Butinage relationnel: maudit Smartphone!

Sylvaine Pascual – Publié dans L’actualité d’Ithaque

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Aujourd’hui, j’ai décidé de vous pondre une série de billets bien réac, pour dénoncer un effet pervers des nouvelles technologies: le butinage relationnel, où cette façon d’être présent dans être là, de surfer d’une relation à l’autre, au détriment de l’estime de soi de toutes les parties. Et comment y remédier! Commençons aujourd’hui par ce maudit Smartphone!

 

Les nouvelles technologies poussent parfois à un butinage relationnel qui nuit à l'estime de soi de toutes les parties.Butinage

 

J’adore les nouvelles technologies et le potentiel qu’elles représentent, autant sur le plan opérationnel, professionnel que sur le plan relationnel, social et affectif. C’est dit et à présent, vous vous attendez, à juste titre, que je m’agace? On y arrive…

 

Comme beaucoup de choses, les nouvelles technologies ont aussi des effets pervers, dès lors que nous en faisons une utilisation excessive, que nous nous soumettons à l’outil au lieu de le mettre à notre service. Le butinage relationnel est l’un de ces effets pervers. Il consiste essentiellement à accorder moins d’importance à la relation réelle qu’à celle qu’on entretient avec l’outil, et de finir par  passer d’un instant relationnel avec une personne à un instant relationnel avec une autre, sans du coup être vraiment présent ni à l’un ni à l’autre.

Nous finissons, sans nous en rendre compte,par accorder à nos interlocuteurs une importance qui se situe non seulement en deçà de ce qu’ils méritent, mais aussi de ce dont nous avons tous besoin. Ce sont alors les sentiments d’appartenance et de reconnaissance qui sont mis à mal, avec un impact négatif direct sur l’estime de soi, le sentiment de sa propre valeur.

 

Si tout cela paraît satisfaisant au moment où nous le vivons car ça nourrit l’égo et le sentiment d’auto-importance, il est directement nuisible à la relation d’une part, et à l’estime de soi des deux parties d’autre part, de plusieurs manières. Nous en arrivons à avoir des bribes, des pointillés de relations dans lesquelles, sans le savoir, nous ne trouvons pas vraiment notre content affectif et social.

 

 

Exemple téléphonique

 

Procédons à une étude de cas: quid de la valeur des relations dans cet exemple, qui relève du butinage relationnel propre à notre époque où les téléphones portables l’autorise:

  • A et B se connaissent professionnellement.
  • A accepte une invitation de B à un événement officiel.
  • A rejoint B et d’autres personnes pour boire un pot avant l’événement.
  • Au moment de se rendre à l’événement, A informe B qu’il a reçu une invitation juste avant de rejoindre B: il a aussi accepté un dîner avec C et doit donc partir.
  • A  apprend à ce moment-là que des personnes  D et E, qui représentent un intérêt professionnel à ses yeux seront présentes à l’événement.
  • Décide alors de rester pour rencontrer ses personnes et annule son dîner avec C.

Au delà de la goujaterie de bas étage de notre personne A, digne d’un bocal à con et dans laquelle l’intérêt personnel prime sur la relation,  cet exemple est intéressant car il reprend plusieurs comportements devenus courants qui ont été rendus possibles par les smartphones: il suffit d’un tweet ou d’un sms pour modifier son agenda en temps réel, bousculant totalement le notion d’engagement et de priorités.

 

 

La valeur de l’engagement

 

Auparavant, annuler un rendez-vous impliquait un délai raisonnable, pour que l’interlocuteur puisse avoir accès à l’information. Ce qui signifiait par extension qu’il disposait aussi de temps pour se retourner et prendre d’autres rendez-vous. Aujourd’hui, parce qu’un rendez-vous peut s’annuler à la dernière minute avec un simple sms, c’est toute la valeur de l’engagement qui en a pris un crochet du gauche à la mâchoire, au détriment de l’estime de soi des uns et des autres.

 

La notion de priorité est intimement liée à celle d’importance. Ainsi, lorsque nous annulons à la dernière seconde, le message que nous transmettons à notre interlocuteur, c’est celui de sa valeur moindre, comparée à dernière sollicitation en date.

D’autre part, sur le plan professionnel autant que sur le plan personnel, annuler plus souvent qu’à son tour à la dernière minute a vite fait de nous estampiller peu fiable.

Ego 1 estime de soi 0, relation 0

 

 

Interruptions intempestives


De même, il y a quelques années encore, il était considéré comme plutôt impoli de répondre à un appel en pleine conversation. Aujourd’hui c’est devenu monnaie courante, y compris en plein milieu d’une conversation intime, potentiellement chargée en émotion, ou d’une conversation professionnelle. Là aussi, la valeur accordée au moment partagé avec son interlocuteur en prend un coup dans les genoux, puisqu’elle est subordonnée à l’auto-importance ressentie, dans ce besoin « d’être joignable en permanence ».

