8 façons de diminuer le syndrome de l’imposteur

Le pénible “syndrome de l’imposteur”, sentiment d’illégitimité, d’être indigne des promotions, compliments et autres lauriers que nous recevons, qui nous fait craindre le jour où le monde entier réalisera que nous ne sommes que de pauvres hères sans valeur qui errent par erreur et sans posture dans des postes pas pour nous par nature ! Bref, le missile sol-air anti estime de soi qui nous plombe, voici 8 pistes pour le ramollir;)

 

L’âne tête de mule qui cache un cheval de course;)

L’autre jour, une cliente m’explique que depuis qu’elle a été promue directrice de la R & D, son stress n’a fait qu’augmenter : par quelle opération du saint-esprit  a-t-on pu croire qu’elle avait les compétences pour ? Effectivement, imaginez : ingénieure des Mines, titulaire d’un doctorat, une carrière brillante, une matière grise qui vibre et pond une idée toutes les 8 secondes, des retours dithyrambiques sur son travail, elle a tout le profil d’une personne qui a été promue par erreur. D’ailleurs, forcément, promotion après promotion, elle a soigneusement empapaouté chef après chef, car c’est bien connu, dans l’entreprise il n’y a que des imbéciles incapables d’évaluer correctement une demeurée comme elle. Et non, vraiment, avoir crevé le plafond de verre dans un domaine plutôt masculin, ça n’est pas une preuve de ses compétences, c’est simplement le signe qu’il y a un paquet de gens qui se sont trompés sur elle, à prendre un âne pour un cheval de course et que jusqu’à aujourd’hui, elle a eu une veine de malade.

 

Mais c’est plutôt une tête de mule qu’un âne que j’ai au bout du fil;) Une tête de mule émouvante. Car évidemment intellectuellement, elle a parfaitement conscience que son analyse est erronée, mais il n’y a rien à faire, elle n’arrive pas à s’en départir et à admettre sa légitimité. Elle est épuisée à force de travailler toujours sous pression à l’idée qu’un jour la vérité soit étalée au grand jour. Du coup, elle aimerait explorer un désir de reconversion dans l’artisanat et là où l’affaire se complique, c’est que son sentiment d’imposture la pousse aussi à croire qu’elle n’aura jamais les capacités pour devenir ébéniste. Bref, une vraie bonne à rien.

Nous en rigolons ensemble mais bien entendu, ce qui se dessine en filigrane, c’est la grande souffrance d’une personne qui s’épuise à cacher ce qui n’existe pas et s’échine sous le poids d’un châtiment absurde pour un crime qui n’a pas été commis. Nous pouvons être les pires bourreaux de nous-mêmes lorsque nous nous acharnons à entretenir les systèmes qui nous enchaînent.

 

Sentiment d’imposture et cercle infernal de la dévalorisation

Ce phénomène a été à l’origine décrit  par les  psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne Himes qui ont utilisé le terme « syndrome de l’imposteur», terme remis en question ensuite parce qu’il inscrit ce comportement très banal dans une dimension pathologique. Pauline Rose Clance dit qu’aujourd’hui elle préférerait utiliser le terme d’ « expérience d’imposture » plus neutre et qui inclue le sentiment tout à fait temporaire qui a pu saisir chacun de nous à un moment ou à un autre de sa vie. Pour simplifier, gardons l’expression, parce qu’elle est parlante, tout en conservant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une maladie à soigner ou d’un trouble du comportement, mais simplement d’une forme courante de dévalorisation excessive et bien tenace qui touche les hommes comme les femmes et qui, pour schématiser, protège un système de croyance (je ne suis pas à la hauteur ») au prix d’un tas d’effets pervers :

 – Le stress, le sentiment de honte, l’anxiété sociale et l’anxiété tout court. Bref, le syndrome de l’imposteur peut gâcher une grande part de plaisir au travail.

 – La difficulté à demander de l’aide (le risque est trop grand qu’on y voit un indice de taille de la gigantesque incompétence)

 – Une estime de soi fragile, un sentiment d’infériorité, la difficulté à reconnaître sa propre valeur et la crainte du regard de l’autre.

 – La difficulté à accueillir les compliments, les mots gentils, les retours positifs (et la propension à les juger comme erronés).  Paradoxe amusant, l’imposteur auto-déterminé a tendance à sur-estimer la valeur et les compétences des autres, mais les prend pour des mous du bulbes lorsqu’il s’agit d’évaluer ses propres compétences.  C’est donc une construction de tout un système de croyances erronées comme fondation à sa dévalorisation.

