Reconversion: changer de métier en temps de pandémie

Comment changer de métier au temps de la pandémie

Vous me l’avez réclamé depuis le mois de mai, ce billet sur la reconversion au temps de la pandémie, mais je l’ai un peu retardé parce que j’ai consacré beaucoup de temps ces dernières semaines à la rédaction et à la relecture d’une livre à paraître en octobre, mais le voilà, avec 5 points à retenir pour changer de métier en 2020.  

Changer de métier au temps de la pandémie

Pendant le confinement et depuis, vous avez été très nombreux à me demander mon avis sur l’impact de la pandémie sur le désir de reconversion et les façons de la mener. J’ai été sollicitée par toutes sortes de publications pour des interviews (Zadig, le Figaro, Welcome to the jungle, Management etc.), certaines auxquelles j’ai répondu et d’autres non, en particulier début mai, parce que je n’avais pas totalement déconfiné ma boîte mail.

Mais vous imaginez bien que je réfléchis à ces questions depuis mars. J’ai traduit en 2005 un livre sur un autre risque pandémique qui finalement n’a pas montré le bout de son nez (le H5N1), qui contenait les scénarios pandémiques de l’OMS, avec leurs conséquences sanitaires évidemment, mais aussi socio-économiques. Ces connaissances m’ont permis d’anticiper et de profiter du confinement pour adapter mes prestations aux mutations sociales et professionnelles ainsi qu’aux évolutions du monde du travail et à la façon d’élaborer des projets de bifurcations dans un monde incertain. Voici donc quelques réflexions sur la reconversion en pleine pandémie… et après.

Conséquences du confinement sur la relation au travail

Il ne fait aucun doute que la pandémie et ses conséquences vont avoir un impact majeur sur la reconversion, depuis le désir de changer de métier jusqu’à la façon de mener le projet, en passant par les domaines d’activité qui seront boudés ou attirants.

Il est impossible pour l’instant de mesurer avec précision l’augmentation réelle du désir de reconversion lié à la perte de sens pendant cette période de pandémie. Même s’il paraît évident que de nombreuses personnes ont été amenées à réfléchir à leur vie professionnelle, leur relation à leur job actuel et leur envie de poursuivre ou d’explorer d’autres voies possibles, étant donné les difficultés auxquelles elles ont pu faire face :

– Le travail confiné* avec tout ce qu’il a pu avoir de difficile pour nombre de salariés qui n’avaient ni l’habitude, ni l’espace, ni le matériel pour télétravailler dans des conditions acceptables.

– Le chômage partiel qui a laissé beaucoup de gens dans les limbes de l’inoccupation, de l’ennui et du sentiment d’inutilité ou qui a apporté une forme de soulagement (face à un job sans intérêt ou perçu comme inutile par exemple).

– La chute considérable d’activité pour beaucoup d’entrepreneurs, qui signifie des manques à gagner financiers qui conduiront certains d’entre eux à mettre la clé sous la porte ou à reconsidérer leur activié.

– Le travail en conditions difficiles (voire épouvantables) des travailleurs qui ont assuré l’approvisionnement, la maintenance et les soins à toute la population.

Toutes les situations ont pu amener leur lot de questionnement sur le désir de travail et les désirs de travail à une drôle d’époque qui, à défaut de réellement déboucher sur un “monde d’après” redouté ou espéré, implique tout de même des bouleversements socio-économiques dont nous ne sommes qu’à l’aube et qui vont modifier la façon de réfléchir à une reconversion. 

5 points essentiels à une reconversion en temps de pandémie

1- La question du sens

Très présente depuis le début de la crise, certains ayant d’ailleurs choisi d’axer des discours marketings entiers sur ce sujet, la question du sens s’est posée et continue de se poser pour beaucoup de gens.

La question du sens au travail a souvent été étonnamment réduite à des dichotomies faciles entre métier qui a du sens (pour faire simple : les métiers qui « aident ») et le reste. Mais la notion de sens, intimement lié aux valeurs personnelles (sociétales, politiques, morales, motrices) et à l’éthique qui elles-mêmes sont aussi variables que les cours de la bourse. Ce serait par exemple regarder le monde du travail par le petit bout de la lorgnette que de croire que l’héroïsation des soignants pendant la pandémie suffise montre à quel point les métiers médicaux ont du sens. Combien de soignants ayant traversé cette période dans des conditions effroyables, y compris le mépris d’un Etat qui a toujours su ce qui signifiait les risques pandémiques mais a décidé contre les mesures nécessaires pour y être préparé et les a donc envoyé au casse-pipe vont trouver, à l’issue de tout ça, que leur job a vraiment du sens ?

