Cyclo Pierrot: “Une reconversion se pense et se mène étape par étape”

 

Chaque reconversion ne ressemble qu’à elle-même, mais les parcours des uns peuvent être source d’inspiration pour les autres. J’ai le grand plaisir de vous partager aujourd’hui le témoignage de Pierre Yautier, salarié de la Poste devenu réparateur de vélos, qui nous explique la mécanique d’un reconversion qui se pense et se mène étape par étape.

mécanique d'une reconversion étape par étape

 

Cyclo Pierrot, la mécanique d’une reconversion

Cyclo Pierrot témoignage de reconversion de salarié de la Poste à réparateur de vélosPierre Yautier a créé Cyclo Pierrot en mars 2016, entreprise d’entretien et de réparation de vélos à domicile ou sur le lieu de travail, sur Versailles et ses environs. Il travaille aussi dans divers endroits où il a obtenu l’autorisation de stationner son camion, vend des vélos d’occasion et organise de sorties pour ses clients. C’est un bricoleur touche-à-tout qui fourmille d’idées et un an après son installation, le constat est positif: ça marche.

Parce qu’il est sympa, à l’écoute et qu’il réinvente un vieux métier au nez et à la barbe d’une certaine grande enseigne pourtant bien implantée dans le coin: il conseille volontiers sur le matériel ou les itinéraires, il accepte des interventions même minimes, il répare votre vels en papotant avec vous, il a même adapté mon vélo à mon handicap.

Bref, Cyclo Pierrot, c’est un peu le Michel et Augustin du biclou. Petit encore, mais proche de ses clients et en passe de devenir le roi de la petite reine en face du Hameau de la Reine! Et je suis ravie qu’il ait gentiment accepté de nous raconter la mécanique “étape par étape” de son itinéraire de reconversion, mu par l’amour du vélo, de la liberté et de la relation, pour arriver aujourd’hui à une vie professionnelle réjouissante et source de fierté.

Au départ, j’avais prévu de retranscrire les parties les plus significatives de cet entretien, mais j’ai eu finalement envie de vous partager l’enregistrement, tant c’est un plaisir d’écouter Pierre parler. Car tout est clair et limpide chez lui : le ton, le rythme, le timbre de sa voix, le contenu de son discours, la façon de retracer son parcours de reconversion, de décrire son quotidien et ce qui le rend heureux. Je vous encourage donc à passer un moment lumineux et paisible en sa compagnie, dans le cadre animé du café où nous avons eu cet entretien, qui vibre en toile de fond.

 

Et pour ceux qui préfèrent lire, la version courte:

 

Idées, sérendipité et germination

Se lancer dans la reconversion, Pierre l’a fait « étape par étape ! La première étape c’est d’en avoir marre, tout simplement, de son train-train, l’insatisfaction au quotidien. La deuxième étape, c’est voir ce que je peux faire d’autre car me plaindre ne me convient pas non plus. J’ai donc exploré ce qui était faisable au sein de La Poste. J’ai postulé pour un job dans la sûreté et l’autre concernait la sécurité au travail, mais ça n’a pas marché. J’étais très motivé et je me suis complètement planté à l’entretien et a posteriori je me dis qu’il fallait que je me plante.»

C’est en allant réparer le vélo d’un collègue qu’il a eu l’idée de changer de métier en se mettant à son compte en tant que réparateur de vélo itinérant « Je me suis dit si ça se trouve, il y a plein de vélos qui attendent dans les caves et les garages, d’être rénovés pour pouvoir servir à nouveau »

Jusque là, il laissé son désir de reconversion en toile de fond, « j’aime bien laisser les idées me traverser et mûrir » dit-il. Il a ainsi caressé plusieurs idées jusqu’à ce que la réparation de vélo s’impose. Comme par exemple installer des toitures en verdure, avant de renoncer « Matériellement ça me paraissait très compliqué, je n’y connaissais rien, si ce n’est que j’ai un peu la main verte, ça me paraissait une trop grosse entreprise, au sens large du terme »

L’idée s’est enracinée au confluent du sens et des appétences :

«  Pour plusieurs raisons.  Parce que j’aime le vélo. On vend beaucoup mieux un produit qu’on aime. J’aime le vélo pour sa pratique mais également pour son utilité : sociale, sanitaire, écologique. La première donc, par amour du vélo. La deuxième c’est que je suis assez manuel, j’aime bien bricoler. Je bricolais déjà mes vélos et même si j’avais conscience d’avoir besoin d’une réelle formation pour me lancer, ça me semblait tout à fait à ma portée, contrairement à paysagiste de toit. Et également parce que je vis sur un secteur où il y a un énorme potentiel – Versailles et sa région – pour un réparateur vélo, parce qu’il y a énormément de pratiquants,  sportifs ou vélotafeurs (ceux qui se rendent au boulot à vélo), il y a beaucoup de pistes cyclables, d’espaces naturels aménagés, de forêts pour les VTTistes ».
reconversion velotafeur

