L’art de la grognonitude constructive

la grognonitude constructive ou comment râler intelligent

 

Où je vous parle de l’art de la grognonitude constructive, parce que râler gratuitement, c’est assurément pénible, mais il existe des moyens de râler intelligent, pour résoudre les problèmes et aller de l’avant;)

la grognonitude constructive ou comment râler intelligent

 

A lire ou à écouter;)

 

Pisse-vinaigre et malcontents

Vous, je ne sais pas, mais moi, il m’arrive de râler. Je ne suis pas une grande râleuse, mais bon, il m’arrive de renauder, quand j’ai paumé mes clés, oublié de régler une facture ou quand je lis des trucs pleins de bonnes intentions mais pas très efficaces sur le plaisir au travail et la reconversion. Dont acte, ça ne m’a jamais aidé à retrouver mes clés. En revanche, à chaque fois que je grommelle face à un propos tarte sur la vie professionnelle, ça ma pousse à réfléchir, à agir, à chercher ou à élaborer une alternative qui me paraît plus utile.

Pour autant, j’ai du mal avec  les pisse-vinaigre, les acariâtres, les bougons, les maussades, les malcontents, les pisse-froid, les renfrognés, les ronchons, les sans-joie, les saules pleureurs, ceux qui cultivent la grognonitude comme d’autres les herbes de Provence sur leur balcon: avec application.

Et ils se sentent dans leurs bon droits, les bougres, de râler plus souvent qu’à leur tour, car leur vision du monde, ils ne la considèrent pas comme pessimiste et négative, mais bien comme réaliste et pleine de discernement. Et ils n’ont probablement pas tort: on a les représentations du monde qu’on veut, après tout. Seulement leurs râleries mécaniques, engluées dans une réalité qu’ils préservent de toute la force de leur passivité me fatiguent rien que d’en parler. L’excès de bougonnerie qui devient un mode de vie et qui entretient la mauvaise humeur et l’anxiété,ça génère du stress, c’est pas bon pour les artères et ça nous amène à des grimaces peu esthétiques. Bref, la râlerie chronique rend moche, malade et peu avenant!

la râlerie gratuite rend moche et peu avenant

 

 

Râlerie gratuite vs grognonitude productive*

J’ai tiré là le portrait de grincheux persistants, endémiques et inguérissables. Il y a fort à parier que vous et moi sommes des ronchons de circonstance, des intermittents, et que chacun d’entre nous a sa propre combinaison de râlerie gratuite et de grognonitude productive. Distinguons donc ces deux façons de ronchonner bien différentes dans leur intention et dans leurs conséquences:

 

La râlerie gratuite, réflexe conditionné ou de bon ton

Le réflexe conditionné, c’est la râlerie qui ne vaut que parce qu’elle existe et qui montre combien les Malheureux (avec une majuscule, du coup) sont malheureux, malcompris et las d’un monde si plein d’indifférence, d’injustice et de mépris. C’est l’expression de notre côté Victime, qui cherche à attirer l’attention, qui voit des fautifs partout et qui parfois finit par se complaire dans sa situation.

Renvoyer la faute sur quelqu'un d'autre, c'est nier sa propre responsabilité

La râlerie de bon ton, c’est celle qui est dans l’air du temps. On se retrouve entre soi et on s’offusque de ceci ou cela. Je pense par exemple au French bashing qui dégouline des réseaux sociaux et des publications sur la vie professionnelle, par exemple. Je me souviens ainsi d’une soirée sur le thème de l’optimisme et dans laquelle le mot d’ordre était de parler de ce qui va bien et où les intervenants, n’ont cessé de grognoner sur notre pauvre état d’esprit français, bande de franchouillards arriérés (sans doute dans une version qui m’a échappé de soigner le mal par le mal;). Et puis croire qu’aux merveilleux US personne ne râle et qu’on agit tout de suite, c’est assez mignon, mais ce n’est pas très exact.

