Les études sur les femmes au travail et les conseils spécifiques pour réussir sa carrière “au féminin” se multiplient. Jusqu’à plus soif? Est-ce une bonne idée? J’ai répondu aux questions du Figaro sur le sujet.
J’ai été contactée le Figaro pour parler de la déferlante d’études sur les femmes au travail depuis plusieurs mois. L’occasion de confronter mon point de vue avec celui de deux autres spécialistes RH et vie professionnelle, Carole Blancot et Fadhila Brahimi.
Travail : pourquoi tant d’études sur les femmes ?
L’occasion aussi de préciser un peu ma pensée au delà de l’article, car ce vaste sujet mérite d’être débattu!
Aussi j’attends vos retours, vos partages et vos opinions, les commentaires sont là pour ça d’une part, et n’oublions pas que le bourre-pif collaboratif fait avancer le schmilblick d’autre part;)
Trop de cause des femmes tue la cause des femmes? Le débat est ouvert
Autant il est évident que parler d’une cause est le seul moyen de la rendre visible, autant je ne suis pas convaincue des bénéfices de l’excès d’études, de conseils et de formations spécifiques sur et pour les femmes. Insister sur les unes par rapport, voire par opposition, n’est-ce pas stigmatiser encore plus les différences de genre au lieu de s’intéresser à des individus.
Il me semble que la majeure partie des différences entre les hommes et les femmes au travail sont d’ordre culturel et non inhérent au genre. Ce sont de simples tendances qui ne sont pas nécessairement vraies pour toutes les femmes, en fonction de leur personnalité, de leur expérience de vie, de leurs systèmes de convictions, de leurs désirs et appétences etc. Or, la généralisation de ces tendances en vérités universelles me paraît aller à l’encontre de l’intérêt des femmes, à savoir être considérées comme des salariés/patrons/entrepreneurs comme les autres (et du coup à qui on réserve la même place).
L’excès d’études spécifiques et de conseils sur les femmes laissent à penser qu’elles viennent bien d’une autre planète que les hommes, alors que la révélation intergalactique du jour, c’est qu’il est temps de laisser Mars et Vénus tranquilles, nous sommes tous bel et bien issus de la planète bleue. L’existence même de conseils spécifiques suggère qu’il est donc normal de ne pas traiter femmes et hommes de la même manière. Chacun sa place dans le bus et le sexisme sera bien gardé.
Voici deux exemples de résultats d’études dont on a entendu parlé cette année qui me semblent alimenter le sexisme au lieu de le minimiser:
- Les femmes seraient des dirigeantes plus humaines, plus “émotionnellement intelligentes” pour utiliser un terme que je déteste. Ah bon? En même temps, nous connaissons tous des patronnes harpies autoritaires et manipulatrices. Inversement, nous connaissons tous des patrons à l’affirmation sereine et respectueuse d’autrui.
- Les femmes seraient accorderaient davantage d’importance à leur vie personnelle que les hommes. En même temps, les femmes ne sont-elles pas les héritières des convictions de leurs propres mères que la définition d’une bonne mère et d’une bonne épouse?
Dans le même ordre d’idées, les formations de type “leadership au féminin” me questionnent. Ne sont-elles pas exactement l’inverse de ce qu’elles prétendent être? Ne sont-elles pas sexistes par nature? Imaginons des séminaires “leadership au masculin”. Vous imaginez les cris d’orfraies? Le leadership, ou tout autre compétence professionnelle et/ou relationnelle ne devrait-elle pas être développée individuellement et axée uniquement sur les spécificités de la personne, indépendamment de son genre?
Il me paraît beaucoup plus important de donner à chaque femme l’assurance, l’affirmation d’elle-même et la confiance en elle nécessaires pour qu’elle puisse exploiter son potentiel en tant qu’être humain plutôt qu’en tant que femme. De façon à pouvoir faire ses choix professionnels indépendamment des clichés de genre et accomplir ce qu’elle souhaite accomplir à sa manière.
