Vie professionnelle: rétrogradation et perte de statut

En reconversion professionnelle ou transition de carrière, la perte d’un statut prestigieux peut inquiéter et même entraver l’évolution. Voici une petite leçon de rugby à l’usage des travailleurs: sortir du besoin de reconnaissance pour se reconnecter à ses vraies priorités.

 

Perte de statut et besoin de reconnaissance

Autant nous pouvons être aussi conformistes que les moutons du troupeau, autant nous sommes attachés à ces petites marques qui nous différencient des autres. Surtout, disons-le tout de go (tout d’égo?), si celles-ci nous placent au dessus de lot et nous attirent des regards admiratifs et impressionnés. Et la reine des marques de reconnaissance, c’est le statut professionnel.

En d’autres termes, fourmi, c’est peanuts, chef fourmi, boss de fourmis, CEO de fourmis ça commence à avoir de la gueule. Du coup, à l’évidence, redescendre dans l’échelle socio-professionnelle est une étape délicate qui peut freiner bien des transitions de vie.

La question de la perte de statut liée aux transitions professionnelles est une préoccupation fréquente dans de nombreuses situations qui nécessitent d’évoluer vers des métiers ou des fonctions a priori moins prestigieuses:

  • Le désir de reconversion professionnelle, qui signifie parfois aussi repartir au bas de l’échelle.
  • Le départ en retraite.
  • Le ras-le-bol des responsabilités élevées et l’envie de revenir à des postes moins soumis au stress.
  • L’envie de travailler moins pour vivre plus.

La question est délicate, car la satisfaction du besoin de reconnaissance passe à l’excès par le statut professionnel. Et les conventions sociales en sont un reflet vertigineux: à l’inévitable question de ce que nous faisons dans la vie, lorsque nous rencontrons de nouvelles personnes, nous répondons automatiquement “Directeur marketing d’une société de conseil” ou “plombier chauffagiste” et non pas “citoyen du monde passionné de danse acrobatique et collectionneur de tickets de métro”.

Pourtant, l’importance du statut socio-professionnel, c’est surtout celle que nous lui attribuons, et elle peut facilement revenir à accorder aux autres et à leur regard sur ce que nous faisons le pouvoir de décider à notre place de notre avenir professionnel.

 

 

Reconnaissance, banc et temps de jeu

La crainte de la perte de statut peut être un frein à l'évolution professionnelle. Combler le besoin de reconnaissance à la placeLorsqu’on pose la question de la gestion de la perte de statut à l’ancien international de rugby Gérald Merceron, rencontré lors des Journées des Ambassadeurs du rugby, la réponse est très claire “Mieux vaut du temps de jeu en pro D2 que le banc en Top 14”. Et Gérald Merceron sait de quoi il parle: c’est exactement le choix qu’il a fait en fin de carrière. Ce qu’il dit, en substance, c’est qu’il a été plus important à ses yeux de conserver le plaisir de jouer, même un niveau en dessous, que de conserver le prestige du statut.

Décryptons. Ce choix est révélateur d’un changement de perception: en accordant la priorité au plaisir, Gérald Merceron est passé de la reconnaissance externe – les autres me reconnaissent un statut qui me renvoie une image positive de moi –  à la reconnaissance interne – je reconnais l’importance de mes propres besoins et ma propre valeur. Cheminement intuitif, réfléchi ou raisonné, c’est ce qui permet de sortir de l’emprise de la peur du jugement des autres et de reconnecter à ses propres désirs. Et qui à son tour va nous autoriser la construction de la vie professionnelle que nous voulons, indépendamment du regard des autres sur ce que nous faisons.

Le double effet Kiss Cool, c’est que lorsque nous sommes en phase avec nos motivations, nos besoins et notre désir de satisfaction personnelle, quoi que nous fassions, l’image que nous renvoient les autres a de grandes chances d’être positive: le bonheur de faire ce que nous faisons suscite bien davantage l’admiration et la reconnaissance que le mépris.

En d’autres termes, lorsque nous sortons des convictions limitantes sur la perte de statut, non seulement nous avons moins besoin de la reconnaissance des autres, mais en plus, nous en recevons davantage qu’auparavant.

Alléluia!

 

Mini coaching: perte de statut et reconnaissance interne

Evidemment, entre le dire et l’appliquer, il y a parfois un monde, peuplé d’incertitudes liées à la force de l’insatisfaction ou la fragilité du besoin de reconnaissance, et à l’éternel monde entre la raison et les tripes. Chez certains la priorisation va se faire naturellement, pour d’autres, il est nécessaire d’aller travailler un peu sur ce besoin de reconnaissance. Car c’est un besoin fondamental fort et il peut se révéler largement prioritaire sur d’autres besoins professionnels, jusqu’à les occulter complètement. Le risque est alors de finir en burnout.

Bien entendu, ces questions ne concernent que les pertes de statuts liées à des transitions professionnelles volontaires. Les pertes de statut subies demandent un tout autre travail et nécessitent parfois le passage par la psy pour se reconstruire.

