Comment nous construisons et entretenons nos convictions

 

Une étude publiée en 2009 a montré que nos systèmes de convictions sont bien moins le fruit de la réflexion que celui de la recherche de preuves de ce que nous pensons déjà. Nous pouvons ainsi nous forger des croyances totalement fausses tout en étant convaincus qu’elles sont légitimes et dues à une réflexion rationnelle. Bref, nous sommes les champions des convictions erronées… Qui s’y frotte s’y pique!

convictions

 

Conviction cherche preuves

Pour schématiser, d’après la théorie du “motivated reasoning” , développée par des chercheurs de 4 universités (lire: How we Support our False Beliefs) nous cherchons davantage à confirmer une opinion déjà formée en mettant en oeuvre des stratégies de justification, qu’à chercher des informations contradictoires ou même objectives.

D’autre part, nous avons des liens émotionnels avec nos convictions, ce qui signifie que nous les choisissons parce qu’elles nous plaisent, en fonction de – ou en réaction à – notre éducation, notre milieu, notre expérience de vie etc.  Et nous finissons par y être suffisamment attachés pour ignorer les faits qui viendraient la contredire.

Ce câblage a priori surprenant du cerveau a une fonction bien pratique. En généralisant une conviction sous forme de vérité universelle, nous cartographions le monde, nous le rendons compréhensible et nous nous rendons capable d’y agir plus ou moins sereinement. Par exemple, enfants, lorsque nous regardons les adultes ouvrir des portes en tournant la poignée, nous forgeons la conviction que c’est comme ça qu’on ouvre une porte. C’est assez utile.

Pour des choses plus complexes ou plus intangibles, ça devient un poil problématique. Dans notre recherche de confirmation de ce que nous pensons déjà, nous sommes capables à la fois d‘ignorer les informations contradictoires et de développer des rationalisations complexes sur du vent pour être sûr(e)s de continuer à avoir raison. En d’autres termes, nous générons des zones aveugles dans lesquelles nous entassons tout ce qui pourrait nous montrer que nous avons tort.

Bref, nous sommes très forts pour entretenir des convictions même erronées, simplement parce que nous avons décidé que c’est ce que nous avons envie de croire.

 

Convictions limitantes

Comment nous construisons et entretenons nos convictionsCe qui explique pourquoi qui s’y frotte s’y pique: nos systèmes de croyances sont souvent des obstacles à l’ouverture aux opportunités.

 – Une personne qui pense “qu’à 50 ans, personne ne veut vous embaucher, va sans le savoir mettre beaucoup d’énergie à rechercher tout ce qui soutiendra cette théorie et à générer des zones aveugles dans lesquelles elle flanquera en tas toutes les preuves du contraire. Elle pourra aller jusqu’à ne pas voir certaines petites annonces qui concernent les seniors, ou ne pas prendre en compte les personnes de son entourage qui retrouvent un job après 50 ans, tout en rationalisant à coup d’excuses du genre “ça n’est q’un exemple”, ou “il a eu de la chance”

 – Une personne fortement en dévalorisation pourra éviter s’approprier toutes les marques de reconnaissance de sa valeur ou d’encouragement, simplement pour préserver l’image négative qu’elle a d’elle-même. Elle pourra entendre et se réjouir de celles-ci dans l’instant, sans leur accorder aucun crédit, et les jeter ensuite vite fait bien fait aux oubliettes.

 – De même, ceux qui s’inquiètent, disons par exemple, de l’insécurité, vont être à l’affût de toute information démontrant cette insécurité, jusqu’à croire, comme c’est le cas pour certaines personnes dans mon quartier, à la récurrence de cambriolages… qui ne se sont jamais produits.

Dans les relations, les mêmes mécanismes s’opèrent. Schématisons à partir de deux exmples ultra banals:

 – si vous êtes convaincus, messieurs que “les femmes sont toutes des chieuses, vous avez de fortes chances de ne repérer que celles qui répondent à ce critère à vos yeux, et de passer à côté de la nana vraiment sympa qui vous conviendrait tant.

 – De même les femmes qui répètent à l’envi que “tous les hommes sont lâches vont soigneusement éviter de prendre en compte toutes les situations dans lesquelles les hommes font preuve de courage. Et elles ne vont rentrer en relation qu’avec ceux qui correspondent à leur préjugé.

C’est comme ça que se forgent des préjugés sexistes (mais aussi racistes, homophobes, anti n’importe quelle “communauté” qui s’articule autour d’une spécificité) qui ont la peau plus dure qu’un hippopotame par temps de sécheresse. C’est comme ça que nous passons à côté d’opportunités réjouissantes,sans même les voir.

 

Conviction et manipulation: développer son jugement

Ceci signifie aussi que nous sommes facilement manipulables, puisqu’il suffit de nous pousser du côté où nous penchons pour nous faire tomber dans les fosses où nous entretenons nos convictions. C’est d’ailleurs évident dans le déroulement de l’étude menée, qui a montré les mécanismes par lesquels une partie de la population américaine a cru aux fausses allégations de George Bush sur l’implication de Saddam Hussein dans les attentats du 11 septembre, tout en disposant des preuves du contraire.