Car la notion de sens ne se limite pas à ce qu’on fait, elle englobe aussi les conditions et l’environnement de travail qui, dès lors qu’elles deviennent délétères, donnent un sentiment d’absurdité parfois insurmontable, comme le montre les témoignages de ces deux articles

La quête de sens et d'utilité, un déclencheur de reconversion?

Explorer la question du sens, c’est donc sortir de l’image toute faite des métiers utiles/inutiles et déterminer ce que ça signifie pour vous, y compris en termes de besoins, c’est à dire ce qui vous permet de vous sentir bien (ou pas) dans une situation professionnelle où vous pourrez contribuer à ce qui est important à vos yeux.

Plus généralement, ce qui se dessine dans la reconversion post confinement, ce sont des questions de fond sur le sens de la vie tout court et la réflexion devra intégrer de nouveaux paramètres que la logique poussiéreuse de bilan de compétences, encore (et bizarrement) très présente dans l’accompagnement à la reconversion, a toujours ignorées.

Ce n’est plus tant l’articulation des temps de vie qui va primer, même si beaucoup aspirent à travailler mieux pour travailler moins et gagner du temps pour vivre mieux, que l’agencement plus pertinent de la vaste mosaïque qu’est la vie dans toutes ses dimensions. Le confinement a aussi entraîné beaucoup de questionnements sur le mode de vie, les relations familiales, conjugales, amicales et professionnelles, les lieux de vie, auxquels nous prêtions trop peu d’attention avant le Covid19, mais qui se sont imposés à nous justement parce que dès lors qu’ils sont peu ou mal satisfaits, ils deviennent source de tombereaux d’émotions désagréables. En temps normal, beaucoup d’entre nous ont des dérivatifs qui détournent leur attention de ces besoins, ou du moins qu’ils utilisent espérant détourner leur attention, lorsqu’ils sont peu satisfaits. Et ces besoins leur ont sauté à la figure en confinement, débouchant sur une question parfois obsédante : ce n’est pas que la vie professionnelle qui n’a pas de sens, parfois c’est la vie tout court, et le travail joue un rôle important dans le déplaisir.

Ceux-là auront besoin d’une réflexion approfondie, qui ratisse large et non pas d’un test de personnalité et du survol de leurs « valeurs ». Ce qui signifie que plus que jamais, la connaissance de soi sera essentielle à la reconversion, et celle-ci est bien plus vaste que quelques mots sur des compétences.

Trouver du sens et de la motivation dans nos métiers

2- La connaissance de soi et l’élégance relationnelle

La connaissance de soi, vecteur d’acceptation de soi et de conscience de nos besoins professionnels, et l’élégance relationnelle qui donne l’assurance pour mener à bien les itinéraires que l’on choisit et le job crafting nécessaire, ont toujours été les parents pauvres de l’accompagnement à la reconversion. A tort, parce que leur négligence risque

 – Des projets non aboutis, non adaptés à la personne qui, du coup, le porte vaille que vaille en risquant la désillusion.

 – Des faux projets raisonnés-raisonnables mais peu motivants, ce qui ne favorise ni leur réalisation, ni le plaisir de travailler.

Inversement, la connaissance de soi et l’élégance relationnelle constituent un socle solide et essentiel sur lequel nous pouvons nous appuyer pour naviguer et nous orienter dans un monde d’incertitude.

3- Mener réflexion et démarches en parallèle

Il était déjà assez surprenant avant le COVID d’imaginer une réflexion par étapes, qui mettrait l’identification d’un projet avant l’exploration concrète des secteurs qui pourraient vous intéresser. Mettre une enquête métier en fin de parcours est une aberration qui revient à faire des choix sans connaissance de cause. D’autre part, les démarches concrètes et la réflexion s’alimentent mutuellement, les premières fournissant des informations cruciales à l’orientation qui nécessitent d’être traitées et évaluées, les secondes orientant à leur tour les démarches nécessaires pour confirmer des informations, aller en chercher de nouvelles ou affiner le projet.

Mais après que le COVID soit venu bouleverser tout un tas d’ordres établis, nous ne sommes qu’au début des mutations que les suites de la pandémie va engendrer, il devient encre plus hasardeux de faire des choix à partir de réflexion hors sol, menées en toute méconnaissance du monde du travail et de l’économie, avec les idées reçues que ça implique, et en s’appuyant sur des tests de personnalité d’un autre âge d’une part, et qui n’avaient déjà pas réussi à intégrer les nouveaux métiers et les métiers émergents avant la pandémie.

