Vivre au temps du coronavirus (1) – Petit traité de survie au confinement

Parce qu’elle est aussi inhabituelle qu’aux antipodes de nos modes de vie, cette période de confinement d’une part et de crise sanitaire d’autre part va être particulièrement difficile à traverser. Je vous propose une réflexion en trois temps sur comment faire, vaille que vaille, avec cette situation inédite.

Faire avec plutôt que de lutter

Nous ne sommes pas en guerre et vous le savez, lecteurs fidèles, la sémantique martiale me sied peu, tant elle ne débouche en général que sur des combats douteux. On peut être parfaitement combatif, débrouillard, résilient sans avoir besoin de se déguiser en bon petit soldat à chaque épreuve.

Le coronavirus n’est pas une armée en rangs serrés déferlant sur nos plaines, pas plus que des cohortes étrangères venues faire la loi dans nos foyers. La métaphore guerrière est souvent une illusion de leadership et une erreur de jugement sur la situation. Et comme le dit Maximes Combes dans une tribune retentissante parue sur Bastamag

« On ne déclare pas la guerre à un virus : on apprend à le connaître, on tente de maîtriser sa vitesse de propagation, on établit sa sérologie, on essaie de trouver un ou des anti-viraux, voire un vaccin. Et, dans l’intervalle, on protège et on soigne celles et ceux qui vont être malades. En un mot, on apprend à vivre avec un virus. »

le grand flou émotionnel

La force de l’acceptation

Puisqu’on parle tant de « guerre », Il y a quelques années, je vous avais livré quelques réflexions de Bastogne où je m’étais rendue sur les traces de la 101e Aéroportée, dont la série Band of Brothers avait raconté les épreuves terribles lors de la Bataille des Ardennes. Je me souviens du témoignage d’un ancien de la 101e à qui l’on demandait comment ils avaient pu survivre dans des circonstances effroyables : enterrés dans des trous, dans des conditions météo terribles et vêtus de leurs uniformes d’été. S’ils n’étaient pas à l’abris de se prendre un obus sur la patate, ils se retrouvaient face à ce qu’on considérerait volontiers comme un autre « ennemi » contre lequel il faudrait alors « lutter » : le froid et la neige.

Je me souviens de son explication : le secret n’avait rien de belliqueux, bien au contraire. C’était l’acceptation. L’acceptation de la situation, du gel, du manque de ressources, de la privation et du danger, parce que c’était le seul moyen de se débarrasser du poids mental que cela représentait.

Ainsi donc, lorsqu’on se retrouve brusquement plongés dans une situation inaccoutumée, peu ou pas  équipés pour, à devoir faire face, peut-être que la première étape consiste justement à cesser de « lutter », à accepter une situation que laquelle on a aucun contrôle, de façon à conserver une énergie précieuse pour imaginer les solutions nécessaires, afin de la traverser au mieux (ou du moins : au moins pire).

Dépasser le désarroi

Pour beaucoup d’entre nous, du moins ceux qui ne sont pas dans le déni, mardi a été un choc qui nous a désorientés, déboussolés et laissés complètement déconcertés, incapables de nous concentrer, ne sachant ni quoi faire de nous-mêmes ni à quel saint nous vouer, et encore moins comment nous y prendre pour traverser cette période sereinement.

Car vivre avec est une notion parfaitement inédite : la majorité d’entre nous n’a jamais eu l’occasion d’être contraint à se dépêtrer dans une poignée de mètres carrés, même si, pour certains, la poignée en question est plus confortable que pour d’autres. D’autre part, les incertitudes et les risques sanitaires autant que socio-économiques ajoutés au confinement peuvent nous plonger dans toutes sortes d’émotions qui parfois nous viennent par vagues, parfois plusieurs en même temps : anxiété, frustration, impatience, agitation, désarroi, abattement, découragement, inquiétude, énervement, angoisse, lassitude, dégoût etc., la liste est longue comme le bras.

Et c’est parfaitement normal! Parfaitement normal de ne pas être en mesure de passer tout de go d’une vie normale à une méga-orga-de-malade dans laquelle on se confine avec équanimité, on se cultive sereinement, on fait des moocs avec application, on télétravaille avec habileté, on gère ses gosses avec maestria, comme si de rien n’était. Il y a de quoi être submergés par le désarroi et il va nous falloir un peu plus qu’une liste d’outils collaboratifs meu-meu, une série d’activités futées avec les mômes et un planning spécial Covid-19 pour le dépasser.