Ce comportement se traduit par deux types de stratégies destinées à cacher ce qui est perçu comme la vérité et qui renforcent le comportement. C’est très pratique, l’arrosage automatique des croyances, elles s’alimentent toutes seules:

 – En faire toujours plus : le surinvestissement qui paraît indispensable pour compenser l’effroyable manque de compétences

 – En faire un peu moins : le sous investissement est une formidable stratégie d’échec qui permet de justifier un éventuel échec, ou, en Adjani patentée de sa propre vie professionnelle, de montrer tout ce qu’on veut cacher. Et s’il réussit quand même, alors il a d’autant plus de bonnes raisons de l’imputer à la chance ou à la bonté des autres.

Dans tous les cas, des mécanismes de dévalorisation spécifiques se mettent en place chez le cheval de course qui se prenait pour un âne:

 

8 pistes pour ramollir le syndrome de l’imposteur

Bien entendu, les personnes à l’estime de soi fragile qui ont régulièrement ce sentiment d’imposture vont avoir tendance à vouloir “le vaincre” et s’en “débarrasser définitivement”. Pour ma part, mes jolis chevaux de course, je vous propose simplement 10 pistes qui visent à renforcer l’estime de soi, qui vont aider à le minimiser, le ramollir et laisser ainsi de la pace dans vos têtes pour accueillir ce que vous êtes. Parce que je crois plus à l’entraînement qu’aux remèdes miracles;)

 

1- Cesser de « lutter contre » le perfectionnisme

Vous l’avez remarqué : dire à un enfant qui est persuadé qu’il y a un monstre dans le placard qu’il « n’y a aucune raison d’avoir peur », dire à Dupont-Durand (ou à son conjoint) que « ce n’est pas la pleine de s’énerver » ou encore le merveilleux « mais enfin calme-toi », c’est une façon quasi infaillible d’obtenir l’inverse de ce que nous voulons. Alors il ne me paraît vraiment vraiment pas utile de dire qu’il « faut vaincre le perfectionnisme » et « vous débarrasser de cette fâcheuse habitude ». C’est un comportement appris, qui répond à des besoins, et lutter contre le comportement, c’est ignorer les besoins.

Nous passons un temps considérable à vouloir lutter : contre nos émotions, contre nos penchants, contre nos comportements, contre nous-mêmes. Comment favoriser l’estime de soi et la valorisation si d’emblée on vous explique que vous êtes un demeuré qui fait n’importe quoi et qui DOIT absolument se discipliner pour faire autrement ?

D’autant que, la plupart du temps, les perfectionnistes savent très bien raisonner l’affaire, connaissent parfaitement les conséquences pénibles de ce comportement, mais ne peuvent pas s’en empêcher : lutter contre devient une souffrance pire que de vivre avec.

Acceptons donc que le perfectionnisme qui vous pousse à passer des heures à travailler toujours plus dans l’espoir de faire toujours mieux n’est qu’un symptôme, qu’il n’y a pas d’aspirine pour le minimiser sans aller modifier la situation qui justifie son existence. Prenons-le plutôt comme un critère d’évaluation pour la suite : vous pouvez observer, au fur et à mesure que vous façonnez une meilleure estime de vous, si votre perfectionnisme s’allège.

L’idée est donc bien davantage d’expérimenter des façons de faire qui auront comme bénéfice collatéral éventuel (mais pas universel, un comportement très ancré, on ne s’en débarrasse pas comme ça) de minimiser le perfectionnisme plutôt que de chercher des techniques pour lutter contre: il y a bien assez de croisades utiles à mener, ne dilapidons pas notre énergie en quêtes vaines et probablement perdues d’avance.

arrêter de lutter contre le stress et en écouter les messages

 

2- Sortir du faux regard de l’autre et vrai jugement de soi

Les personnes qui ne se reconnaissent de valeur que dans le regard de l’autre ont tendance à croire que les autres en question passent un temps considérable  les observer, à les évaluer, alors que c’est dans leur propre regard que se situe la moulinette à jugements : ce ne sont pas les autres qui nous sous-évaluent, c’est nous-mêmes. En d’autres termes, nous pouvons nous économiser l’inquiétude du regard de cet autre qui, lui aussi, est surtout occupé à se regarder le nombril (et à le juger pas à la hauteur des canons du moment de l’ombilicus perfectus)

