Les aventuriers de la compétence perdue

4 compétences presque oubliées à réhabiliter

Le Graal des compétences contemporaines n’est peut-être pas celui qu’on croit. En vertu sans doute du principe que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, voici 4 compétences qui semblaient avoir atteint leur date de péremption qui sont au bord de la rédemption. Régalons-nous toute honte bue de ce calice, bain de jouvence pour naviguer l’esprit tranquille dans un monde professionnel agité.

4 compétences presque oubliées à réhabiliter

 

Je ne suis pas la génération que vous croyez

Il y a quelques temps, je vous proposais quelques conseils pour naviguer sereinement dans un monde professionnel et technologique en évolution tellement rapide que mes yeux éberlués trouvent parfois difficile de s’y retrouver. Je vous disais aussi mon agacement face aux catégorisations générationnelles simplistes qui engluent jeunes et moins jeunes dans des schémas étriqués, les premiers ayant tout compris et les seconds étant des ringards immobilistes. C’est drôle de croire qu’il est de bon ton d’une part et dans l’air du temps d’autre part de prêter tous les défauts à d’autres générations que la sienne, quelle que soit la génération à laquelle on appartienne.

technologie, générations, hyperconnectivité, hyperinformation

Oublions donc ces questions de génération et revenons à nos moutons qui frétillent comme des gardons depuis que la technologie a changé leur vie : en réalité, je suis éberluée dans le sens époustouflée, ébahie, émerveillée – quoi que je l’avoue, certains progrès technologiques peinent à me convaincre de leur bien-fondé. C’est simplement que ce monde-là commence à demander de nous, toutes générations confondues,  des aptitudes dont nous ne nous souvenons plus ou que nous n’avons pas apprises et que sans elles, nous tous filons tout droit vers le burnout ou l’obsolescence. Et puis vous et moi ne sommes pas si différents, la technologie est comme un religion pour nous;)

Réhabilitons donc ces compétences presque oubliées pour un ménagement de soi qui nous gardera aptes, frais et vifs plutôt qu’exsangues et épuisés. Heureux les aventuriers de la compétence perdue, qui reprendront les rênes de ces temps agités! Suivons donc les conseils éclairés d’Emerson Corba, directeur de Gen Y Inc. qui, même s’ils s’adressent aux millenials, nous concernent tous.

Et  c’est  d’ailleurs particulièrement intéressant que ce soit un représentant de la génération Y qui propose des réponses censées aux questions de notre temps : la conscience que ce monde bouge parfois trop vite pour les êtres humains que nous sommes n’est donc pas une vision réac de seniors ringards et dépassés. Et puis disons-le, si le conseil était venu d’une tête chenue, d’un grison, il aurait été étiqueté discours de vieux con des neiges d’antan. Face à lui, des légions de millenials auraient levé les yeux au ciel avec le sentiment qu’on leur faisait compter à l’envers en grec ancien.

Il s’agit donc non pas de rentrer en croisade, fusse-t-elle la dernière – contre l’hyperconnexion et l’immédiateté: elles sont là, elles se sont immiscées dans notre quotidien et ce n’est pas en luttant contre que nous allons nous en libérer: c’est plutôt en (ré)apprenant à faire avec et à les articuler avec des compétences pas si désuètes, du coup, pour en tirer le meilleur. Hardis petits, il ne s’agit pas de se jeter dans un nid de vipères. Allez, passez les premiers!

Reprendre le contrôle de ses temps de connexion déconnexion

 

 

1- Des plages de réflexion : l’autonomie relationnelle et intellectuelle

L’injonction très contemporaine du tout collaboratif nous pousse à une hyperconnectivité sociale et relationnelle autant que technologique, dans laquelle les « équipes » sont des agrégats de collègues obligatoirement « copains » qui font des afterworks etc. Dans le même temps, ils doivent être hyperautonomes  – Que lastima, comme disait mon père, que le défaut de compréhension de l’autonomie dans la théorie de l’auto-détermination mise en avant par les politiques RH qui modélisent à tour de bras au lieu d’individuer. L’interdépendance décline au profit d’une dépendance obligatoire et la capacité à s’autonomiser du groupe – à réfléchir par soi-même, à exprimer ses besoins et ses opinions y compris quand ils sont en décalage avec ceux du groupe – s’amenuise.

