Redevenir responsables de nos émotions !

nos perceptions génèrent nos émotions, pas les autres!

 

Il est parfaitement exact, même si ça pique un peu, que personne ne déclenche nos émotions, que nous en sommes seuls responsables. Seulement il y a une bonne nouvelle: ça ne signifie ni les subir sans mot dire, en maître zen de la vie professionnelle, ni même devoir les modifier, les maîtriser, les étouffer sous peine d’être émotionnellement demeuré. Ca signifie les accueillir et en traiter les messages. Décryptage.

nos perceptions génèrent nos émotions, pas les autres!

Nous et nos émotions

“Vous comprenez, Sylvaine, me dit l’autre jour Céline, 41 ans, directrice qualité dans l’industrie, quand le directeur des opérations m’a dit en plein réunion qu’étant une femme, j’avais forcément du mal à comprendre certains enjeux techniques, il ‘a mis hors de moi! j’ai bien pensé à votre bocal à con, mais il ne le méritait même pas, je ne décolère pas depuis mercredi, il a l’art de me mettre en rage, il n’a aucun respect et aucune considération, vous vous rendez compte! Je suis d’u naturel plutôt calme, mais les abrutis pareils, c’est insupportable et il me met en pétard à chaque fois!”

On aimerait bien, mais ça ne marche pas comme ça: non, ce n’est pas cet abruti de Tartempion dont l’absence de considération nous met en colère, Bichtouille dont les jugements acerbes nous angoissent ou encore Duschmoll qui nous épuise de l’étendue de sa bêtise. Les émotions ne sont pas déclenchées par les autres, elles sont générés par la coalition de nos cerveaux… et pour d’excellentes raisons. Redevenons responsables de nos émotions pour y trouver plus facilement des solutions.

Prenons un autre exemple:

L’autre jour, je papote avec ma voisine du train de nuit que je vais prendre pour me rendre en vacances et elle m’explique qu’elle a pris le même, et qu’elle apprécie beaucoup le train de nuit, l’essentiel étant de ne pas être seule. Sur le coup, je suis surprise, je n’ai pas compris ce qu’elle veut dire, parce que j’ai beaucoup voyagé seule dans ma vie, en train, en car, en bus, en avion, à pieds, à cheval et en voiture et je ne me suis que très rarement sentie en insécurité. Ses craintes et mon absence de crainte ne disent rien d’une réalité qu’on peut percevoir de bien des manières: les premières parlent d’elle, la seconde parle de moi.

Et elles ne disent d’ailleurs rien de positif ou de négatif sur elle ou sur moi, personne n’a tort, personne n’a raison, elles sont simplement le reflet de deux systèmes de convictions dont chacun remarque ce qu’il a envie de remarquer et génère des zones aveugles sur ce qu’il a choisi d’ignorer:

convictions

Ce qui nous fait plaisir, ce qui nous agace et nous énerve, ce qui nous inquiète et nous angoisse, ce qui nous attriste et nous fatigue va dépendre intégralement de ces systèmes de convictions et donc, dans cette mesure, nous sommes responsables de nos émotions. Mais certainement pas coupable, même si, par ricochet, les réactions des uns peuvent être difficiles à comprendre, voire pénibles: ainsi nous allons facilement, par exemple, reprocher à Bichtouille de se noyer dans un verre d’eau, alors qu’il est simplement plus anxieux que nous.

Pas coupable parce que nos systèmes de convictions sont le fruit de nos héritages, du formatage des milieux socio-professionnels, de l’éducation, de l’expérience de vie, des aléas et épreuves que nous sommes amenés traverser.

 

A chacun ses menaces

Nous ne choisissons donc pas vraiment, ou du moins pas consciemment ce que nous éprouvons: nos émotions sont le reflet et l’indicateur de la façon dont nous percevons le monde qui nous entoure et les événements auxquels nous sommes confrontés. Et ce fonctionnement nous vient du fond des âges où j’imagine que déjà, nos ancêtres avaient des réactions très variables: le chasseur était certainement plus impatient que le potier lorsqu’il s’agissait de réaliser un objet en terre cuite et moins inquiet que le cueilleur lorsque déboulait un ours des cavernes dans la clairière où il était occupé à ramasser peinard des jolies baies que l’ours en question convoitait lui aussi.

Nos réactions vont donc varier selon notre expérience et ce qu’elle nous dicte, c’est à dire si nous les considérons comme une menace ou non, quel type de menace et ce dont nous manquons pour faire face sereinement à cette situation.

 – Lorsque nous sommes contrariés, agacés, nous avons besoin de nous faire entendre, respecter, de nous affirmer. Par exemple, Céline n’obtiendra pas la respect de son directeur des opérations par l’opération du Saint Esprit, ou en s’énervant autant que lui: elle a besoin d’apprendre à s’affirmer face à lui.

comprendre le rôle de la colère, parfois salutaire, parfois signe d''un besoin d'affirmation de soi

 – Lorsque nous sommes inquiets, anxieux, nous avons besoin de nous rassurer, soit parce qu’il nous faut davantage de sécurité (morale, physique, financière, émotionnelle, affective etc.) soit parce qu’il nous faut davantage de liberté (d’espace, de parole, de mouvement etc.). Ainsi, ma voisine a besoin de compagnie pour se sentir en sécurité là où les voyages à plusieurs génèrent des contraintes… qui m’angoissent!

