Compétences relationnelles: placards, secrets et conversations difficiles

L'art des conversations difficiles, lorsqu'il s'agit de révéler un de nos secrets

 

Parler de soi n’est pas toujours simple: nous tenons parfois certains aspects de nos vies secrets, parce qu’ils nous font souffrir ou parce qu’ils suscitent des préjugés, parce que l’acceptation mutuelle n’est pas toujours la caractéristique première des êtres humains. Cette superbe conférence TED nous montre comment sortir nos secrets de nos placards, pour renforcer nos relations, plutôt que de nous transformer en redresseurs de torts.

L'art des conversations difficiles, lorsqu'il s'agit de révéler un de nos secrets

 

Parler de soi : placards, secrets et conversations difficiles

 

Si l’expression “sortir du placard” est associée à l’homosexualité, Ash Beckham, dans cette conférence du TED, la définit plutôt comme une conversation difficile: celle que nous avons eu, celle que nous devons avoir avec une personne de notre entourage, et dans laquelle nous allons lui révéler quelque chose qui ne nous est pas facile à partager.

Nous cachons tous des secrets dans des placards soigneusement fermés: avouer ses sentiments à une personne, parler d’une maladie, d’une difficulté, quelle qu’elle soit, l’objet de la révélation peut varier du tout au tout – depuis une caractéristique, un comportement, jusqu’à une situation professionnelle délicate. Au delà de cette diversité, selon la conférencière, l’expérience de celui qui sort du placard est universelle: elle est inquiétante, elle peut être douloureuse. Car elle peut se trouver confrontée à des préjugés blessants, agaçants ou fatigants. Elle peut nous pousser à y rester, dans le noir du placard sinistre et faussement sécurisant, parce que nous croyons moins y souffrir.

“Donc comme beaucoup d’entre nous, j’ai vécu dans quelques placards dans ma vie, le plus souvent, mes murs étaient des arcs-en-ciel. Mais à l’intérieur, dans le noir, on ne peut pas voir la couleur des murs. Vous savez juste ce que c’est que de vivre dans un placard. Donc vraiment, mon placard n’est pas différent du vôtre ou du vôtre, ou du vôtre. Oui, je vous donnerai 100 raisons pourquoi le mien était plus dur que le vôtre, mais voilà : Dur n’est pas relatif. Dur c’est dur.

Qui peut dire qu’expliquer à quelqu’un que vous déclarez faillite est plus dur qu’avouer que vous avez été infidèle ? Qui peut dire que son coming out est plus dur que dire à votre enfant que vous divorcez ? Il n’y a pas plus dur, il y a juste dur. On doit arrêter de classer nos difficultés avec celles des autres et se sentir mieux ou pas au sujet de nos secrets et juste s’accorder sur le fait qu’on a tous des moments durs. On vit tous, à un moment, dans un placard, On s’y sent en sûreté, du moins plus que de l’autre côté de la porte. Mais je suis ici pour vous dire, peu importe de quoi vos murs sont faits, un placard n’est pas un endroit où l’on peut vivre.”

 

Secrets, préjugés et champs de batailles

Tant que nous restons dans ce placard, nous pouvons souffrir des jugements, des maladresses de personnes qui ne sont pas forcément malveillantes, mais qui n’ont pas conscience de l’impact de ce qu’elles disent. Toute caractérisitque pouvant susciter des préjugés, ce que Ash Beckham décrit comme ses propres expériences difficiles du fond de son placard lesbien, je l’ai personnellement vécu dans mon placard handicapé. Et vous l’avez potentiellement tous vécu du fond de votre placard à vous, celui de votre difficulté personnelle ou bien celui de la caractéristique de votre vie qui est régulièrement confrontée aux préjugés, aux sarcasmes, au rejet, à l’incompréhension.

La conséquence, comme le décrit Ash Beckham, c’est que nous nous transformons malgré nous en militants version lanceurs de grenades (par opposition à éducateurs), prêts à en découdre avec ces réflexions qui viennent nous toucher juste là où ça fait mal. A jouer les donneurs de leçons, les redresseurs de torts, les croisés de nos blessures. Et ça ne fait pas avancer le schmilblik: les camps culpabilisent et s’antagonisent, nous vivons nos relations comme un champ de bataille.

“Je travaillais au Café Walnut, un petit restaurant en ville, pendant cette période, je traversais des phases de lesbienne militante en puissance (…) et selon l’ampleur de mes shorts cargo et la façon dont je me m’était rasée la tête récemment, la question me revenait souvent, en général par un jeune enfant :« Êtes-vous un garçon ou une fille ? »

Il y avait un silence gênant à la table. Je serrais ma mâchoire un peu plus fort, tenais ma cafetière avec un peu plus d’intensité. Le père remuait maladroitement son journal et la mère lançait un regard froid à son enfant. Mais je ne disais rien, et je bouillais à l’intérieur. A un point où dès que j’arrivais à une table avec un enfant âgé entre 3 et 10 ans, j’étais prête à me battre. (Rires) Et c’était un sentiment horrible.Alors je me suis promis que, la prochaine fois, je dirais quelque chose. J’aurais cette conversation difficile.