D’autre part, à moins d’être la réincarnation de la famille Ricoré, il ne suffit pas d’avoir trouvé de quoi nous occuper pour être certains que nous pourrons cohabiter paisiblement, dans le soutien et la compréhension mutuels. Entre la classe virtuelle des uns, le chômage partiel des autres, le télétravail ou le travail réel d’autres encore (avec l’exposition que cela peut générer), les réactions de chacun au confinement, les besoins mis à mal par la cohabitation étendue, il n’y a pas que la « guerre contre le coronavirus » qui va avoir son lot de dommages collatéraux. Il y a là tous les ingrédients du linge sale qu’on lave davantage en se passant des savons qu’un très sage bâton de parole.

Exprimer la colère peut compromettre la réussite d'un objectif

Manuel de survie au confinement

Nous savons très bien que les animaux vivent mal le confinement, à la captivité dans des espaces trop petits pour répondre à leurs besoins, à la dislocation des groupes soudés, au stress et à la frustration non naturelle. Ils y développement des stéréotypies, qui sont des comportements répétitifs, apparemment sans but, révélatrices de leur mal-être. Potentiellement, c’est pareil pour nous: des conditions contraires à nos habitudes peuvent générer toutes sortes de difficultés émotionnelles, voire de très compréhensibles (à défaut d’être agréables) pétages de plomb.

L’avantage que nous avons sur les animaux, c’est que nous pouvons réfléchir à nos besoins, comprendre nos émotions et interagir avec nos compagnons de confinement pour que chacun puisse trouver un peu de ce dont il a besoin. Alors ne nous laissons pas contraindre davantage par l’idée qu’il s’agit simplement de mettre en place « de bonnes habitudes »,

Alors pour parvenir à bien vivre au temps du coronavirus, je vous propose non pas une série de conseils d’organisation, de suggestions d’activités pour pallier à l’ennui, ou d’outils utiles au télétravail, il y a déjà de nombreuses publications intéressantes sur le sujet, et il ne me semble pas que ce soit là le plus compliqué.

Il me paraît plus crucial de vous proposer une réflexion personnelle pour aller vers davantage d’acceptation de la situation et de ses contraintes, de capacité d’adaptation, de résilience individuelle et de groupe (à deux, en famille etc.), dans le but de traverser au mieux cette épreuve et peut-être de ressortir, à l’autre bout du tunnel, plus en accord avec nous-mêmes et ceux qui nous entourent. En trois billets à venir sur trois thèmes essentiels pour survivre au confinement:

1- La connaissance de soi

Parce qu’il est nécessaire de bien se connaître pour savoir ce dont on a besoin, pour nous adapter en fonction de nos propres caractéristiques et traits de personnalité. Et parce que – attention, platitude intergalactique en vue – chacun est unique, réagit différemment à l’adversité et a ses propres besoins pour vivre au mieux le confinement.

Bien connaître ses besoins pour mieux vivre le confinement

2- Les émotions

Car elles sont au centre de cette expérience littéralement extra-ordinaire. Générées par les besoins dont elles sont l’indicateur, il est important d’accueillir toutes ses émotions avec auto-bienveillance, car chacun fait ce qu’il peut avec la situation, important de comprendre ce que nos propres réactions et celles des autres disent de chacun de nous pour s’adapter, pour en parler et cohabiter sereinement.

Comment gérer les émotions pendant le confinement

3- L’élégance relationnelle

Parce que pour parler des combinaisons étranges de nos émotions, pour exprimer nos besoins singuliers, histoire d’éviter rancœurs latentes et pugilats, mieux vaut développer un poil de savoir-dire !

N’oublions pas d’ailleurs que le confinement concerne aussi ceux qui doivent aller au boulot. Les soignants, les pompiers, les travailleurs des secteurs de l’agro-alimentaire, de la sécurité, de la distribution, des transports, du nettoyage, de l’eau, de l’énergie etc. une fois qu’ils ont fini d’œuvrer pour nos besoins essentiels, se retrouvent eux aussi confinés.

L'élégance relationnelle au secours des bonnes relations au temps du confinement

Et vous, comment avez-vous vécu ces premiers jours de confinement ? Comment vous adaptez-vous ?

Qu’est-ce qui fonctionne bien pour vous ?
Qu’est-ce qui fonctionne moins bien? Dans le confinement ? Dans la cohabitation étendue?
Qu’est-ce qui vous gêne, vous déplaît, vous dérange, vous ennuie, vous agace, vous frustre (ou n’importe quelle autre émotion) ?
 
Edit de novembre 2020 – Puisque nous voici reconfinés, j’adapte les questions à ce confinement acte 2:
Comment vivez-vous ce second confinement?
Quelles enseignements avez-vous tirés du premier?
Quelle erreur ne referez-vous pas?
Qu’avez-vous besoin de modifier?
Qu’est-ce qui avait bien fonctionné lors du premier que vous aller ré-implémenter?

Pendant cette période de confinement, je vous partage chaque jour des contenus utiles pour la traverser au mieux:

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