 

Une concrétisation… étape par étape

Profiter des dispositifs de recyclage de l’entreprise

La Poste fait partie de ces entreprises qui ont compris qu’il vaut mieux participer au recyclage d’un salarié démotivé que de le garder malgré lui et propose des dispositifs d’accompagnement à la mobilité et à la création d’entreprise.  C’est avec un projet déjà construit que Pierre a rencontré un conseiller : « l’idée du camion vitrine, l’idée de venir à domicile, c’était déjà bien ancré. »

La conseillère mobilité l’a aidé à affiner son projet, l’a mis en contact avec un conseil en création d’entreprise. Ensuite tout s’est enchaîné, toujours étape par étape : étude de marché, chiffrage du camion, des outils, recherche de formation, demande de congé formation qui a été accepté.

Quand j’ai fait part de mon envie de création d’entreprise, j’ai été très aidé, La poste m’a vraiment accompagné, au niveau de la formation et au niveau des congés (j’ai enchaîné congé formation, congé sabbatique, congé création d’entreprise).

L’étude de marché a fini en janvier 2015, la formation a démarré en aout. La demande de congé de formation  a été appuyée par son directeur et obtenu tout de suite. Dans la foulée, le Fongecif accepte aussi la formation :

 « ça fait partie des choses qui m’ont conforté dans mon projet : j’étais éligible au congé de formation, mais je n’avais aucun des critères de priorité : trop jeune, trop diplômé, pas assez d’ancienneté dans l’entreprise. On m’avait dit que 50% des dossiers étaient retenus, donc je me suis dit que si on me l’accordait, c’était que le dossier était solide et le projet réalisable ».

Pierre a aussi bénéficié d’un dispositif de La Poste d’aide à la création d’entreprise, sous la forme d’un financement soumis à réussite : si son entreprise fonctionne un an, il doit rembourser les deux tiers, deux ans, il doit rembourser un tiers et après trois ans, l’argent lui est acquis. « Cerise sur le gâteau ! Ça m’a aidé à m’installer et attendre les clients ! »

reconversion mécanique vélo

 

Point de bascule et soutien familial

Pour Pierre, il n’y a pas vraiment eu de point de bascule, ce moment où d’un coup, on se décide à se lancer. La décision s’est plutôt construite au fur et à mesure des démarches, dans la logique de ce fonctionnement « étape par étape » véritable état d’esprit chez lui.

« Il n’y a pas eu un jour où je me suis dit ça y est je me lance alors que la veille je n’étais pas sûr. Ça a été beaucoup de discussion avec ma femme parce que c’était indispensable pour moi, il fallait que je me sente soutenu familialement. Il fallait que je puisse me lancer pleinement, en toute confiance. Elle m’a aidé à trouver un stage, elle a été une aide concrète en plus d’une aide morale et une aide intellectuelle car on discute de ce qui est faisable. Je lui fais part de mes idées, elle me fait part de ce qu’elle en pense. » 

 

L’installation, entre stress et excitation

« Beaucoup de stress, d’impatience, de précipitation, de cogitation. Tout est relatif cependant, une journaliste de Jour poste, le journal des employés de la poste me faisait part d’autres créations d’entreprise qui prenaient des mois et des mois et elle était étonnée qu’il se soit passé moins d’un mois entre la création de la société et les premiers rendez-vous. Ça m’a paru extrêmement long, ce mois ! Parce qu’on doit gérer un tas de choses en même temps, qui ne se passent jamais dans le délai auquel on s’attend. On entre dans un univers déroutant, stressant et à la fois passionnant ! On n’est jamais prêt. Mon beau-père qui me soutenait depuis le début tenait absolument à être mon premier client alors voilà, la facture 001 c’est celle de mon beau-père et pour cette intervention, j’ai déballé certains outils. »

reconversion logo cyclo pierrot

 

Une nouvelle vie entre douceur et flexibitilé

Etre vu en train de travailler

« Une chose qui m’a surpris, à laquelle je n’avais pas pensé lors de la conception du projet : on pense à faire de la pub sur le camion, distribuée dans les boîtes aux lettres, des flyers à déposer sur des vélos et on ne pense pas à la meilleure pub, la plus efficace : être vu en train de travailler. Tant que je n’avais pas de clients, je travaillais dans ma rue sur les vélos de la famille. Quand on est vu en train de travailler, les gens s’arrêtent, ça les interpelle, ils comprennent tout de suite de quoi il s’agit, certains prennent tout de suite rendez-vous, d’autres me demandent des cartes. »

