Lâcher-prise : le principe du lave-vaisselle

le principe du lave vaisselle, ou comment lacher prise et accepter de déléguer

Où je vous raconte mes tribulations domestiques et en particulier lave-vaisselliques, parce qu’elles m’ont été porteuses d’un enseignement majeur sur le lâcher prise et la délégation !

le principe du lave vaisselle, ou comment lacher prise et accepter de déléguer

 

Expert en lave-vaisselle

Vous, je ne sais pas, mais moi, j’ai fait Sup de lave-vaisselle. J’ai un master 2 en remplissage de petite vaisselle du tiroir du haut, un doctorat en programmes longs et des théories particulièrement élaborées sur le concept crucial selon lequel « tout va au lave-vaisselle ». D’ailleurs, je dis que je ne sais pas, mais c’est faux, vous aussi, vous avez fait Sup de lave-vaisselle. Vous aussi, les éléments indispensables à l’organisation optimale d’une plonge automatique en bon uniforme (comme disait Béru) n’ont aucun secret pour vous.

Et je suis prête à parier un kilo de sel régénérant contre une semaine à Acapulco que vous aussi, vous avez déjà fait l‘expérience navrante du remplissage de lave-vaisselle chez des amis, chez l’Oncle Alfred ou Mémé Huguette. Ce moment détestable où, parce que vous êtes un modèle de politesse, vous aidez à débarrasser la table et à remplir le lave-vaisselle et où votre hôte ressort illico de l’engin le plat que vous aviez placé si judicieusement derrière les assiettes, pour le positionner autrement, forcément d’une manière totalement dénuée de bon sens.

Ou comment le remplissage du lave vaisselle nous apprend le lâcher prise

Et bien entendu tout à sa goujaterie, votre hôte le fait sans vous avouer humblement sa psychorigidité lave-vaisseillienne, mais mine de rien faussement discrétos, histoire que vous compreniez qu’ils vous prend pour un demeuré du plat à gratin. Et parfois même il associe le geste à une réflexion perfide du genre “mais enfin, quand il y a des gosses, c’est CRIMINEL de mettre les couteaux tête en haut!” Ouais mais chez moi, dites-vous dans votre Ford intérieure (encore comme disait Béru), les gosses apprennent à être autonomes et à utiliser leur cerveau… Du coup, la coupelle à dessert que vous avez à la main, vous le lui colleriez volontiers dans la frimousse mais vous vous contenez uniquement parce vous êtes foutrement bien élevé.

Aaaah ces incompétents notoires qui ont l’arrogance de se poser en supérieurs alors qu’ils ont à peine le niveau bac en lave-vaisselle. C’est comme ça que la gouvernance domestique devient le creuset de toutes les convictions érigées en vérités universelles et imposées autour de soi, le plus souvent de façon purement territoriale: l’aspirateur, la lessive ou les courses, même combat! Qu’on peut aisément élargir au travail. Car le pré carré, qu’il soit domestique ou professionnel, ne souffre pas qu’une valetaille malhabile lui piétine la plate-bande. D’autant que dans ces sujets ou chacun à raison et l’autre a toujours tort viennent s’incarner toutes les fâcheries conjugales, amicales, familiales, professionnelles et managériales.

emotions, collaboration, conflits

 

Quand tout le monde a raison…. lâcher prise et délégation

Et c’est peut-être là qu’il y a matière à expérimenter le lâcher prise. Ou du moins c’est comme ça que je l’ai expérimenté.

Commençons par définir le lâcher prise. Je ne suis pas une grande fan du terme, qui a des résonances de conseil facile et sans substance. Je vous passe aussi les définitions mystico-spirituelles qui y associent une expérience sensorielle quasi extatique ou les injonctions à accepter tous les coups du sort sans sourciller en mode zénitude totale. Ce qui m’intéresse est une expérience beaucoup plus prosaïque et ras des pâquerettes:

C’est l’inverse d’un désir de contrôle qui fait qu’on reste agrippé à des croyances, des principes, des idées, des attentes, avec des crochets de boucher, histoire d’assurer sa prise. Ce contrôle qui génère des crispations, de la pression et donc des courbatures et des crampes dans la cafetière qui génèrent agacement, angoisse ou découragement. C’est donc une façon de mettre de la souplesse dans toute cette liste, une sorte d’abandon cher à Alexandre Jollien, une façon de s’apprivoiser soi-même et de retrouver une forme de simplicité, de cesser de lutter contre tout et en particulier quand ce n’est pas utile ou nécessaire.