10 trucs pour se libérer du regard des autres

 

3- S’appuyer sur le regard de l’autre pour poser un regard bienveillant sur soi-même

Habitués aux critiques acerbes que nous formulons sur nous-mêmes, nous finissons par nous imaginer que les autres ont autant de discours négatifs sur nous que nous en avons nous-mêmes. Probablement à tort, car les autres ont en général un regard à la fois plus objectif et plus bienveillant que nous. Et bienveillant ne veut pas dire complaisant! L’idée qu’ils se font de nos capacités, même si elle est biaisée par leur propre système de valeur, est souvent plus juste que le nôtre, lorsqu’il est teinté de dévalorisation. Bref: écoutons les autres, les collègues, les boss qui nous ont accordé ces promotions ou confié ces dossiers complexes, ils ont plus confiance en nous que nous-mêmes et nous appuyer sur l’image qu’ils ont de nous peut aider à porter un regard plus bienveillant sur nous-mêmes.

Et n’hésitons pas non plus à leur parler des doutes que nous rencontrons sur notre légitimité, de nos difficultés à reconnaître nos propres accomplissements. Etant donné la banalité du sentiment d’imposture, il y a fort à parier qu’ils voient très bien de quoi nous sommes en train de parler!

Cesser de se dévaloriser et construire un regard bienveillant

 

4- Reconnaître ses accomplissements

Souvent, lorsqu’on parle de syndrôme de l’imposteur, le premier conseil est de reconnaître ses réussites et c’est un conseil parfaitement judicieux. Le problème, c’est qu’un imposteur auto-étiqueté, par définition, ne peut pas avoir de réussite, puisque la responsabilité de la part acceptable de son travail revient à la chance, à autrui, à toute entité extérieure à laquelle on peut la refiler discrètement.

C’est la raison pour laquelle je préfère le terme accomplissement au sens littéral de ce qui nous avons accompli, donc fait, terminé, fini, achevé. Une action, un projet, une mission réalisée, achevée. Dans nos dictionnaires, accomplissement n’est pas synonyme de réussite, beaucoup plus associé au résultat positif et au succès.

Revenir à ce que nous avons accompli, c’est peut-être supprimer plus facilement la notion d’ampleur et se donner l’autorisation de réintroduire à la place une dimension de plaisir : ce que nous avons fait et, histoire d’apprivoiser la possibilité de renforcer l’estime de soi : dont nous sommes contents, ou qui a généré un sentiment agréable chez nous.

Car les termes de réussites et de succès ont le défaut de nous inscrire dans le regard de l’autre : par de réussite sans évaluation extérieure, ce qui est justement ce que nous allons chercher à éviter pour notre imposteur-né qui est totalement convaincu que les autres se trompent !

Il est donc important de lui redonner la main de l’évaluation, d’être celui/celle qui accorde de la valeur à nous-mêmes en fonction de nos propres échelles et le sentiment de satisfaction sur quelque chose que nous avons fait peut aider. Dès lors que nous avons fait quelque chose, y compris un truc en apparence minuscule comme une conversation sympa ou un prise de parole en réunion, qui a généré chez nous un sentiment positif, parce que c’était drôle, intéressant, joli, chouette, plein d’enseignement, curieux, stimulant etc. nous tenons un accomplissement.

Au diable donc les grandes réussites et les couronnes de lauriers que de toute façons vous n’arrivez pas à vous reconnaître : la valorisation se trouve aussi dans les petites choses du quotidien;)

les qualités et talents naturels se cachent dans nos réussites

 

La seconde partie de l’exercice consiste à identifier les aptitudes, compétences et qualités derrière les accomplissements:

Chaque accomplissement, tout ce que nous avons fait qui nous fait plaisir est le fruit de nos propres facultés et compétences. Evidemment, la plupart du temps, tout cela nous paraît naturel et donc pas du tout remarquable. Pourtant une simple faculté à s’émerveiller qui nous permet de savourer un rayon de soleil sur le chemin du boulot a des bénéfices qui méritent d’être conscientisés.

 

5- Eviter les comparaisons

L’un des mécanismes courants de la dévalorisation est la comparaison qui nous pousse à observer chez les autres les preuves qu’ils ont ces qualités que nous nous reprochons de ne pas avoir avec une absence de délicatesse sémantique tout à fait notable. Voilà une technique parfaite pour filer du bourre-pif à l’estime de soi et prévenir toute velléité de sa part d’œuvrer pour elle-même. Difficile d’être à la hauteur quand on passe sa vie à se comparer à ceux qu’on prend pour des super-héros!