 

Nos discours seraient tellement peu une priorité qu’ils peuvent être interrompus par n’importe quelle autre sollicitation, y compris anodine? Car c’est bien le message envoyé à notre interlocuteur lorsque nous l’interrompons pour répondre à une autre sollicitation,  ou à l’inverse reçu par nous lorsque notre interlocuteur nous interrompt: notre conversation à moins de valeur que l’interruption.
Ego 1, estime de soi 0, relation 0

 

 

Smartphone et servitude volontaire

 

Autre phénomène intéressant : lorsque nous retrouvons des amis pour aller boire un verre par exemple, nombreux sont ceux qui sortent leur smartphone et le posent sur la table. Des fois qu’une voix d’outre Internet les interpellent, l’immédiateté de l’outil exige une réponse presto presto. Du moins le croyons-nous. Car nous rendons notre présence peu précieuse, puisqu’elle est constante, et nous habituons nos interlocuteurs à nos réactions ultra rapides version je-réponds-au-doigt-et-à-l’œil, servitude volontaire des temps modernes.

 

Ainsi, on se retrouve parfois assis quelque part avec un proche, la conversation suspendue le temps de textoter, de twitter. Lorsque cela se produit par accord mutuel, tout va bien. En revanche, le réflexe est devenu tel qu’il arrive aujourd’hui de se retrouver à attendre sans mot dire que son interlocuteur ait fini d’expliquer à Tartempion, assis dans un bistrot à l’autre bout de la ville, qu’il en est à son troisième Mojito. Il y a là une aberration relationnelle qui a une conséquence directe sur chacune des deux parties. Pendant que le premier nourrit son égo, le second reçoit le message que sa présence a moins de valeur qu’un échange d’info particulièrement vide. Les deux y perdent en estime d’eux-mêmes.
Autisme 1, estime de soi 0, relation 0

 

D’autre part, D’autre part, être constamment joignable habituent vos clients ou patrons, mais aussi Mémé Huguette à s’imaginer pouvoir vous parler selon leur bon vouloir, et petit à petit en concevoir une attente vis à vis de vous. On a alors vite fait de passer du désir d’être joignable à l’obligation, sous peine de générer incompréhension, agacement ou inquiétude face à votre silence aussi soudain qu’inattendu.

Stress 1, estime de soi 0, relation 0

 

 

 

Mini coaching: Smartphone et relations saines

 

Afin d’éviter les conflits et frustrations relationnelles qui peuvent découler de nos usages Smartphoniques, on pourrait être tenté de fixer des règles universelles de savoir-vivre  du grelot, les bonnes manières du tube, la bienséance du biniou, pour utiliser des termes que les moins de 20 ans… Mais il ne s’agit pas de ça, car nous n’étions pas mieux outillés quand le portable n’existait pas.

Rappelons d’ailleurs qu’outre le fait que les jeunes générations ont adopté un usage qui leur est aussi naturel que prendre la nationale 7 pour partir en vacances l’était à leurs grands-parents, l’écart d’habitude n’est pas nécessairement générationnel, les quadra connectés sont potentiellement autant victimes de l’outil que leur progéniture.

Contentons-nous de 4 pistes pour cesser de subir nos Smartphones, de redonner à nos relations l’importance qu’elles méritent:

 

1- Poser ses propres limites

A chacun de déterminer ce qu’il trouve acceptable/inacceptable, et de l’exprimer si nécessaire, par exemple au moyen d’une demande assertive ou d’une critique élégante.

 

2- Prendre en compte les limites de l’autre

A chacun de prendre la responsabilité d’identifier les limites de l’autre et de les prendre en compte, afin de ne pas le heurter, par exemple en faisant preuve d’empathie ou d’écoute active.

 

3- Ignorer son portable

Savoir ignorer son portable lorsque la conversation est importante est une véritable compétence relationnelle. Les critères d’importance sont évidemment à déterminer en fonction de soi, de l’autre, de la nature de la conversation. L’importance peut aussi varier grandement à l’intérieur même de la conversation. Il s’agit donc de faire preuve d’un peu de bon sens et de faire passer l’autre avant sont téléphone quand ce qu’il nous dit est important à ses yeux à lui.