D’autre part, l’hyperinformation nous envoie des injonctions et du prêt-à-penser par paquets et le monde d’aujourd’hui a tendance à ne reconnaître que l’action et ceux qui sont dans l’action. Les deux nuisent autant à notre capacité à réfléchir par nous-mêmes qu’à la prise de décision, à l’approfondissement des connaissances, à la concentration, à la pensée, au travail intellectuel poussé.

Rappelons-nous aussi qu’il y a autant de bonheur dans la réflexion, l’analyse, l’émergence de le développement d’idées seul, avec soi-même que dans la connexion hyper-rapide, la créativité et l’innovation collaboratives et qu’il vaut mieux écouter ses propres besoins d’oursitude que les injonctions du tout-collaboratif.

Emerson Csorba suggère de développer l’autonomie relationnelle et intellectuelle, la profondeur de champ en prenant de temps à autres le temps de se distancier de ses collègues ou du prémâché des réseaux sociaux pour penser par soi-même.

Précisons: les besoins de chacun en termes de temps de réflexion sont aussi variables que les cours du pétrole en pleine guerre de l’OPEP, aussi chacun prendra soin de mesurer les siens, de choisir et d’expérimenter des phases de déconnexion, d’introspection, de réflexion et pourquoi pas aussi de bain de nature, histoire de se ressourcer, de regagner en créativité, en innovation. Et puis réhabiliter aussi la glandouille et la rêverie, ces ralentissement salutaires, ressourçants et créatifs! Voir aussi

oursitude heureuse 2

 

2 – le temps décisionnel

L’hyperinformation et l’immédiateté créent une pression supplémentaire: trouver des réponses ultra rapidement, y compris à des questions existentielles, identitaires et/ou à enjeu comme un choix de carrière, une voie de reconversion, une bifurcation professionnelle.

Emerson Corba suggère de réapprendre à prendre le temps nécessaire pour prendre décisions importantes, car les exigences très actuelles d’immédiateté nous poussent à des décisions parfois hâtives et peu réfléchies directement liées à cette pression de l’instant, à ces injonctions très nord-américaines de “foncer”, parce que que ceux qui “n’osent pas” sont des losers et que de toute façon, “everything is going to be ok”.

Tout cela nous vaut l’effet inverse de celui recherché: au lieu de nous encourager, ces discours “motivationnels” démultiplient la peur de se tromper, de ne pas prendre la bonne décision et c’est exactement ce qui se produit, puisque nous les prenons trop vite;)

Bref: le puits de nos âmes, où sont engloutis les méandres merveilleusement complexes de nos personnalités, souvent au profit de décisions normées et normatives, reconnues comme valables, acceptables, recevables. En d’autres termes: plus on nous pousse à sortir des chemins battus vite fait bien fait, plus nous avons de chances d’arriver à des conclusions formatées, même si celles-ci sont garanties Nouvelles Normes. Ainsi, le nouveau conformisme de la reconversion est de se jeter dans n’importe quel projet et d’expérimenter à la va-vite, sans se préoccuper des conséquences. Ouais, c’est vrai, quoi, les gars, c’est pas la mer à boire!

pour que la prise de décision cesse d'être une prise de tête

 

3 – La profondeur de champ

Pour qui sait s’en servir, Internet et les réseaux sociaux sont une corne d’abondance de l’information, le paradis de la connaissance, le temple de l’accès au savoir. Mais il peut vite devenir temple maudit, car l’hyperconnexion et l’immédiateté nous poussent à une navigation en surface de l’information qui, de sur-simplification en sensationnalisme putaclic finit non seulement déformée et tronquée, mais potentiellement erronée et trompeuse (dans le billet précédent, nous avions vu l’exemple navrant de la schyzophrénie générationnelle. Il y a quelques temps, je vous avais parlé de l’étude sur la “lecture anti stress” et je pourrais vous citer mille autres exemples, depuis les vrais/faux chiffres du slashing jusqu’aux prétendus “métiers qui rendent heureux”;)).