D’ailleurs, fréquemment, on oublie que le cheval de course à un dos en dentelle de Calais, qu’il est bon sur de courtes distances et émotif comme un môme sur-protégé. Demandez-lui de porter une charge au long cours et il se fera direct porter pâle, là où l’âne goguenard, de son petit pas, ira bon chemin sans s’émouvoir de rien. Aussi peut-être que nous pouvons commencer par cesser de comparer ce qui ne peut pas l’être!

Et parce que c’est plus facile à dire qu’à faire, la piste 6 être utilisée comme une alternative à la comparaison;)

 

6- Se parler gentiment

J’évoquais plus haut que nous sommes d’excellents Persécuteur de nous-mêmes, et l’une des manifestations classique de la dévalorisation est cette petite voix intérieure qui nous harcèle de ces jugements définitifs et sans appel, qui nous critique avec une obstination de mule du Pape et qui nous sape lentement mais sûrement une estime de soi qui n’a pas besoin de ça. Ces discours intérieurs terribles ont eux aussi besoins d’être ramollis pour assouplir notre relation à nous-mêmes et faire preuve à notre endroit d’un tout petit poil de délicatesse. A commencer par cesser de nous traiter de tous les noms quand nous ne nous estimons pas à la hauteur de nos propres attentes et chercher des discours plus objectifs, plus justes et moins destructeurs. Ainsi le “mais quel(le) con(ne) parce qu’on a cassé un verre, nous y sommes tellement habitués qu’il a l’air parfaitement anodin, mais il ouvre la porte à toutes les dévalorisations. Et puis, oserions-nous le tenir à quelqu’un d’autre, ce discours dont nous minimisons la portée? Il y a peu de chances! Aussi prenons l’habitude de nous parler à nous-mêmes comme à ami, un proche.

 

7- Se débarrasser de son (sur-performant) héros intérieur

Ce héros construit à partir des images d’Epinal (ou des licornes et GAFA, histoire d’être dans l’air du temps) de la réussite des super-héros de boulot qui sur-performent en permanence nous cantonne dans une demi-mesure pas très revigorante tout en augmentant les attentes et exigences vis à vis de nous-mêmes. Il nous pousse à pointer du doigts nos petits manquements plutôt que nos jolies contributions et nos accomplissements et nous enferme dans le camp des imposteurs-nés. Mais nous pouvons lui donner moins voix au chapitre.

Pour se débarrasser de cette image que héros que nous devrions être et nous réconcilier avec nous-mêmes, nous pouvons sortir de la destructrice logique de performance en nous inspirant de la lettre à Leia que Carrie Fisher avait écrit à l’héroïne de cinéma qui lui a pourri la vie. Voir:

Divorcer à l'amiable de cet encombrant et exigeant héros intérieur

 

8- Connaître ses qualités et talents naturels pour mieux s’accepter

L’acceptation de soi, de ses limites et incompétences autant que de ses qualités et savoir-faire, a beaucoup plus d’effets bénéfiques sur l’estime de soi que ces guerres picrocholines contre nous-mêmes que nous menons sans fin et sans jamais atteindre le seuil tant espéré qui nous délivre de nous-mêmes.

L’acceptation de soi, non pas arrogante (« je suis comme ça et j’emmerde ceux à qui ça ne plaît pas »), car elle serait alors une autre démonstration d’une estime de soi fragile, mais l’acceptation tranquille apporte une pacification de la relation à soi qui favorise la construction d’une référence interne, de sa propre opinion de soi, débarrassée des codes et des injonctions sur les qualités qu’il faut avoir ou qui sont négligeables.

Pour favoriser cette acceptation, nous pouvons redécouvrir nos qualités et nos talents naturels, nous préoccuper de notre propre manière de nous y prendre quand nous accomplissons quelque chose: quelle combinaison de qualités, quels mécanismes derrière nos talents naturels. Deux pistes pour vous aider:

l'assurance sereine de celui qui sait ce qu'il a à faire et comment il va s'y prendre

 

Aller plus loin

Vous voulez construire et/ou entretenir une image de vous-même apaisée, pacifiée, capable de reconnaître sa valeur, parce que c’est important pour votre vie professionnelle et votre plaisir au travail? Ithaque vous accompagne. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.

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