Les cons, c’est le sujet du moment. Alors il est sans doute grand temps de ressortir le bocal à con, petite technique parfaitement ludique mais au fond assez élégante – en dépit de sa dénomination – pour voir ce que nous pouvons faire avec les abrutis qui sévissent dans notre entourage personnel et professionnel. A vos bocaux, chevaleresses, chevaliers!
Le constante du con
Ces temps-ci encore plus semble-t-il, les cons fleurissent à tous les coins de tous les bois dont on se chauffe ou pas. C’est un pari gagné d’avance, au boulot, sur les réseaux sociaux, au rond-point de la départementale, dans les médias et dans les vrai-faux débats, l’art de la disputatio a cédé le pas à la dispute et au concours de la connerie la plus grosse et qui pisse le plus loin.
Je dis qu’ils semblent fleurir, parce qu’à écouter les conclusions des brouilles, des bisbilles, des chicanes, des désaccords, des contestations, controverses, conflits et désaccords, il y en a une qui met tout le monde d’accord: tous des cons, surtout quand ils ne sont pas du même avis que moi (entendez par là celui qui s’exprime), qui n’ont pas les mêmes valeurs que moi.
Bref, le con est en pleine résurrection et il est disponible dans toute une palette de nuances qui peuvent donner du fil émotionnel à retordre au plus équanime d’entre nous. Car le con a ceci de constant: il est agaçant, il est angoissant, il est épuisant.
La #ConnerieDesAutres
Quand j’avais sorti le bocal à con, il avait été plébiscité par vous, chers lecteurs (il reste l’un des 10 articles les plus lus et les plus partagés de ce site et il m’avait valu une invitation à participer à une conférence Agile et des propositions d’éditeurs. Pour l’anecdote, il m’avait aussi valu une petite poignée de commentaires aigres sur le fait que déjà, utiliser le mot “con”, c’est pas beau, c’est pas élégant et on ne devrait pas encourager les gens à l’utiliser.
Mais peut-être que si, justement. Parce que c’est toujours plus facile de partir de ce que nous ressentons et de ce que nous pensons spontanément pour ensuite pouvoir y réfléchir. C’est d’ailleurs peut-être pour ça que la connerie est le sujet du moment. L’énorme faillite relationnelle de notre société débouche sur un sentiment assez généralisé de la connerie des autres (hashtag #ConnerieDesAutres avec des majuscules, évidemment).
L’objectif nul de Zero sale con
Il y avait bien eu le Zero sale con de Robert Sutton, qui a beaucoup fait parlé de lui mais qui avait un défaut, celui de confondre les sales cons (très répandus) et les harceleurs et autres manipulateurs (déjà moins nombreux) et de n’offrir qu’une seule et unique solution, la porte. Alors qu’on sait bien que la plupart des sales cons, hormis les véritables manipulateurs pervers qui sont rares, sont des cons de circonstance, leurs comportements abrutis sont conditionnés par un environnement qui les pressurisent et dont ils n’arrivent pas à se dépêtrer. Voilà donc encore un moyen de dédouaner les entreprise de réviser une gouvernance et un management générateurs de comportements à la con.
Si ça n’excuse pas les comportements nauséabonds, ça signifie qu’il existe des solutions et qu’il est sans doute plus élégant de les chercher. D’autant que, par ricochet, un objectif zéro sale con, ça oublie une vérité universelle fondamentale qui régit les lois de la condition humaine: des cons, il y en aura toujours.
Alors, d’accord, des cons moyens, des cons acceptables, des cons vaille que vaille qui sont parfois peut-être des sales cons, mais pas tout à fait des cons de haut vol. Bref, on finit pas ne plus savoir de quel con on parle et la solution proposée revient à mettre au final presque tout le monde dans le même panier de cons. Et ça, c’est assez con.
Petit traité de connologie
Sorti plus récemment, plus complexe, bien mieux écrit, plus drôle et plus intéressant, La psychologie de la connerie, paru en octobre, petit traité de connologie à l’usage ce tous: sous la direction de Jean-François Marmion, psychologue et rédacteur en chef de la revue Psy, un collectif de chercheurs, universitaires, philosophes, psychologues, écrivains, sociologues a été invité à se pencher sur cette douloureuse question : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, écrivait Descartes. Et la connerie alors ? ». France Inter en parle ici et voici le podcast de la délicieuse chronique qui en est faite dans La tête au carré
Mais que faire des cons? Avec les cons?
