Reconversion: 6 points pour des enquêtes métiers digne de ce nom

La reconversion n’échappe pas plus qu’autre chose aux possibles bévues et boulettes qui peuvent la compromettre. Parmi celles-ci, l’enquête métier hâtive ou tronquée est un grand classique qui peut déboucher sur une vision partie-émergée-de-l’iceberg du métier. Voici donc quelques moyens infaillibles de rater vos investigations… et inversement comment mener des enquêtes dignes de ce nom.

6 moyens infaillibles de rater vos enquêtes métier… et 6 façons de les réussir

L’autre jour, je reçois un mail d’une personne (appelons-là Eva), qui m’explique que sa conseillère en bilan de compétences lui a montré une vidéo des métiers d’avenir et qu’elle avait ainsi découvert le métier de « coach en curiosité », qui a retenu son attention, et elle vient me demander si j’accepterais de répondre à son enquête métier.

Alors comment vous dire…

Par curiosité, je suis allée voir ce que c’est qu’un coach en curiosité. Et bien ça n’existe pas. Ou tellement peu peut-être qu’on ne trouve qu’une demi-poignée de mentions qui se limitent toutes à évoquer un possible « métier de demain ». Il s’agit d’une de ces tartufferies de la prospective qui imagine les métiers qui pourraient voir le jour « demain », mais qui n’en finit pas de se tromper. Ainsi, « coach en curiosité » fait partie d’une publication de Sparks & Honey datant de 2013, sous l’appellation « 20 métiers du futur », dont quasiment aucun n’a vu le jour, ou en tout cas sous la forme décrite dedans. Cette liste a été reprise au fil des ans, sans que, visiblement, ceux qui l’ont reprise ne se disent que, des années plus tard, on peut commencer à penser que s’ils n’ont toujours pas vu le jour, il y a fort à parier pour que ces métiers n’aient finalement que bien peu d’avenir. Bref, elle a été reprise à foison sans questionnement et sans discernement.

Disons-le tout net: la prospective boule de cristal qui lorgne sur les « métiers du futur » a des lunettes déformantes qui donnent la berlue bien plus qu’elles ne brillent par leur clairvoyance et leur finesse d’analyse! J’ai déjà abordé le sujet ici: les métiers de demain sont une mine d’opportunités, pour peu qu’on ne les observe pas par le petit bout de la lorgnette:

Mais revenons à Eva, qui a de quoi s’étouffer avec les salades professionnelles qu’on a bien voulu lui faire avaler, probablement en toute sincérité, peut-être par ignorance ou par manque… de curiosité, de la part d’un accompagnant qui n’a pas pris le temps de questionner ses propres sources.

L’affaire peut prêter à rire, mais j’imagine mal qu’Eva se gondole réellement de l’histoire et j’étais pour ma part assez consternée d’avoir comme seule réponse qu’il s’agissait là d’un métier qui n’existe pas. Il y aurait certainement beaucoup de choses à dire sur un professionnel de l’accompagnement qui utilise ce type de contenu parfaitement mésinformatif, mais ne sachant pas ce qui s’est réellement passé ni dans quelles circonstances il a été utilisé, ce ne sera pas mon propos.

Il y a plusieurs enseignements à en tirer, pour peu que vous vous intéressiez aux évolutions professionnelles en général et à la vôtre en particulier, aussi je vous propose d’aborder 5 pièges malheureusement trop courant en reconversion, et inversement comment mener des enquêtes métier digne de ce nom.

1- Croire que l’enquête métier est la dernière étape

La croyance le plus surprenante et la principale garantie d’une enquête métier aussi utile au candidat à la reconversion qu’un télésiège sur une plage, c’est bien lorsqu’elle est présentée comme « une étape » devant être menée en dernier, juste avant la réalisation du projet. Déjà, penser qu’une reconversion se mène par étape, c’est alimenter les mites endormies dans la naphtaline du changement de métier. Mais penser que l’enquête se mène après le choix du métier, comme si elle faisait déjà partie de la concrétisation du projet, c’est la priver de sa pertinence et de son intérêt qui est de vous permettre de valider ou d’invalider ce qui n’est alors qu’une simple piste de vie professionnelle future possible.

Les enquêtes métiers se mènent dès que vous avez identifié une piste, sans préjuger de la décisions que vous prendre plus tard et avec la même rigueur dans les investigations que si vous aviez décidé de vous lancer (ce qui est probablement la raison de l’incompréhension de son utilité). Il va bien s’agir de collecter suffisamment d’informations pour pouvoir prendre une décision en connaissance de cause : valider votre piste ou au contraire renoncer. Ce qui signifie aussi que vous pouvez mener plusieurs enquêtes en même temps.