Or, se prendre la tête sur une histoire de vaisselle, c’est tout sauf de la simplicité! C’est tout sauf utile et nécessaire! C’est juste s’encombrer la théière de tracasseries superflues, absurdes et largement évitables!

Se désengager de ce qui n'a pas réellement d'importance

Alors reprenons mes aventures électro-ménagères : je suis donc, comme tout un chacun of course, un poil dans le contrôle domestique, je SAIS comment il FAUT s’y prendre avec le lave-vaisselle. Alors imaginez quand mon conjoint est venu s’installer chez moi avec des convictions étranges sur ledit appareil et son remplissage, lui qui avait clairement obtenu son diplôme de l’ENSLV dans un pays probablement lointain où les lave-vaisselles sont à l’évidence conçus très différemment.

Il émettait quant à lui des doutes prononcés sur mon tiroir à couverts dépourvu d’alvéoles et où l’on fiche lesdits couverts, on ne peut pas tout à fait dire en vrac, mais « freestyle » comme disait mon neveu qui est un créatif et donc trouvait ça fun. Je lui reprochais son absence de logique lave-vaissellique, il me reprochait mon tiroir freestyle quand il vidait l’appareil. De quoi générer de la querelle en veux-tu en voilà et ruiner une vie jusque-là très agréable, un coup à finir avec des histoires de chandelier dans la bibliothèque cette affaire…

Et ça, ça n’était pas acceptable. Il s’agissait donc de s’alléger du poids d’un désaccord domestique tragique ! Entre lui qui aime faire son Sheldon et produire des roommate agreements et moi qui ai toujours eu un besoin majeur de me simplifier la vie, nous avons pu élaborer une solution : une répartition des tâches en mode appétences qui nous libérait mutuellement des psychorigidités de l’autre. J’ai accepté d’expérimenter un désengagement complet d’une tâche qui de toute façon m’enquiquine et puisque l’objectif de l’appareil en question est une vaisselle propre, il était atteint, aussi donc à quoi bon m’en mêler.

Répartir les tâches par les appétences plutôt que par les compétences

Et figurez-vous qu’une fois le désengagement acté, je ne me suis même pas retrouvée en insupportable Reine des neiges bramant d’une voix suraiguë mon hiver vaissellier. Bien au contraire: je n’y ai plus jamais repensé. En revanche, expérimentation et sérendipité aidant, j’ai découvert que lâcher prise et délégation ont des vertus insoupçonnées.

 

Les vertus du désengagement et du lâcher prise

Nous avons tiré plusieurs enseignements de nos tribulations ménagères, qui sont valables autant dans la vie personnelle que professionnelle, je vous les partage en vrac:

 

Il n’est pas toujours utile d’avoir raison

Nous aimons tous bien avoir raison, mais voilà: il n’est pas toujours utile d’avoir raison, même quand on a raison, et vouloir avoir raison à tout prix peut causer bien des torts. Et quand démontrer qui a raison n’apporte en réalité rien à personne, autant garder son énergie pour des combats moins douteux, les combats utiles et nécessaires, ceux qui demandent de la ressource pour tenir bon (parce que parfois il y en a;). Ainsi, est-il vraiment utile d’expliquer à Bichtouille combien il s’y prend mal techniquement dans l’analyse des données si au final, ses résultats sont corrects? Apprenons à nous laver la vaisselle des façons de faire des autres!

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Laisser faire l’autre, c’est lui faire confiance

Quoi de plus horripilant que celui qui est toujours derrière votre dos à vérifier chacun de vos gestes, histoire de s’assurer que vous œuvrez non pas efficacement, mais comme il convient, en fonction de ses idées et de ses représentations, bref, de ses incompétences et limitations?  Laisser l’autre faire à sa manière, c’est aussi lui faire confiance et donc lui donner confiance. En même temps, n’en faisons pas un dogme: le besoin d’autonomie est aussi variable que les cours du pétrole et certains auront besoin de davantage de présence que d’autres. Mais présence n’est pas flicage et surveillance!