 – Lorsque nous sommes tristes, fatigués et découragés, nous avons besoin de retrouver du sens à ce que nous vivons et de nous sentir utiles, de contribuer à quelque chose qui a de la valeur à nos yeux.

Et à l’évidence, bien manger ou faire du sport ne suffira pas à nous obtenir ce dont nous avons besoin!

 

Accueillir l’émotion sans chercher à la modifier

Alors évidemment, certains seront tentés de dire qu’il suffit de changer de perception et hop, bye bye l’émotion. C’est bien pratique, ça résout le problème rapidement et ça débarrasse les entreprise de toute préoccupation managériale sérieuse: inutile de repenser un management stressant et délétère, c’est juste la faute de vos petits nerfs!

Mais rappelez-vous les “il n’y a rien à craindre” de votre enfance, qui ne faisaient pas partir le monstre planqué sous le lit, ou les “les gands garçons/grandes filles, ça ne pleure pas” qui ne faisaient pas disparaître le chagrin ou la douleur et les “calme-toi” qu’on entend à tout âge et qui ont une tendance tenace à renforcer la colère ou l’agitation qui vous assaille. Aucune émotion n’est meilleure qu’une autre, aucune émotion n’est “irrationnelle”, chacune correspond à la façon dont nos gardiens internes (nos cerveaux limbiques et reptilien) perçoivent les événements de nos vies.

Modifier la perception d’une situation, dans le cas d’émotions déclenchées par des situations professionnelles ordinaires, reviendrait à vous nier vous-mêmes, à lutter contre vous-même ce qui est assez inefficace d’une part et énergivore d’autre part. Et comme nos émotions visent surtout à nous indiquer comment revenir vers le bien-être et le plaisir, se serait dommage de s’en priver.

efficacité émotions

 

Se débarrasser de l’émotion?

D’autres techniques vous proposent de vous débarrasser de l’émotion et certaines sont extrêmement efficaces mais attention: elles sont utiles pour des émotions tenaces, chroniques, qui finissent par s’exprimer sans objet, c’est à dire même hors situation spécifique qui pourrait la déclencher, générant des états durables parfois difficiles à supporter. Se désensibiliser d’émotions devenues irrationnelles à force d’omniprésence peut être intéressant. Personnellement, je ne pratique pas ces techniques, mais des psys et thérapeutes pourrons vous les proposer.

Inversement, chercher uniquement à se débarrasser d’émotions qui ont un déclencheur précis et une raison d’être tout à fait tangible au regard de l’histoire se soi, c’est sans doute une façon de passer à côté de soi-même, d’opportunités d’évoluer, d’ignorer des moyens d’interagir avec le monde qui nous entoure au lieu de chercher à lui échapper. Et puis c’est aussi et surtout prendre le risque de finir en burnout, car nos émotions nous envoyant des messages très concrets sur ce qui ne nous convient pas, vouloir les faire disparaître revient à désirer sa propre robotisation. Ce qui est d’ailleurs d’une ironie savoureuse: plus la science cherche à donner des émotions à l’intelligence artificielle, plus nous cherchons à nous débarrasser des nôtres!

Vouloir maîtriser l’émotion, vouloir la minimiser et s’en débarrasser est absurde et contre-productif: tant que le déclencheur existe et que le besoin est mal comblé, l’émotion reviendra sonner son signal d’alarme à vos oreilles à chaque fois qu’une situation similaire se reproduira.

Gardons les techniques de “gestion du stress” (qui n’en traitent pas les déclencheurs/messages, intelligence émotionnelle comprise) comme un moyen de nous détendre, de nous ressourcer et d’apaiser notre relation au monde, ce qui nous permettra de traiter les messages des émotions plus tranquillement. Prenons-les comme les accompagnants utiles des changements nécessaires pour traiter les déclencheurs de nos émotions par des actions concrètes et pas uniquement dans le ressenti ou dans nos têtes. N’en faisons pas le remplaçant idéal d’une refonte managériale devenue urgente et qui remettrait de l’humanité dans la vie professionnelle.

L'intelligence émotionnelle ne tient pas toujours ses promesses

 

Comprendre les émotions

L’émotion signifie littéralement la mise en mouvement. Elle donne une énergie qui va nous pousser à agir dans le sens de ce dont nous avons besoin dans une situation donnée et agir dans un but unique, celui de revenir dans un état de plaisir/satisfaction/joie (selon vos préférences sémantiques). C’est donc une énergie positive, qui veille sur nous et notre bien-être. Elle fonctionne comme une boussole qui nous indique où et comment diriger nos actions, elle n’est pas là pour nous faire tartir, même si nous avons souvent le sentiment que nos émotions sont avant tout pénibles et désagréables.