Plutôt donc que de croire que vous devez identifier votre avant d’aller explorer, alternez démarches d’exploration et réflexion, ce qui vous permettra d’éliminer les pistes non pertinentes au fur et à mesure, et de savoir quel job crafting a besoin d’être pratiqué sur le métier que vous avez choisi, de façon à y trouver un plaisir durable et renouvelable.

Bien aborder sa reconversion c'est alterner action et réflexion

4- La veille

La veille devient plus indispensable que jamais, en raison des océans d’incertitudes sur l’avenir de l’économie, du marché du travail en général et sur les transformations en cours et à venir, selon les fluctuations de la pandémie et leurs impacts sur les évolutions des secteurs.

Il ne s’agit pas de schématiser des réponses simplettes, débitées en vérités universelles, comme « ce n’est pas le moment de se reconvertir dans l’hôtellerie-restauration » ou au contraire « jetez-vous dans le numérique ». La question est d’être en mesure de repérer les mouvements profonds dans les secteurs qui vous intéressent, d’observer comment ils s’adaptent et se réinventent, voire d’imaginer comment les réinventer.

Tout en évaluant en parallèle, non pas « si vous avez les capacités pour », mais comment mettre vos propres ressources (traits de personnalité, qualités, talents naturels, mécanismes émotionnels etc.) au service de ce projet-là, si vous vous sentez en mesure de faire face aux changements qu’il va traverser ou aux incertitudes quant à son avenir.

Les 6 étapes de la veille métier

5- Prendre le temps 

Je n’ai jamais été adepte des reconversions hâtives, elle débouchent le plus souvent sur des projets tronqués et nourrissent les chiffres des ratés de la reconversion. Les promesses de conte de fées ont fleuri ces dernières années et, ce n’est pas une surprise, le nombre de reconversions avortées est directement proportionnel. Alors dans des temps incertains qui dévoilent leurs chambardements au fur et à mesure et qui a modifié notre rapport au temps, il va plus que jamais être essentiel de le prendre.

Prendre le temps d’une veille soigneuse afin de comprendre suffisamment un secteur et ses mutations pour déterminer si votre bifurcation professionnelle est pertinente ou pas, selon vos besoins, vos contraintes et ce que vous êtes en mesure de mettre en œuvre pour faire vivre votre projet. Donc prendre le temps de cerner de la connaissance de vous, qui comprend cerner vos besoins professionnels, définir la notion vaste de sens et de contribution pour vous, et de développer une élégance relationnelle pleine d’assurance pour pouvoir mener à bien vos aspirations professionnelles nouvelles. Plutôt que de vous perdre dans une urgence frénétique, en vertu du principe qu’on ne produit pas de Romanée-Conti en mode Beaujolais nouveau, faites du temps l’atout d’une reconversion savoureuse et à votre mesure.

La lente maturation d'un projet de reconversion

Prendre le temps ne veut pas dire non plus qu’il va falloir attendre des mois pour se lancer, car chacun son rythme.  Il y aura toujours des personnes enthousiastes, déterminées, avec une grande capacité à rebondir face à l’adversité, qui se lanceront plus rapidement, quitte à devoir s’adapter au fur et à mesure. Ces candidats-là au changement de métier intégreront les adaptations nécessaires à leur plaisir de travailler et à la viabilité du projet en cours de route, ce qui l’inscrira dans un temps plus long. 

La reconversion ce n’est pas trouver sa voie, c’est apprendre à marcher

Nul besoin donc de se jeter dans la reconversion sous les coups de boutoirs de l’injonction ou au contraire, s’en priver en raison du choc économique qui commence tout juste à se dévoiler. Il convient simplement d’apporter encore plus de soin à intégrer la connaissance de soi et de l’économie dans l’élaboration du projet, tout en développant les aptitudes nécessaires à l’adaptation constante. Cela ne signifie pas graver dans le marbre les moindres détails d’un projet, bien au contraire. Il s’agit de connaître suffisamment le cadre dans lequel il s’inscrit, ses enjeux et ses mutations pour savoir lui apporter, au fur et à mesure, les modifications et hybridations nécessaires, au lieu de se jeter dans un inconnu en plein mouvement avec des idées anté-pandémiques et limitées. Bref, de savoir où on va, pourquoi et comment on y va, ce qui donne tout son sens aux trois principes d’une reconversion réussie.

Un principe et trois questions pour réussir sa reconversion


Aller plus loin

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