 

Lâcher un peu, c’est reposant, ça laisse de l’espace libre dans le disque dur

C’est bon de lâcher un peu : je fais partie de ceux qui ont eu l’habitude de se débrouiller de tout tous seuls, ça m’a été bénéfique de bien des manières, mais ça ne m’oblige pas à continuer quand ça n’est pas nécessaire. Et du coup, j’ai vidé dans ma théière trop pleine le dossier “vaisselle”  et dès qu’on a moins de dossiers qui tournent en même temps, on parvient à respirer et à réfléchir un poil plus librement. En d’autres termes: c’est reposant de se désengager de tâches inutiles, peu intéressantes à nos yeux, ou qui peuvent être faites par quelqu’un qui se réjouira de les faire. La suite logique, c’est que se désencombrer la calcombe de dossiers dénués d’intérêt, ça laisse plus d’espace pour des choses plus intéressantes, auxquelles on pourra consacrer plus d’énergie et de façon plus décontractée.

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Vive les appétences!

La répartition des tâches par les appétences, je ne peux pas dire que ça ait été une révélation, je prône ce principe en m’égosillant dans un violon à cochons depuis longtemps, parce qu’il y a plus de plaisir et de motivation à prendre en charge des tâches qu’on aime que celles qui nous font tartir (hihihi moi j’ai gardé la cuisine, hyper uber plus fun que la vaisselle et l’aspirateur). En revanche, en faire l’expérience m’a poussée à aller plus loin. Ça m’a permis d’apprendre qu’il y a toujours quelqu’un qui aime faire un truc qu’on n’aime pas! Et que c’es gens-là, merveilleuses créatures, vont faire ces tâches-là bien mieux que nous! Beaucoup de managers sont au fond des types et des nanas sympas, et ils prennent en charge des taches qu’ils n’aiment pas pour éviter de refiler le bébé à leurs collaborateurs. Peut-être que ça vaut le coup de faire un point sur qui aime quoi et de revoir la répartition en fonction. Ainsi ma cliente Catherine a revu toute la répartition des tâches de son équipe en questionnant les appétences des uns et des autres lors des entretiens annuels, au cours desquels elle a eu de vraies surprises quant aux goûts de chacun. Elle a ainsi gagné sur plusieurs plans:

 – L’amélioration de l’ambiance générale du service : due à l’impact sur l’humeur d’un quotidien plus en accord avec ses envies.
 – Le gain en confiance: ses collaborateurs se sont sentis écoutés et entendus
 – Le gain en plaisir au travail de ses collaborateurs et d’elle-même, puisqu’elle a découvert qu’une jeune femme de son équipe apprécie particulièrement l’administratif qu’elle-même détestait au point de ne pas oser le déléguer.

Et pour éviter de réduire l’affaire à une logique mercantile, je vous passe le gain en efficacité;)

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Vive les assistant(e)s!

C’est en expérimentant le lâcher prise et la délégation de tâches domestiques que j’ai fini par cesser de m’imaginer que quelqu’un qui fourre son nez dans mes papiers, c’est une INTRUSION.  J’ai pu prendre une assistante freelance qui s’occupe de ma paperasse professionnelle et personnelle, et c’est un bonheur que j’aurais eu peine à anticiper.

Le métier d’assistant(e) a considérablement reculé maintenant que beaucoup de managers font eux-mêmes de nombreuses tâches qu’ils/elles prenaient en charge dans le temps. C’est une aberration: ils y perdent un temps précieux qui pourraient être consacré à des tâches exploitant leurs compétences d’une part, ça réduirait leur effarante charge de travail d’autre part et ça donnerait du boulot à des gens qui aiment ce que d’autres n’aiment pas! Vous verriez mon assistante! Elle a l’archivage et le classement dans le sang, elle maîtrise avec une délectation non dissimulée l’art de l’administratif, elle me laisse des dossiers traités, organisés, rangés, c’est aussi beau que fascinant à regarder et ça me laisse du temps pour aller crapahuter dans la forêt où je trouve inspiration et créativité.

Je milite donc pour la réhabilitation et le retour des assistant(e)s en entreprise!

 

Faire une demande plutôt qu’une critique

L’on est évidemment tenté, dans toutes ces situations où notre maîtrise et nos compétences sont si largement supérieures à cet autre qui se croit bon, d’avoir recours à la navrante “critique constructive”, pourquoi pas emballée dans un “sandwich”, histoire de donner à fond dans les techniques du management imbécile, de lui enrober nos reproches dans des beaux discours sur le fait que c’est pour son bien et tutti frutti (toujours comme disait Béru). La critique constructive ne l’est que pour celui qui la formule, celui qui la reçoit la prend en pleine figure sans autre forme de préambule. Bref, la critique constructive, ça n’existe pas!

