la reconversion en interne

1 – Bousculer les idées préconçues sur la carrière idéale

Malgré les carrières de moins en moins linéaires, le parcours professionnel idéal reste profondément ancré dans le modèle ascensionnel par la promotion qui signifie à chaque fois :

 – Un peu plus de compétences
 – Un peu plus de responsabilités
 – Un peu plus de rémunération
 – Un peu plus de reconnaissance au travers du statut

Ces croyances sont entretenues de façon collective : professionnels, salariés, médias, consultants, c’est toute la société qui nous renvoie une image figée de ce que devrait être une « carrière digne de ce nom », avec les étapes nécessaires : l’acquisition de l’expérience, l’augmentation de salaire, le changement de poste toutes les X années etc. Et la réalité des carrières de plus en plus sinueuses, même si elle s’est installée dans nos discours, n’a pas encore réellement bousculé nos convictions sur le sujet.

Il est donc nécessaire, collectivement, d’agir pour valoriser les parcours non linéaires, tant par un recrutement plus varié que par l’encouragement à la transition interne à tous les stades de la carrière – et pas seulement après 45 ans – en fonction des besoins et de la situation du salarié (des ascensions rapides comme des pauses, des paliers, de détours) de façon à faciliter l’acceptation que la seconde partie de carrière peut être autre chose qu’un déclin mais plutôt une bifurcation choisie. Et à ce titre, il est important d’explorer le désir de reconversion dès qu’il se fait sentir, pour éviter le burnout d’une part, en vérifier la cohérence (et non pas le réalisme) d’autre part, et identifier un autre projet si nécessaire.

lorsqu'un désir de reconversion émerge, écouter ses messages, qui ne veulent pas toujours dire qu'il faut changer de métier

 

2- Créer un climat de confiance

Beaucoup de salariés seniors craignent d’exprimer leur désir de reconversion, de peur qu’il soit interprété comme une baisse de motivation et un motif de licenciement.  Il est donc indispensable de créer un climat de confiance dans lequel toutes les envies peuvent s’exprimer sans crainte, pour pouvoir faire un tri entre ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas.

Cela passe par une communication interne sur la prise en compte de cette option, ainsi que sa confirmation dans les faits, plutôt qu’un discours en mode social washing. Les clients qui viennent me voir et qui ne veulent surtout pas que leur entreprise soit au courant de leur démarche ont tous des histoires à raconter de collègues qui ont fait l’erreur d’exprimer un désir d’évolution, dans des entreprises qui se gargarisent de leurs RH  ré-humanisées, et se sont retrouvés placardisés ou poussés à la rupture conventionnelle, histoire de s’économiser un licenciement. Un exemple ne constitue pas une vérité universelle, ni même une preuve. En revanche, il suffit à générer des craintes paralysantes.

Cela passe aussi par un véritable suivi, une exploration régulière des goûts, aspirations et motivations du salarié, bref un approfondissement de la connaissance de soi, tout au long de la carrière, qui va permettre la définition d’un projet professionnel solide et cohérent, plutôt qu’un pis-aller qui vaut mieux qu’un licenciement. Cela signifie aussi laisser toutes les portes ouvertes, y compris celle de la reconversion à l’extérieur de l’entreprise s’il s’avère que c’est, finalement, le choix du salarié. Mieux vaut avoir accompagné un salarié dans son propre recyclage, pour emprunter l’expression à Vincent Rostaing, que de se retrouver à gérer des séparations houleuses, difficiles pour toutes les parties.

 

3- Ramollir les croyances qui fleurissent  à tous les étages

Du côté des entreprises, des préjugés sur :

 – L’obsolescence des compétences.
 – La résistance à l’évolution technologique.
 – La baisse de motivation et de performance liée à l’âge.
 – La nécessité de mener des reconversions simples et relativement rapides en fonction des compétences déjà acquises.

Du côté des salariés, des croyances limitantes concernant :

 – La capacité à apprendre
 – La diminution de revenu, la perte de statut, perçus comme une baisse de reconnaissance
 – La dévalorisation et le manque de confiance en soi qui favorisent le maintien du statu quo
 – Les principes moraux qui contraignent l’action et les décisions (le « on n’est pas là pour s’amuser » hérité des convictions familiales qui rendent quasi impossible l’identification d’une voie de reconversion réjouissante et motivante, par exemple).

Il convient de mettre en place des accompagnements à la reconversion en interne qui lèvent ces freins, ce que les prestations existantes sont peu aptes à faire.