Voilà qui nous amène à la question fondamentale: c’est bien joli tout ça, mais que faire avec les cons? On peut les inviter à dîner et se draper dans le mépris et la supériorité, ça fait du bien à l’égo, mais ça fait aussi de nous de parfait sales cons. L’alternative, qui s’inscrit dans la droite ligne du bocal à con nous est proposée par le philosophe Maxime Rovère qui analyse notre rapport aux cons et à la connerie dans son livre Que faire des cons?. Il livre dans cette vidéo un point de vue inhabituel qui a tout pour me plaire: il va dans le sens d’une solution plus élégante face aux tombereaux d’abrutis et à la connerie générale:
Selon lui, dès lors que nous estimons que le quidam en face de nous (mâle ou femelle, bien entendu, ici, le genre nous intéresse peu) fait partie de ce vaste champ de la connerie, lie de l’espèce humaine et que nous lui attribuons l’étiquette peu flatteuse de “con”, nous en devenons un nous-même, en ce que nous cessons alors de faire des choses indispensables à l’être humain comme comprendre et faire preuve d’empathie.
Le bocal à con, une solution qui a de la gueule
Voilà des propos qui vont dans le sens du bocal à con. Car nous ne pouvons pas toujours éviter les cons, les ignorer ou les traiter par le mépris: notre N+1, mes voisins, il y a une part de nos abrutis personnels que nous allons les croiser tous les jours, il est donc important de faire avec et Maxime Rovère dit qu’à ce titre, il est important de développer des techniques pour les accepter. Pour pouvoir sortir de l’émotion et se concentrer sur la situation plutôt que sur la personne, le bocal à con a son utilité.
Cette technique imaginaire rigolote qui permet de neutraliser les effets émotionnels que le con peut avoir sur nous, le temps de réfléchir à comment nous allons pouvoir résoudre la situation:
Toujours selon Maxime Rovère, Internet et les réseaux sociaux augmentent le champ de la connerie en ce qu’ils favorisent le “naufrage interactionnel”, que plus prosaïquement on peut nommer “effet forum Doctissimo”: vous êtes en colère, vous allez échanger avec d’autres personnes en colère et continuer à vous naufrager avec d’autres naufragés. Comme si une forme de communautarisme des sentiments nous enfermait dans les cercles de ceux qui pensent comme nous et font des autres des gigantesques parcs à cons. C’est comme ça qu’on finit seul au monde dans des océans de cons. Ce qui était exactement le sujet d’un second volet du bocal à con:
Maxime Rovèrte finit par une proposition éminemment élégante: rester intellectuellement humble face à celui qu’on prend pour plus con que soi, parce que c’est justement ce défaut d’humilité qui fait parfois des gens les plus instruits de parfaits sales cons.
Du coup j’enchaîne et je rajoute à ses propos que comme, bien entendu, on est toujours le con de quelqu’un, qu’aucun d’entre nous n’est à l’abri d’un écart de conduite (manquements à l’humilité, mais aussi aux valeurs, aux comportements etc.) aux yeux d’autrui qui nous vaut d’atterrir direct dans leur bocal à con, il est aussi important d’avoir l’élégance d’y mettre un peu du sien pour en sortir:
Voici donc comment le bocal à con s’inscrit naturellement dans une gestion très Sans peur et sans reproche de la connerie dans tous ses états et toutes ses nuances: il est plus noble et plus chevaleresque être outillé d’un bocal que de vouloir aplatir autrui à la masse d’arme. Alors promis, de vous prépare un ebook sur le sujet;)
Voir aussi
Sans peur et sans reproche: lélégance relationnelle au service du plaisir de travailler (ensemble)
L’élégance relationnelle pour redonner aux cadres l’envie de manager
La gentillesse: un peu de noblesse d’âme dans un monde de brutes
Compétence relationnelle: l’affirmation de soi
Aller plus loin
Vous voulez construire et entretenir un relationnel élégant et affirmé, au bénéfice de votre plaisir de travailler et de celui de votre entourage? Ithaque vous propose son approche originale et ludique: Sans peur et sans reproche (parce qu’une posture chevaleresque c’est mieux que les comportements cavaliers;). Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.