Dans les semaines suivantes, c’est arrivé de nouveau. « Êtes-vous un garçon ou une fille ? »

Même silence, mais cette fois j’étais prête, je vais leur faire la leçon « Études des Femmes pour Débutant » à cette table. J’ai mes citations de Betty Friedan. J’ai mes citations de Gloria Steinem. J’ai même un peu de « Monologues du Vagin » que je vais leur citer. Alors je prends une grande respiration et regarde vers le bas et une petite fille de 4 ans dans une robe rose me fixe, pas un défi pour un débat féministe, juste une enfant avec une question : « Êtes-vous un garçon ou une fille ? »

3 principes pour partager quelque chose que nous trouvons difficile à dire

 

Traité de paix : la plus facile des conversations difficles

Cette rencontre a été l’occasion pour Ash Beckham de sortir d’une guerre sans fin contre l’incompréhension: la solution consiste donc à sortir du placard cette part de nous-mêmes qui peut être facilement heurtée par les autres, sans chercher à les heurter à notre tour.

“Je prends une autre respiration, m’accroupis à côté d’elle, et dis : « Hey, je sais c’est un peu déroutant.J’ai les cheveux à la garçonne, j’ai des habits de garçon, mais je suis une fille. Tu sais des fois tu mets une robe rose, des fois tu mets ton pyjama confortable ? Eh bien, je suis une fille du genre pyjama. »

Et l’enfant me regarde dans les yeux, et dit du tac au tac : « Mon pyjama préféré est violet avec des poissons. Je peux avoir un pancake, svp ? » (Rires) Et c’était tout. « Oh ok. Tu es une fille. Et donc ce pancake ? »

C’est la conversation difficile la plus facile que j’ai jamais eue. Pourquoi ? Parce que Pancake Girl et moi, étions toutes deux honnêtes avec l’autre.”

 

Parler de nous-mêmes : les 3 principes de la petite fille aux pancakes

Ash Beckham en a tiré une leçon de vie qui peut nous être utile à tous, autant dans nos vies personnelles que professionnelles. Cette leçon tourne autour de la force de l’honnêteté. Cette forme d’authenticité qui, dénuée de jeux de pouvoir telles que l’envie de donner une leçon, permet de créer ou de renforcer des liens, de générer une empathie sereine plutôt que de susciter la pitié, l’agacement ou le rejet. C’est un moyen de partager simplement tout ce que nous trouvons difficile à dire.

Aussi chaque fois que nous nous retrouvons face à une conversation difficile, imaginons que notre interlocuteur est une petite fille de 4 ans en robe rose, rappelons-nous des 3 principes de la petite fille aux pancakes :

  1. Parlez avec authenticité: “Être authentique. Retirer son armure. Être soi-même. La fille au café n’avait pas d’armure, mais j’étais prête pour la bataille. Si vous voulez que quelqu’un soit honnête avec vous, ils ont besoin de savoir que vous saignez aussi.”
  2. Faites simple et direct : “Soyez direct. Dites-le. Retirez le pansement d’un coup. Si savez que vous êtes gay, dites-le. Dire peut-être à vos parents, fera garder espoir que ça change. Ne leur donnez pas de faux espoirs.”
  3. Ne vous excusez pas : “Ne vous excusez pas. Vous dites votre vérité. Ne vous excusez jamais pour ça. Certains sont peut-être blessés au passage, alors oui, excusez de ce que vous avez fait, mais ne vous excusez jamais pour qui vous êtes. Et oui, certains seront déçus, mais ça les concerne, pas vous. Ce sont leurs attentes sur vous, pas les vôtres. C’est leur histoire, pas la vôtre. La seule histoire qui compte est celle que vous voulez écrire.

Et de finir avec une conclusion dont l’humanité emprunte davantage à l’acceptation de soi et de l’autre qu’à la tolérance, distonction qu’Ash Beckham avait faite lors d’une intervention remarquable

“Alors la prochaine fois que vous êtes dans un placard agrippé à votre grenade, sachez que nous sommes tous passés par là. Et vous vous sentirez surement seul, mais vous ne l’êtes pas. Et on sait que c’est dur, mais on a besoin de vous ici,peu importe de quoi vos murs sont faits, parce que je vous assure que d’autres regardent à travers leur serrure cherchant l’âme vaillante qui ose ouvrir sa porte, alors soyez cette personne et montrez au monde que nous sommes plus forts que nos placards et qu’un placard n’est pas un endroit où l’on peut vraiment vivre.”

Au final, tout le monde y gagne en qualité relationnelle, en estime de soi, en confiance mutuelle, en bienveillance, en affirmation de soi, bref, en énergie. Joli programme.

 

Traduction: Diane Wolf

 

 

 

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