Quand l'héritage familial génère des conflits de valeurs, il devient une entrave à la reconversion professionnelle

 

4- Mettre en place des dispositifs plus variés et plus adaptés

Des dispositifs existent déjà, comme la VAE (validation des acquis), les conseils internes qui sont souvent un tremplin vers une reconversion, ou les entretiens seniors destinés à explorer leurs motivations pour définir leur projet de seconde partie de carrière.

Cependant dans de nombreux cas, l’identification d’une voie de reconversion est délicate en raison des freins en forme de croyances que nous venons de voir et il n’est pas dans la nature de ces dispositifs de les identifier et de les lever, en particulier le bilan de compétences qui, quoi que présenté comme incontournable n’est pas du tout adapté adapté à un changement de métier.

le bilan de compétences est rarement une réponse adaptée à un désir de reconversion

 

Il est donc important de varier les prestations de façon à pouvoir offrir au salarié pour qui c’est nécessaire un travail de connaissance de soi qui passe d’abord par le renforcement  de la confiance en soi qui lui permet de s’autoriser et de s’approprier son propre désir de reconversion, de façon à ce qu’elle soit une véritable source de motivation plutôt que le fruit d’une conclusion externe à laquelle il n’adhère pas vraiment. 95% de mes clients seniors en désir de reconversion ont fait un bilan de compétences qui a, au mieux, donné des pistes peu motivantes et dans la plupart des cas encouragé à faire un peu plus de la même chose.

Ainsi donc, par varier les prestations je n’entends pas “leur offrir toute la panoplie VAE-bilan-CPF-etc” mais bien chercher des alternatives plus susceptibles de générer des projets réellement moteurs. L’une de ces alternatives est bien entendu l’accompagnement tel que je le pratique depuis 2008 ans avec mes clients, et passe par un principe simple: s’autoriser à penser en grand, à faire émerger tout le champ des possibles, l’exploration de toutes les pistes, dans préjugés, et à les passer aux filtres de ses besoins et aspirations de façon à construire un projet fort et cohérent.

 

Voici deux exemples pris parmi mes clients de seniors qui ont fait une reconversion, et qui illustrent ce qui vient d’être dit :

 

Exemple 1 Une reconversion interne… qui finit en externe

Paul, 52 ans ingénieur dans un domaine ultra spécifique, dont le métier a disparu du fait de l’évolution technologique. Son entreprise lui a proposé de trouver d’autres évolutions en interne, et il a disposé de temps pour explorer les diverses possibilités. Ne trouvant rien qui lui convenait, son entreprise a accepter de financer un bilan personnel et professionnel  et après l’exploration approfondie de ses aspirations et de ses valeurs et le ramollissement de croyances limitantes, il a fini par déterminer  qu’une fin de carrière épanouissante passait par le fait de quitter l’entreprise. Aujourd’hui, à 53 ans, est le plus heureux des hommes, en formation pour devenir vitriailliste.

Le dispositif interne dont il a bénéficié lui a permis de quitter son entreprise sans la perte de confiance liée à une placardisation délibérée ou à un licenciement sous des prétextes fallacieux qui victimisent le salarié et dont les stigmates n’aident pas l’employabilité.

 

Exemple 2 : une reconversion interne réussie… sans accompagnement

A l’inverse, Stéphanie, 48 ans, élevant seule ses deux enfants et informaticienne dans une grande banque, s’ennuyait dans son travail et a commencé à s’intéresser aux postes ouverts à la mobilité interne. Elle y découvre le métier d’expert immobilier et un déclic se produit. Elle a postulé deux fois sans succès, d’autres personnes plus qualifiées ayant obtenu le poste. Cependant, les responsables avaient manifesté un intérêt certain pour sa candidature, ce qui l’a poussée à persévérer.  Elle a suivi plusieurs formations au CNAM  pour légitimer davantage sa candidature et 18 mois plus tard, la troisième a été la bonne.

Si dans ce cas on peut saluer la politique de communication sur les possibilités de reconversion interne, il reste sans doute dommage qu’elle n’ait pas été accompagnée dans cette démarche, (orientation en termes de formation, prise en charge, mentoring par un expert en place etc.). Si cela n’a pas été un frein pour elle, c’est aussi parce qu’elle a choisi (et financé) un accompagnement Job idéal et évolution professionnelle qui lui a permis d’asseoir son projet, de renforcer sa détermination et sa confiance en elle, et donc de ne pas se laisser décourager par un premier ou un second refus.

 

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Voir aussi

Rétrogradation et perte de statut
Age, métier et reconversion professionnelle
Carrière: le désir de reconversion
Transitions et projets professionnels: l’été pour y réfléchir
Job idéal: redéfinir la réussite

 

Aller plus loin

Vous voulez explorer les possibilités de seconde partie de carrière, et en particulier un désir de reconversion? Pensez au coaching.

Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual 

 

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