Soyons francs du collier, lorsque nous reprochons quelque chose à quelqu’un, ce n’est pas pour son bien, c’est pour le nôtre, quoiqu’en dise notre merveilleux altruisme. Si je veux que Tartempion soit plus rigoureux sur les chiffres dans ses rapports, ce n’est ni pour son employabilité, ni pour développer ses compétences: c’est parce que ça répond à un besoin qui me concerne moi, comme par exemple pouvoir m’appuyer sur des chiffres fiables lorsqu’ensuite je fais une présentation. Je crois le prendre pour une chenille dans mon brocoli, mais en réalité, j’ai peur pour ma pomme^^ Nous n’avons donc pas de “critique constructive” à faire, mais bien quelque chose à demander. Ayons donc le courage d’être honnêtes et faisons des demandes joliment formulées pour ce qui est important et pour le reste, lavons-nous-en la vaisselle.

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Faire autrement, pour changer d’angle de vue

Figurez-vous que mon voisin de matelas m’a raconté l’autre jour qu’il avait fini par trouver assez marrant le coup du tiroir dans lequel il peut jeter les couverts sans se préoccuper de les mettre en bon ordre dans les alvéoles. Comme quoi, expérimenter une autre façon de faire peut parfois permettre de lâcher sur ses propres convictions, de les assouplir et même de trouver du plaisir là où on ne s’y attendait pas. Ainsi le lâcher prise peut être aussi simple qu’une décision de s’essayer à autre chose, de tester en toute curiosité, juste pour voir, de mener une expérience dans son micro-laboratoire, des fis que ça débouche sur une certitude de moins et un champ des possibles de plus!

 

Au final, le principe du lave-vaisselle nous montre que savoir ne pas avoir raison, savoir faire du tri dans ce qui mérite d’être demandé, savoir lâcher sur le reste, savoir déléguer sont des compétences relationnelles qui préservent de conflits absurdes, au sens qu’il y a rien à en tirer, rien à y gagner, si ce n’est un dernier mot qui nourrit davantage l’égo que l’estime de soi. Des compétences relationnelles qui, inversement, vont favoriser l’écoute et la confiance mutuelles, au bénéfice du bien-être de toutes les parties: c’est toute la poésie de l’électro-ménager au service du plaisir au travail;)

 

 

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Aller plus loin

Vous voulez construire et entretenir une posture relationnelle sereine et plein d’assurance à la fois, une posture favorable à votre plaisir au travail et à la concrétisation de vos aspirations professionnelles? Ithaque vous accompagne. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual

 

 

7 Comments

  • Loïc dit :

    Bonjour Sylvaine,

    Je me suis beaucoup amusé à lire ton article que je trouve très bien écrit et éclairant sur le respect mutuel et la collaboration.
    Pour ma part, j’associe le lâcher prise au fait de vouloir quelque chose, se rendre compte de ce qu’il faut faire pour l’atteindre, puis ne plus du tout penser au résultat pour se consacrer à réaliser chaque étape comme si ma vie en dépendait (bon pas tout à fait quand même :)).

  • Isabelle dit :

    Ou comment tirer des leçons très riches de tribulations ordinaires ! En lisant cet article j’ai pensé immédiatement à cette citation en tête du premier chapitre du livre Dénouer les conflits par la Communication Non Violente (M.B. Rosenberg) “Préfères tu avoir raison ou être heureux ? Tu ne peux pas avoir les deux !”. Elle m’avait marquée car la simplicité de la formulation est inversement proportionnelle à la vigilance nécessaire pour résister à la tentation de prouver que nous avons raison. Avoir raison ou être heureux, il faut choisir !

    • Avoir raison ou être heureux, comme c’est bien dit! Je ne connais pas ce bouquin, je me suis arrêtée aux mots qui sont des fenêtres ou des murs, merci pour la référence: une mine d’or, cette CNV!

  • Echeverria Sylvie dit :

    C’est mon gendre (avec qui je m’entends super bien et que j’aime sincèrement) qui m’a envoyé votre article.
    J’ai beaucoup souri en le recevant et en le lisant car bien sûr, je m’y suis pas mal reconnue !
    “Lâcher prise”, c’est pour moi une très belle formule, qui en soi dit déjà tout mais que je trouve très difficile à appliquer, là est mon problème !
    Mais c’est promis, au moins pendant les vacances, je vais “lâcher prise” sur le lave-vaisselle.
    Et maintenant, je vais également lire les autres articles car il semblerait que les sujets me touchent aussi de près !
    Bonne continuation Sylvaine et continuez à nous “culpabiliser” avec humour !
    Sylvie Echeverria

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