Il y a donc une nécessité, ne serait-ce qu’intellectuelle, de faire preuve de jugement, de questionner nos convictionsd’explorer leurs sources, de les confronter à toutes sortes d’informations pour vérifier leur bien-fondé et nous assurer  que nous ne nous sommes pas livrés nous-mêmes, pieds et poings liés, à toutes sortes de manipulations, y compris les nôtres. Pour y remédier, voir:

sens de l observation

Un exemple pris dans les techniques de développement personnel: les questions de cerveau droit et cerveau gauche. Tendance New Age des années 70 et 80, cette séparation des fonctions du cerveau droit et du cerveau gauche a été réfutée par la science (Lire cet article passionnant sur le sujet). Pourtant, 40 ans plus tard, nombre de consultants et psychothérapeutes nous abreuvent encore de pseudo-vérités sur ce miraculeux cerveau droit mal aimé qu’il faudrait réhabiliter.

Un dernier exemple pris directement dans notre société de consommation un pouillème psychotoxique: la possession d’objets que nous sommes poussés à considérer comme venant combler des besoins. De reconnaissance et d’appartenance, par exemple, à coup d’objets de luxe ou de gadgets technologique marketés dans ce sens. Faire preuve de jugement permet de combler réellement ses besoins d’une part et de consommer sans compenser d’autre part;) Ce qui n’empêche pas de se faire plaisir!

 

Voir aussi

Recherche d’emploi: mettre un terme aux convictions limitantes
Reconversion professionnelle et convictions limitantes
Je refuse d’avoir de la chance!
Tous manipulés, tous manipulateurs!
Certitudes: essayer avant d’acheter!
Les ratés de la communication: généralisations abusives
Eviter la manipulation: exercer son sens critique

Ce billet est une mise à jour d’un billet publié le 10 juin 2010.

 

Aller plus loin

Vous voulez construire et entretenir des systèmes de convictions en fonction de vous-même, de vos opinions et de vos valeurs? Des convictions au service du dynamisme et de l’aboutissement de vos projets? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual

 

12 Comments

  • Encore un article à déclarer d’utilité publique (et privée) ! C’est évident, mais justement, les évidences nous échappent aussi. Je suis en train de lire le livre de Michel Onfray consacré à Freud et je constate, une fois de plus que ce qui fait sa force, outre son énorme capacité de travail, c’est d’avoir réussi à échapper aux convictions, aux idées reçues, et de ne pas hésiter à dire : “mais le roi est nu” quand c’est le cas.

    • Sylvaine Pascual dit :

      Et c’est probablement une faculté disponible en chacun de nous, qui ne demande qu’à être exploitée et travaillée: celle de questionner les idées reçues, de les bousculer, pour aller davantage vers soi d’une part, mais aussi vers la réalité de l’autre d’autre part;)

  • Koolter dit :

    Merci de nous rappeler que l’objectivité est un réflexe pas si facile à acquérir.

  • MADmoiselle dit :

    C’est tout à fait vrai ! Et je pense que c’est parce qu’on a tous plus ou moins un orgueil mal placé… Enfin, ce n’est qu’une conviction personnelle 😀

    • Sylvaine Pascual dit :

      Que je partage! Nous sommes tous intimement convaincus de la façon intelligente et réfléchie dont nous forgeons nos convictions…

  • Valérie dit :

    Est-ce que ce raisonnement s’applique aux convistions religieuses ? En effet, ces convictions sont souvent le résultat d’une éducation, et il est sans doute plus difficile de questionner des convictions héritées de la famille, du milieu voire de la société tout entière que des convictions plus individuelles

    Valérie

    • Sylvaine Pascual dit :

      Ca s’applique bien entendu à toutes nos convictions, puisque celles-ci se construisent toutes autour de ce que nous pensons déjà, et ce que nous pensons est induit par notre environnement;)

  • Fabienne dit :

    Merci Sylvaine, encore une réflexion passionnante, qui ouvre au débat !
    Sans aller jusqu’à ces exemples radicaux, plein de pensées et d’actes routiniers se confortent chaque jour, par l’environnement (matériel, familial, humain) adéquat que nous avons créé, afin les cautionner puis les entériner !

    Comment parvenir à remettre en question ces petites et grandes convictions et croyances? Ce sont (souvent) des événements extérieurs fortement déstabilisants qui permettent de gagner en autonomie de pensée.

    Sinon, pourquoi les modifier? Et ensuite, comment ? 🙂 “

    • Sylvaine Pascual dit :

      Tout à fait exact!
      Parfois ces environnements fonctionnent très bien et nous sont bénéfiques. Parfois ils tombent dans une routine mortifère, ou sont par nature pleins d’effets secondaires négatifs. Et dans ce cas, la zone de confort s’articulant autour de ce qu’on connaît, nous avons souvent besoin d’un grand chambardement en forme d’événement extérieur, potentiellement dramatique d’ailleurs, pour les remettre en question…

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