 

La grognonitude constructive

C’est celle qui est un vecteur de changement et débouche sur de l’action concrète, là où refuser purement et simplement de râler gentiment peut amener à une soumission passive, une résignation fataliste face aux événements sur lesquels nous pouvons agir. La grognonitude productive  permet de verbaliser une problématique – quitte à le faire en ronchonnant, d’en retrouver le fil rouge, de la poser sur la table (bon d’accord, plutôt dans l’oreille du voisin) afin de pouvoir l’observer, jouer avec et inventer mille et une manière de la détourner, la contourner, la surmonter, la résoudre, cette vilaine matière à grognements. C’est cette râlerie productive, génie du peuple qui nous a permis d’agir et d’obtenir toutes sortes de droits et d’avancées sociales, de prendre des Bastilles, d’avoir des Zola et des Victor Hugo. Donc peut-être que râler sur quelque chose, c’est parfois une première étape non négligeable vers l’action.

Bref: après avoir voué la râlerie aux gémonies, remisée dans les confins des caractéristiques bassement franchouilles si peu glamour dans un monde qui voudrait se voir dans la glace doté des atours du winner de préférence Etats-unien, mais aussi, pourquoi pas, c’est dans l’air du temps, germanique ou nordique. Alors allons-y: je râle, je m’escagasse, je bougonne: y’en a marre des merveilleuses cultures d’ailleurs! Je voudrais revenir à la mienne et me plaire à faire ma gauloise** à l’esprit débrouille qui rouscaille et qui bricole une solution, vaille que vaille.

Explorer les pistes d'augmentation du plaisir au travail

Car inversement, le faux enthousiasme dans lequel tout est toujours “great“, ça paraît peut-être très affriolant sur le papier, mais n’oublions pas qu’outre-Atlantique, il y a aussi un certain pragmatisme et que ce qui en réalité n’est pas great – chez vous ou dans votre performance professionnelle – on vous le fera savoir d’une manière ou d’une autre, peut-être plus sournoise, plus indirecte, mais pas moins forte (après tout, ce n’est pas nous qui avons inventé les concepts de winner et loser). Mais je m’égare et me voilà prise en flagrant délit de ronchonnerie.

Revenons donc à nos moutons: j’aime les productifs, les faiseurs, les bricoleurs, ceux qui essaient, qui expérimentent, et si, pour élaborer leurs expérimentations, ils ont besoin de grognoner un coup, alors je prends.

 

L’art de la grognonitude productive

Il s’agit donc certainement de minimiser les râleries gratuites et de conserver une grognonitude constructive. Et pour cela, retenons 6 éléments importants:

 

1- Ne pas nier ou étouffer l’émotion

Si nous râlons, c’est que la situation a déclenché chez nous des émotions qu’il est complètement contre-productif de chercher à ignorer – genre, en pensée positive,  je me focalise sur le verre à moitié plein “t’as perdu tes clés, non mais quand même, vois le bon côté des choses, t’aurais pu perdre une jambe“. Parce que l’émotion a un message à transmettre et que lorsqu’on ne l’écoute pas, qu’on cherche à l’étouffer ou à la refouler, elle retentit plus fort la fois suivante. Aussi commençons par reconnaître l’émotion qui nous pousse à râler et par mettre des mots dessus.

Râler devient alors une sorte de filtre à mauvaise humeur, un exutoire à la colère, à la frustration, à l’impatience, une façon de vider son sac, un échappatoire pour nous éviter l’ulcère^^ Bien fait, râler peut être comme baisser le gaz sous l’eau des pâtes: ça fait redescendre en pression et ça évite de déborder.

nos perceptions génèrent nos émotions, pas les autres!

 

2- Savoir exprimer l’émotion

Le problème, c’est qu’on confond souvent exprimer ses émotions et laisser libre cours aux états qu’elles engendrent.  Râler et passer les oreilles de son interlocuteur à la moulinette à jérémiades ou céder à la colère et rouleau-compresser ses contemporains ce n’est pas exprimer l’émotion, c’est bien lui céder. L’exprimer, c’est simplement dire “je me sens …”. Et ce qui est formidable, c’est que mettre un nom sur son émotion, ça suffit déjà à en diminuer les effets.