C’est en tout cas ma façon de voir les choses et ma façon de travailler avec mes clients. A ce titre, lors de la conférence que j’ai faite pour les femmes cadres de Bouygues Telecom en mai 2012, l’idée générale était d’encourager les femmes à se comporter comme des êtres humains au travail plutôt que comme des mères ou des femmes, avec tous les clichés que cela comporte. De même dans ma contribution à l’ebook sur l’emploi des femmes de Régions Job
Et lorsque je reçoit un(e) client(e), je ne vois pas de genre, je vois des mosaïques de besoins, d’aspirations, d’envies, d’appétences, de goûts, de mécanismes émotionnels et relationnels, bref, des êtres humains uniques dont la spécificité sert de socle à la construction de la vie professionnelle.
En d’autres termes, les filles, chez moi vous êtes des client(e)s comme les autres;)
Et vous, dans quelle mesure pensez-vous que cette recrudescence d’études sur les femmes est une bonne chose? Une mauvaise chose?
Aller plus loinVous voulez construire votre vie professionnelle en fonction de vos désirs, de vos appétences, de vos aspirations? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual |
Merci Sylvaine pour ce rappel bien utile! Je partage tout à fait ton point de vue, les femmes sont des travailleurs comme les autres 🙂
Beau billet et vrai sujet.
Pour me faire l’avocat du diable, je crois que c’est tout de même une très bonne chose que les médias mettent le projecteur sur des mécanismes sociaux bien réels. Celui de l’inégalité de faits – au delà de celle inscrite dans la loi et incantée dans les discours – en est un.
Mais la compréhension de la façon dont ces mécanismes sociaux se construisent, n’est pas du tout un détail dans l’affaire. Or il me semble à moi aussi que le problème est vraiment là, car cela, ils le sous-estiment.
Or le risque, si l’on prend le problème à l’envers, est effectivement un net effet stigmatisant. Qui peut-être très dangereux.
Tout se passe comme si l’on cherchait à “rationaliser” le constat d’inégalité que l’on fait, mais de façon trop simpliste. Alors que cette inégalité est intrinsèquement complexe : le fruit d’une multiplicité de micro-facteurs sociétaux, historiques et éducatifs.
A mon sens, la mauvaise question est : “Qu’ont les femmes d’intrinsèquement différent, spécifique, voire anormal, et comment exploiter ces différences, ces qualités propres, et/ou comment changer les femmes pour les aider ?”
Vs. la bonne : “Qu’est-ce qui dans la société, dans l’éducation, fait que des inégalités individuelles, toutes choses égales par ailleurs, peuvent se mettre en place et perdurer, et comment changer les structures sociétales pour améliorer les choses ?”
Merci pour ce billet (et les autres, je suis une fan !)
Très chouette article ! Effectivement, on parle beaucoup des femmes au travail en se posant des questions pour elles alors qu’on ne se questionne pas du tout des mêmes propos au sujet des hommes.
Je suis actuellement une formation par correspondance et l’un des sujets de devoirs que l’on m’a soumis m’avait évoqué ces reflexions (voici mon article de Blog où je les reprends : http://mamenchanteuse.com/2012/08/feminite-travail-et-societe.html )
Votre article me parle donc beaucoup ! Je poursuis ma reflexion !!!
A bientôt !
Bravo Sylvaine Pascual.
Enfoncer des portes ouvertes ne seraient pas nécessaire selon certains grincheux (est-ce le cas ici par ailleurs ?). Pourtant, il est effectivement essentiel de rappeler que la nuance est de mise lors de faits de société qui font souffrir nos contemporains. Nous sommes toutes et tous différent(es), nous possédons toutes et tous des sensibilités différentes.
Merci pour ce post qui continue à faire vivre une réflexion vivifiante et éclairante.
Christian