 

4- Eteindre son portable

Redécouvrir le plaisir d’être aux abonnés absents, ne serait-ce que pour une heure ou deux, de façon à pouvoir accorder toute son attention à son interlocuteur d’une part, et déshabituer les autres à nous considérer comme joignables à tout heure (et donc corvéables à merci). Déconnecter pour retrouver un peu de temps avec soi-même, c’est bien aussi;)

 

 

Le second volet de notre butinage relationnel concernera les réseaux sociaux. Stay tuned comme on dit outre-Atlantique;)

 

 

Aller plus loin

 

Vous voulez construire une vie professionnelle équilibrée, en fonction de vos valeurs et de vos aspirations? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual au 01 39 54 77 32

 

 

 

 

 

 

 

 

9 Comments

  • Jmarc dit :

    Etonnamment en tant que bavard et curieux multitâche je me sens un peu ciblé, mais cela ne fait que me souvenir des “on ne lit pas à table” “on ne regarde pas la télé à table” “dis tu m’écoutes ou tu lis le journal (au café)” “oh t’es là ? tu regardes quoi là bas” etc… Finalement cela n’a-t-il pas toujours été le cas et le smartphone un révélateur que l’on a envie ou besoin de faire plusieurs choses en même temps et de partager (et parfois à l’inverse vraiment couper), mais aussi je trouve ça moins “tranchant” que de répondre ou utiliser le téléphone. Savais-tu qu’il y a le même soucis pendant des réunions, des formations, des séminaires etc depuis des années 🙂 et oui… parfois je continue à regarder par la fenêtre, comme à l’école 🙂

    • Sylvaine Pascual dit :

      Le Smartphone ne fait effectivement qu’amplifier certains comportements déjà existants et qui ne sont pas nécessairement toujours un problème. C’est bien pour ça qu’il n’y a pas d’injonction du type “il faut/il ne faut pas” dans mon post, mais juste l’idée d’être en mesure de distinguer une conversation qui ne souffrira pas d’une attention partagée d’une qui nécessite une attention totale.
      Ceci dit, lorsque les réactions qu’on obtient sont du type « dis tu m’écoutes ou tu lis le journal (au café) », cela signifie qu’il y a bien pour l’interlocuteur, le sentiment dévalorisant de ne pas se voir accorder une attention suffisante. Pour maintenir une relation équilibrée, il est alors important que les deux parties se prennent alors mutuellement en compte;)
      Quand au naturel rêveur qui regarde par la fenêtre, c’est à mes yeux tout autre chose, et la rêverie ayant de multiples bénéfices, il est intéressant de la cultiver;)

  • françois dit :

    Le flux tendu appliqué aux relations humaines.

  • GUILLIN, Mireille dit :

    Bonjour tout le monde,

    Ayant lu pas mal de bouquins et d’articles sur Internet au sujet de la lenteur, j’ai un beau jour décidé de mettre en application ce que j’avais lu.
    Autrement dit, RALENTIR, PRENDRE PLUS DE TEMPS POUR FAIRE LES CHOSES,EN FAIRE MOINS, MANGER LENTEMENT, MARCHER LENTEMENT
    ETC…ETC… Dur, dur mais j’y arrive de mieux en mieux.
    Le petit hic, je passe pour une extraterrestre, une originale.

    Croyez moi si vous voulez, mais mon nom d’épouse est MATHIEU, donc je signe Mireille MATHIEU.

    • Sylvaine Pascual dit :

      Bonjour Mireille et merci pour ce partage!
      Il est vrai que quand on commence à faire différemment,on passe pour un(e) extra-terrestre. Mais en même temps, les jugements appartiennent à ceux qui les passent et parlent surtout d’eux. Je choisis pour ma part d’être une extra-terrestre bien dans ma vie plutôt que dans la norme et au bord du burnout^^

  • Chantal dit :

    Cet article sonne tellement juste 😉
    J’ai tendance à privilégier la personne que j’ai en face de moi plutôt qu’un téléphone qui sonne, et 9 fois sur 10, elle me dit “tu ne décroches pas ?” et parait surprise que je lui réponde “euh non, il y a un répondeur; là, je parle avec toi, je rappellerai plus tard” .
    J’ai d’ailleurs remarqué que certains de mes amis, au courant de ma “détestable” habitude prennent un air coupable quand ils décrochent en pleine conversation avec moi… sans pouvoir s’empêcher de le faire.
    Ce qui, j’avoue, me laisse perplexe quant à l’addiction qu’ils ont développée.

    Pour changer de sujet, je viens de découvrir votre blog, et félicitations : il est vraiment très bien fait et fourmille d’articles tous plus pertinents les uns que les autres (et je l’écris parce que je le pense vraiment).

    Et puisque c’est la période, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année.

    • Sylvaine Pascual dit :

      Merci Chantal pour ce retour, qui sonne tout à fait juste aussi!
      Il arrive même que certains clients soient surpris que je ne réponde pas au téléphone lorsqu’il sonne au milieu d’une séance, signe sans doute de la victoire de la machine sur l’homme! Blague mise à part, c’est une petite part de notre liberté et de notre capacité à décider par nous-mêmes qui est mises à mal par l’excès de soumission à nos smartphones.

      Merci pour ces compliments adorables qui me touchent beaucoup, et excellente fin d’année à vous aussi^^

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