D’autre part, le survol est particulièrement peu nourrissant et peu stimulant pour les multipotentiels et tous ceux dont le cerveau s’intéresse à la compréhension du monde qui les entoure et des enjeux professionnels dans lesquels ils sont impliqués. Surfer d’information en information sans jamais creuser un sujet, surfer de tâche faite à la va-vite en interaction superficielle génère une frustration et une insatisfaction qui, dès qu’elles s’ancrent, deviennent délétères. Elles génèrent alors une fatigue morale et intellectuelle directement liée au vide de l’absence de sens, du simplisme. Inversement, il peut y avoir beaucoup de joie et de plaisir dans l’exploration et la compréhension de la complexité.

Emerson Corba conseille prendre le temps nécessaire pour s’immerger dans les sujets qui l’exigent pour pouvoir réellement les maîtriser et éviter la lassitude et l’ennui du survol. Et je rajoute que même les aventuriers peuvent être des spécialistes sacrément cultivés… Sur le plan professionnel, c’est le socle sur lequel nous pouvons hybrider nos métiers et les rendre plus fun et plus réjouissants (à l’instar d’un archéologue qui conjugue enseignement, recherche et terrain;) et construire une employabilité (ou une offre) unique et précieuse.

L'hybridation des métiers: chronique d'une reconversion annoncée

 

4 – L’articulation de vie privée / vie partagée

Emerson Corba estime que les millenials ont parfois tendance à partager sans réfléchir à ce qu’il partagent sur les réseaux sociaux. Moi qui suis de la génération précédente, mais qui fait partie des early adopters, je peux vous garantir que c’est vrai pour tous les adeptes des réseaux sociaux, indépendamment de la génération!

Le droit à la vie privée n’est plus une valeur comme elle a pu l’être par le passé et plus grand monde n’est réellement gêné ou freiné dans son utilisation des nouvelles technologies par l’invasion généralisée de nos outils, des marques, la surveillance ou la collection d’information à notre insu.

En même temps, l’immédiateté et l’obligation d’une vie bien remplie à étaler sur les réseaux sociaux pousse à s’exposer parfois trop vite et sans réfléchir. Emerson Csorba considère que les millenials (encore une fois, ils ne sont pas les seuls) dévoilent leurs idées et leurs expériences de vie sans attendre d’avoir pu en tirer du sens et sans se demander ce qu’ils accomplissent ou sans chercher à mesurer les bénéfices et coûts en publiant ce qu’ils publient. La sur-exposion de l’intimité peut parfois laisser rêveur: amis des réseaux, vous pouvez avoir de très bons souvenirs de votre chien sans pour autant les partager à tout va! Reprendre la main consiste donc à se demander pourquoi (et pour quoi) nous postons ce que nous postons.

 

En bonus: Naviguer dans l’hyperflexibilité

La technologie a permis le nomadisme, opportunité fantastique de travailler de divers lieux dont personnellement je me régale tous les jours.

Mais avec le nomadisme est venu le blurring, les lignes entre vie professionnelles et vies privées s’estompent souvent au détriment de la vie privée d’ailleurs. Pour que flexibilité ne rime pas avec corvéable à merci, à chacun de déterminer les articulations des temps de vie qui lui permettront de se sentir heureux et efficace en même temps.

L’entreprise ne le fait plus pour nous, qui exige des disponibilités surprenantes et en même temps s’indigne du surf sur internet pendant les heures de boulot : si le travail est poreux, il l’est dans les deux sens ! Du coup, il revient au travailleur de veiller à ses temps de vie et à maintenir un équilibre entre les deux. Car l’on sait bien que, contrairement aux idées reçues, les salariés nomades ont tendance à travailler plus.

On peut s’insurger qu’il lui revienne de veiller au grain, au jardin comme au grenier et oui, son ubiquité le fatigue, mais l’évolution du management étant lente dans le sens de la préservation de la santé ou de la promotion du bien-être et du plaisir au travail, autant que le travailleur s’en préoccupe sans attendre Dame fortune qui, lui étant offerte ne saurait jamais calmer ses douleurs.

etre flexible, oui, mais corvéable a merci, non

 

 

Voir aussi

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Aller plus loin

Vous voulez élaborer un projet d’évolution professionnelle en harmonie avec vos désirs, vos appétences, vos aspirations? Vous voulez travailler moins, travailler mieux? Prendre plus de plaisir au travail? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.

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