Je vous propose donc quelques ressources pour mieux comprendre les émotions, à commencer par cette vidéo très sympa:

Et puis quelques lectures complémentaires:

A quoi servent les émotions? – Redpsy

Comprendre les émotions – Cairn info

L’intelligence émotionnelle existe-t-elle?

Et pour une version ludique, le très joli film Vice-versa, qui donne une vision intéressante de nos émotions et de leur rôle.

 

Accueillir les émotions: elles visent un bénéfice

Au final, le rôle des émotions est simple, à défaut d’être toujours agréable: elles sont le porte-parole d’un besoin satisfait ou non. Elles fonctionnent comme un signal d’alarme clignotant sur un tableau de bord qui nous indique un problème de fonctionnement. Elles sont donc bien davantage des messagers à accueillir avec hospitalité que des importuns dont on se passerait bien. Aussi autant les inviter à s’asseoir autour d’un bon repas pour discuter du bout de gras de nos besoins que de les rejeter et vouloir les oblitérer.

table des émotions

 

Devenir intérieurement plus conscients de ce que nous vivons vraiment, des raisons pour lesquelles nous réagissons comme nous le faisons est rassurant (ouf, nous voilà dans la normalité) d’une part et permet de vivre mieux ces moments pénible d’autre part, puisque nous savons alors comment les aborder. Nous n’avons tout simplement pas appris à nous écouter, à décoder ce qui se passe en nous et nous n’avons pas appris à décrire précisément ce que nous ressentons ni quels sont nos besoins. L’autre devient une créature hybride, mi bouc-émissaire, mi paratonnerre de nos frustrations, agacements, craintes et/ou lassitudes. Nous finissons par nous culpabiliser les uns les autres de générer des émotions que nous gagnerions à observer de près pour régler ce qui les génère.

Emotions et culpabilisation

 

Nous pourrons ainsi les mettre au service de nos projets professionnels autant que de notre plaisir au travail au quotidien. Ca mérite bien un peu d’attention et nous verrons dans un second temps comment les accueillir et les traiter en 10 ponts.

 

Aller plus loin

Vous voulez construire un état d’esprit dynamique et serein à la fois pour concrétiser vos désirs et aspirations professionnelles? Vous voulez mettre vos émotions au service de vos projets? Vous voulez gagnez en plaisir au travail en menant les ajustements concrets que vos émotions vous indiquent? Ithaque vous accompagne. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.

 

7 Comments

  • MADmoiselle dit :

    J’ai du mal à me faire à l’idée que nous sommes responsables de toutes nos émotions… surtout par exemple pour la tristesse. Si je perdais quelqu’un de cher, je serais triste… sans rien pouvoir y faire.
    Pour d’autres émotions, comme la colère, alors là oui, d’accord.

  • Sylvie dit :

    Je pense aussi que ce sont les évènements de la vie ou les réactions de certaines personnes qui nous font réagir par un sentiment de tristesse ou de colère.

  • Patrick dit :

    D’accord avec Mad. Ce sont bien les événements qui sont responsables de nos émotions, je ne comprends pas bien comment on peut dire  que blâmer ce qui est responsable de l’émotion, c’est trouver un bouc-émissaire. Si l’événement ne s’était pas produit, alors il n’y aurait pas d’émotion, non?

  • Roturier dit :

    Les évènements ne sont pas responsables de nos émotions.
    Une personne meurt. Certain la pleurent, d’autres s’en réjouissent.
    Cela prouve que c’est bien nos pensées qui façonnent nos émotions.

    • Sylvaine Pascual dit :

      Ce sont effectivement nos systèmes de croyances qui définissent nos perceptions de ce qui représente un danger pour notre bien-être ou pas et déclenchent nos émotions en fonction;)

  • BERTIN Anne-Marie dit :

    oui il se peut que certains individus se réjouissent du décès d’autrui…certes! mais que dire d’une femme violée …j’en connais pas beaucoup qui vont s’en réjouir.Il ne faut pas tout généraliser et être prudent car la notion de responsabilité peut déboucher très rapidement sur la culpabilité et engendrer d’autres dégâts collatéraux.L’équité, le juste milieu , l’équilibre sont des mots qui trouvent tout leur sens ici.

    • Sylvaine Pascual dit :

      La notion de responsabilité signifie dans ce cas que quelle que soit notre réaction face à un événement, c’est notre perception qui génère l’émotion. Responsabilité n’est pas culpabilité, en particulier concernant quelque chose d’aussi intangible et individuel qu’une émotion.
      De la même manière, s’attrister ou se révolter face à des actes épouvantables est une réaction individuelle qui n’engage que celui qui la porte. Les émotions étant une fonction naturelle et non un crime, nous n’en sommes pas coupables! Mais responsables, oui;)

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