Au final, pour savoir si une idée est la bonne, il est indispensable de l’explorer, donc attendre l’inverse, c’est une histoire inextricable de volonté de mettre la charrue avant les bœufs.

Alors, lorsqu’une idée émerge, faut-il attendre d’être sûr que c’en est une bonne avant de l’explorer plus avant, ou le contraire ?

2- Croire que l’enquête métier se limite à interviewer 2/3 professionnels

Voilà un autre point que je trouve fascinant. Lorsque j’ai publié des billets sur les enquêtes métiers, je n’avais pas parlé du travail de prise d’information préalable, parce que ça me paraissait une évidence. Le problème avec les évidences, c’est qu’elles ne le sont que pour ceux qui les perçoivent comme telles ! J’ai depuis modifié ces billets et ajouté quelques précisions, car l’enquête métier a été tellement réduite aux rencontres avec des professionnels qu’elles en ont perdu la moitié de leur substance. Car les professionnels en question ne sont pas là pour faire le boulot à la place du candidat à la reconversion, ils ne sont pas là pour expliquer en quoi consiste leur métier et comment s’y former, ils sont là pour vous raconter leur propre expérience de leur métier, comment ils le vivent.

D’autre part, rappelez-vous que les professionnels avec qui vous allez vous entretenir sont, potentiellement, votre premier réseau, dans le cas où vous décidiez de poursuivre dans cette voie. Alors passer pour une truffe à leurs yeux juste parce que vous leur refilez le bébé du débroussaillage, c’est quand même dommage !

Soignez donc les investigations en amont de vos rencontres avec des professionnels, de façon à acquérir un minimum de connaissance du métier, du milieu, du secteur d’activité, des formations possibles, des évolutions en cours ou à venir, des fourchettes de rémunération possible etc.

Reconversion et enquête métier: les questions à poser pour un métier salarié

3- Investiguer vite fait mal fait

Bien entendu, il est assez questionnant que des professionnels de l’accompagnement à l’évolution professionnelle s’appuient sur 1- De la prospective et 2- De la prospective vieille de plusieurs années, qui a donc largement démontré son obsolescence. Cependant, cela démontre une  chose essentielle : la nécessité pour le candidat à la reconversion de mener par lui-même des investigations sur les métiers pour lesquels il pourrait avoir de l’intérêt.

Car aucun accompagnant à la bifurcation professionnelle, fut-il coach, psy, praticien en bilan de compétence où consultant en outplacement ne peut avoir une connaissance approfondie de tous les métiers. Il ne peut que vous apprendre à les investiguer et encore, visiblement, ce n’est pas toujours le cas.

D’autre part, nous avons en général une vision assez partie émergée de l’iceberg des métiers, qui correspond aux informations qu’on voit le plus souvent sur eux, donc une sorte d’image d’Epinal qui ne recouvre pas du tout l’étendue de sa réalité. D’autre part, qu’ils soient nouveaux, anciens, en pleine réinvention, en mutation, les métiers évoluent de plus en plus vite, et ce n’est pas votre prestataire d’accompagnement à la reconversion qui détient toutes les clés de ces évolutions. Les enquêtes métiers qui ont des chances d’apporter des réponses à vos questions et une connaissance suffisante pour la prise de décision associent:

 – Prise d’informations tous azimuts (et dans toutes les dimensions du métier)
 – Veille (secteur, métier, entreprises, marché, évolutions etc.)
 – Rencontres avec des professionnels
 – Participation à des événements
 – Stages d’initiation, expérimentations et éventuellement, si la piste se précise, les immersions.

La multiplication des sources d’informations est un excellent moyen de limiter les risques de vous planter en choisissant une voie qui n’est pas pour vous ou en ne découvrant pas qu’une piste pourrait être une superbe voie.

On met 5 ans é réussir du jour au lendemain

4- Prendre les informations obtenues pour argent comptant

Un professionnel rencontré est avant tout spécialiste de sa propre façon de vivre et d’exercer son métier, spécialiste de ses propres convictions sur son propre métier, et celles-ci peuvent parfois se révéler pas tout à fait justes, ou un brin étriquées, bref, simple révélateur de la façon de travailler du pro en question. Certains professionnels, parce qu’ils n’en ont pas besoin où ne l’estiment pas utile, font peu de veille sur le marché, les évolutions de leur métier, les hybridations possibles et en ont parfois peu conscience. Leurs choix d’exercice les rendent parfois peu conscients (ou intéressés) par d’autres choix et ils seront peu à même de vous en parler. 

C’est la raison pour laquelle il est essentiel de multiplier les sources d’informations et de rencontrer plusieurs professionnels, éventuellement avec des façons différentes d’exercer, ou d’horizons différents et ensuite de faire preuve d’esprit critique pour croiser les informations récoltées, tout en ayant la vision la plus complète des diverses possibilités qu’offre un même métier.