  • Que craignez-vous de perdre, précisément, avec le changement de statut professionnel?
  • Qu’est-ce qui est le plus important à vos yeux?
  • Quelles valeurs négligez-vous en privilégiant le statut?
  • Quelles valeurs honorez-vous en privilégiant votre bien-être?
  • Dans quelle mesure reconnaissez-vous votre valeur personnelle?
  • Vos qualités?
  • Vos accomplissements?
  • L’importance de vos propres envies et aspirations?
  • De quoi avez-vous besoin pour sortir du regard des autres?
  • Comment l’obtenir? Le mettre en place?

 

Quelques pistes pour travailler la satisfaction du besoin de reconnaissance

Reconnaître ses accomplissements et renouer avec ses talents naturels est un premier pas vers la reconnaissance interne et l’estime de soi, qui permettent de commencer à produire plutôt qu’induire le sentiment d’être heureux.

Une fois renforcée l’estime de soi, il est plus facile de définir réellement  le type de reconnaissance au coeur de notre image du boulot idéal et de nous appuyer sur nos valeurs motrices qui sont nos véritables sources de motivation.

Quant aux relations avec les autres, dont les jugements sur le choix du descenseur social sont parfois un peu pénibles à supporter, autant ne pas las gâcher en s’agaçant de leur incompréhension. C’est l’occasion de partager avec eux sur vos étonnantes motivations pour renforcer la compréhension mutuelle, et au cas où il y ait un ou deux lourdingues dignes d’un bocal à con, c’est l’occasion de tester vos compétences relationnelles en leur fixant gentiment mais fermement une limite avec une demande assertive…

 

 

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Reconnaissance au travail: interview de Sylvaine Pascual dans Courrier Cadres

 

Un témoignage intéressant sur la perte de statut vécue de l’intérieur, avec ses petits bobos à l’égo… et ses bénéfices. « Quand en plus tu prends l’ascenseur social à l’envers, ça n’arrange pas les choses»

 

 

Aller plus loin

Vous voulez construire une vie professionnelle en accord avec vos aspirations et vos valeurs? Ithaque vous accompagne. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual 

 

10 Comments

  • Essai transformé dans votre article, comme d’habitude !

  • Merci pour cet intéressant article qui traite avec un regard différent le thème de la reconnaissance professionnelle.

    Personnellement, je trouve cela dommage de limiter son désire de reconnaissance au statut professionnel. Cela me parait affreusement restrictif, mais semble correspondre aux impératifs d’efficacité et de rendement de notre temps.

    Je pense que la vie est ailleurs pour paraphraser Kundera. Le travail et le monde de l’entreprise ne doit pas et n’est pas le seul lieu de l’épanouissement personnel. Ce besoin de reconnaissance social lié au statut au sein de l’entreprise ou a un simple titre me parait illusoire et semble même primer sur l’envie de réaliser, de créer et de se réaliser par l’action.

    Luideduodidees

    • Sylvaine Pascual dit :

      En fait, il est dommage de confier notre satisfaction du besoin de reconnaissance à un statut, qu’il soit social ou professionnel. S’il finit par prier sur la réalisation de soi, c’est parce qu’il fait partie des besoins fondamentaux. S’il reste insatisfait son expression est plus forte que celle d’autre besoins moins prioritaires et il peut aller jusqu’à inhiber le désir d’une carrière réellement en accord avec nous-mêmes.

  • Anonyme dit :

    Bel article!

    Lecteur fidèle et anonyme, j’aime votre façon d’écrire haute en couleurs, votre esprit d’analyse, votre aptitude à faire feu de tout bois en exploitant toutes sortes de choses pour nous pousser à réfléchir. Merci.

  • Bonjour, merci pour votre article intéressant et bien écrit, comme d’habitude !

    Il est très vrai que la perte de statut professionnel peut être un frein puissant à une reconversion, même ardemment souhaitée.

    Je ne sais plus qui disait que les 3 illusions du moi sont de croire que nous sommes ce que nous faisons (“diriger une société de conseil”), de croire que nous sommes ce que nous avons (“une grosse voiture”), et enfin de croire que nous sommes ce que les autres pensent de nous (“un bon commercial”)…

    • Sylvaine Pascual dit :

      En fait, très souvent, le frein tombe de lui-même lorsque le client se rapproche d’une voie de reconversion réellement pertinente et cohérente.

      J’aime beaucoup cette image des 3 illusions du moi! La définition de sa propre identité reste probablement l’un des exercice les plus difficiles – et les plus intéressants – de notre travail de coach^^

  • Mickael Guerin dit :

    Exactement ce que j’ai pu vivre (perte de statut) et ce que j’ai réussi à faire depuis (application d’un bon gros sens: là où sont tes pieds, là est ta tête, donc profites en bien)… Et effectivement, les regards changent, le mien comme celui des autres…

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