L’autre problème, c’est que nous sommes souvent assez déconnectés de ce qui se passe à l’intérieur de nous et que nous avons un peu pris l’habitude de mettre nos émotions dans le grand fourre-tout estampillé stress. Aussi nous avons souvent besoin de ré-apprendre à mettre des mots dessus;)

Cesser d'appeler nos émotions "stress" et mettre des mots dessus

 

3- Trouver bon entendeur

Pour que la grognonitude soit productive, mieux vaut qu’elle trouve bon entendeur: passer ses nerfs en gémissant de l’attente à la caisse auprès des autres personnes dans la file, au pire, ça tombe à plat, au mieux, ça finit en jérémiade collective. Et on touche le fond quand on s’en prend alors à la caissière. Inversement, rentrer chez soi, pester un bon coup auprès de son conjoint et en déduire ensemble avec qu’aller faire les courses le samedi à 15h c’est pas une bonne idée, en conclure enfin que le jeudi soir à 20h c’est vachement plus cool et qu’on expérimente ça pendant 15 jours, ça fonctionne mieux.

De même, mieux vaut bougonner dans une oreille réceptive, de celles qui vont nous questionner, nous aider à réfléchir plutôt que des complaisantes qui vont nous plaindre ou pire, qui vont gémir en cœur avec nous. Aaaah, ma bonne dame, on peut gémir de tout, mais pas avec n’importe qui;)

Pour éviter les déceptions et les mausaises oreilles, mieux vaut choisir de quoi on parle à qui

 

4- Comprendre l’émotion

Accueillir l’émotion, c’est bien, la comprendre en plus, ça permet d’aller beaucoup plus loin, puisque l’émotion, c’est le pigeon voyageur de nos besoins insatisfaits, pourvoyeur d’un message pas si compliqué à décrypter, pour peu qu’on pratique un peu la lecture émotionnelle qui va nous donner accès aux raisons réelles – et non aux raisons de surface – à notre irrésistible envie de râler.

Ainsi si je renaude parce que Bichtouille ne m’a pas remis à temps ses conclusions sur le dossier 32b, peut-être qu’en réalité, je devrais être plus claire sur les délais, sur leur importance, et ne pas me contenter de croire que c’est une évidence et que le sus-nommé Bichtouille devrait le savoir puisque tout le monde le sait.

Peut-être que si je ronchonne parce que je vois 74 obstacles à mon désir de reconversion, j’ai besoin de considérer chacun comme un point à traiter au lieu d’espérer qu’ils s’évanouissent pendant la nuit et de râler parce qu’ils ne s’évanouissent pas, les fourbes.

La compréhension de l’émotion va ainsi nous donner des indications très précises sur les possibilités de résolution du problème.

la lecture émotionnelle au service du plaisir au travail

 

4- Passer en mode solutions

Lorsque la râlerie a pour objet un sujet dont on peut s’emparer et y apporter des modifications, mieux vaut l’utiliser – la râlerie –  pour vider son sac et pouvoir passer en mode solutions. Sinon, elle reste de la râlerie gratuite et on peut continuer à bouffer sa mauvaise humeur par la racine.

Flinguer le probleme a lieu de continuer à le creuser

Ainsi, la médisance complaisante (“oui mais ça fait du bieeeeeeeeen de dire du mal“) à la machine à café sur le dos de Tartempion qu’est quand même un sacré gros con qui ne refait jamais le café quand il a vidé la cafetière, ça manque de panache et ça ne règle pas le problème, ça pourrit simplement la pause café et ça donne des aigreurs d’estomac. Alors que d’y mettre un joli coup de CNV pour faire une demande élégante au dit Tartempion, non seulement ça a plus de gueule, mais ça nourrit aussi l’estime de soi.

 

6- La CNV ou l’art de la grognonitude élégante

La communication non violente est une mine d’or a bien des points de vue, et lorsque nous avons besoin de ronchonner pour trouver une solution à une situation, elle présente le bénéfice majeur de pouvoir le faire avec panache. Qu’il s’agisse de réfléchir à la solution à voix haute et dans l’oreille d’un quidam accueillant ou d’une solution qui nécessite une interaction (une demande, une critique, fixer une limite etc.),

 

Et pour la route, un instant de grognonitude culte

 

*Il s’agit bien entendu de produire des idées, rien à vois avec un quelconque encouragement à un productivisme de capitalisme débridé;)

**Evidemment, il ne vous aura pas échappé que mon patronyme devrait plutôt me pousser à faire ma celtibère, mais vous aurez compris que derrière l’image, c’est bien à Astérix et Obélix que je pense;)

 

Voir aussi

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Les talents naturels au coeur de nos émotions
Bien-être: quel degré d’oursitude nord?
La colère, paravent du même pas peur, même pas mal
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Aller plus loin

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