Reconversion: l'enquête métier est une collecte d'information, pas de vérités

Vous serez alors en mesure de prendre une décision éclairée, renoncer ou vous lancer, selon le degré de pertinence et de faisabilité que vous percevez pour vous:

Comment évaluer la pertinence et la faisabilité d'un projet

5- Céder au désir d’immédiateté (ou investiguer vite fait mal fait 2)

Alors oui, je sais bien qu’à l’ère de l’immédiateté, on aimerait bien avoir des réponses rapides. Et d’ailleurs, je ne serais pas surprise qu’une plateforme voit le jour qui prétende vous fournir des enquêtes métier déjà toutes menées et prêtes à l’emploi, avec tout le petit bout de la lorgnette que ça impliquerait. Aller plus loin dans l’exploration d’un métier que la partie émergée de l’iceberg, ça prend un peu de temps, mais ce n’est probablement pas la mer à boire non plus et ça évitera à votre projet de finir en Titanic de la reconversion.

D’autre part, toujours à l’ère de l’immédiateté, vous tomberez mille fois sur l’idée très néolibéralisme victorieux que foutaises foutaises, ne perdez pas des mois en tergiversations ou pire, en introspection! Qui ferait de vous un loser immobiliste, dans l’oeil presbyte de ceux qui confondent la période de réflexion avec une balade sans fin autour de son nombril et ne comprennent pas qu’elle est aussi faite de démarches concrètes. Bref, le mot d’ordre des winners de la Rolex de la carrière: lancez-vous, jetez-vous à l’eau, osez, bordel ! Oui mais non ou du moins pas forcément: rappelez-vous que vos émotions vous appartiennent, que vous avez bien le droit d’avoir besoin de trouver des réponses à vos craintes et questionnements, ce qui d’ailleurs vous évitera plusieurs écueils :

– Vous lancer à l’aveuglette, quitte à risquer difficultés non anticipées, frustrations, erreurs et pression, ultra courants dans les ratés de la reconversion. L’époque voit ainsi des légions de personnes attirées par des métiers du « bien-être », dont certains n’ont malheureusement pas mesuré en amont ce qu’ils signifient en terme de marketing/communication ou même de rémunération !

– Renoncer trop vite, ou procrastiner, juste parce que vous avez vu des obstacles, mais n’avez pas investigué pour voir s’il y avait moyen de les franchir ou de les contourner. Ne vous laissez pas décourager par une information : vérifiez-là, croisez-là. Toute question/crainte qui vous vient est intéressante et peut être transformée en information à chercher. Voir: Reconversion: réhabiliter la peur et la transformer en moteur

Inversement, vos enquêtes soignées vous permettront :

– De renoncer en connaissance de cause : parce qu’au cours de vos investigations, vous avez découvert trop d’éléments qui ne sont pas en accord avec vous et avec ce que vous pouvez apporter de vous-même à un tel projet. Vous n’aurez ainsi aucun regrets.

– De vous lancer avec assurance et sérénité. Nul besoin de courage héroïque quand on sait où on va et comment on y va et qu’on a développé un esprit critique qui permet de remettre en cause une stratégie plutôt que toute sa personne.

La lente maturation d'un projet de reconversion

 

6- Croire qu’il y existe la bonne quantité d’information

Tout cela ne signifie pas que vous devez passer 214 jours à peaufiner vos explorations et encore moins qu’il existe une quantité idéale d’information pour pouvoir prendre une décision. 

Au-delà d’informations indispensables telles que le contenu réel du métier (y compris par exemple, l’admin/compta/commercial de l’entrepreneur ou de l’indépendant, pas juste le cœur de métier), les formations possibles, les conditions d’exercices existantes (ou à inventer), les fourchettes de rémunération, l’état du marché, certains ont besoin de beaucoup d’information pour parvenir à une décision, ou à traiter en amont les points qui les gênent. D’autres beaucoup moins.

Ces deux façons de fonctionner ne sont ni bonnes ni mauvaises, l’essentiel étant de répondre à vos propres besoins et préférences méthodologiques, plutôt que de subir la pression d’une manière de procéder qui ne vous correspond pas. Rien de plus simple donc que de déterminer la quantité d’information nécessaire : vous le saurez, c’est aussi simple que cela. A un moment donné de vos investigations, si ce n’est pas une piste pour vous, vous renoncerez naturellement. Si c’est une voie qui vous convient

Il me reste à vous souhaiter bon vent et bonne route dans vos enquêtes métier!

Bien aborder sa reconversion c'est alterner action et réflexion


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Aller plus loin

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