Pierre installe son camion régulièrement dans des lieux publics ou des entreprises. Il a obtenu une autorisation pour travailler les mercredis et samedis à l’entrée du passage qui donne sur la Porte St Antoine, que les Chesnaysiens utilisent pour accéder au Parc de Versailles, et intervient régulièrement au sein même d’entreprises, où les employés apprécient de pouvoir déposer leur vélo le matin et le récupérer le soir.

reconversion être vu en train de travailler

 

Travailler en public : convivialité et douceur du lien social

« Il y a un aspect très convivial, parce que les gens restent volontiers discuter [moi la première, les mercredis j’ai pris l’habitude de faire le détour pour papoter 😉 NDLR]  aux beaux jours c’est vraiment très sympa. Ca rend le métier vraiment doux, il y a une douceur dans cette manière de travailler, parce que d’une part je fais le métier que j’aime, mais en plus de ça je le fais à ma manière. Je ne suis pas tributaire des collègues ou des injonctions du responsable et j’adore ce contact avec la clientèle. Et je pense que je vais installer un table et une cafetière et du jus de fruit. Certains clients constatent et me font remarquer que ça crée du lien social. C’est fou de me dire qu’en essayant de m’épanouir moi-même, j’arrive à créer quelque chose qui se perd, alors que ce n’était absolument pas l’objectif.

Il y a une sorte de rayonnement. Si soi-même on arrive à s’épanouir et à créer quelque chose qui nous apporte ce dont on a besoin, ça se ressent et ça se répand. Le fait de stationner à un endroit comme ça, de générer des habitudes et du contact, de la convivialité, c’est extrêmement réjouissant. »

reconversion convivialité

 

Travailler à sa manière : un cadre et de la flexibilité

On le sait, il n’y a pas de métier qui rend heureux par nature, seules les conditions d’exercices vont générer un plaisir durable et renouvelable.  Et Pierre a une façon bien à lui de fonctionner :

« Je suis plutôt organisé, mais de temps en temps j’aime bien me laisser déborder et ensuite remettre de l’ordre après avoir été débordé, c’est une sorte de dynamique matérielle et mentale. On m’avait reproché de ne pas être assez proactif, assez agressif dans la démarche commerciale, mais c’est juste que ça ne me ressemble pas. Je suis flexible et disponible à un point qui surprend mes clients, dans un cadre qui me permet d’être présent pour mon fils entre midi et deux par exemple. »

 

Un réparateur de vélos heureux

Quand on demande à Pierre ce qui le rend heureux dans sa vie professionnelle d’aujourd’hui, son sourire en dit presque aussi long que lui :

« Les retours clients sont dithyrambiques. Je ne m’attendais pas à ce que spontanément ils me mettent un avis avec 5 étoiles. C’est une énorme satisfaction ! J’ai beaucoup de retours par mail suite à l’envoi de la facture ! La facture en général ce n’est pas le truc qui fait plaisir ! Il accusent réception de la facture et ajoutent un petit message hyper sympathique, ils me disent qu’ils sont satisfaits et vont me faire de la pub. C’est une source de fierté.

Ce qui me rend heureux, c’est aussi de voir que je ne me suis pas trompé sur le projet, le fait qu’il sit adapté à mes compétences, à l’environnement. J’ai bien pensé le truc, je l’ai bien ressenti, je me suis fié à mon intuition, parce qu’à tout moment j’aurais pu me planter.

La possibilité d’être constamment en train de réfléchir, en laissant mûrir les idées,  j’ai la possibilité d’envisager des évolutions pour ma société, prendre un associé, avoir des employés, lancer une franchise.»

 

Si tu devais recommencer aujourd’hui, que ferais-tu autrement ?

« Je ferais plus attention, parce que je n’ai pas forcément suffisamment anticipé la période creuse de l’hiver. Je suis très confiant sur le redémarrage au printemps, mais ça aurait été tout au si bien de ne pas avoir à traverser ça. »

 

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui a envie de changer de métier ?

« Tout est possible. Il faut être prêt à se dire « ça marche pas mais ce n’est pas grave, ce n’est pas un échec. il n’y a pas d’échec, il n’y a que des réussites et des apprentissages, on apprend de ses erreurs, c’est ce qui nous fait progresser. Si demain je devais retourner à La poste parce que ça ne marche pas, je serais malgré tout extrêmement fier de ce que j’ai réalisé. Il y a 4 ou 5 ans je n’aurais pas cru que j’étais capable de faire ça. C’est une énorme victoire sur moi-même, sur mon éducation, sur mon environnement et je pense qu’on est nombreux à se dire qu’a priori, ce n’est pas possible. Alors que c’est faux. Il faut prendre le temps, bien réfléchir, y aller étape par étape. »

 

En savoir plus: Cyclo Pierrot
Téléphone: 07 60 99 96 16
Email: contact@cyclopierrot.fr
Facebook : Cyclo Pierrot

 

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