Communication: les sous-entendus garants de la relation

Sylvaine Pascual – Publié dans Entretenir des relations saines  /  Mieux communiquer


 

Si les relations sont complexes, leurs mécanismes sont directement visibles et compréhensibles au travers du langage qui en est le reflet précis. En voici une démonstration brillante, au travers de l’utilisation récurrente des allusions.

 

 

Le langage, miroir de la nature humaine

 

Voici une animation à partir d’une conférence de Steven Pinker, professeur et chercheur au département de psychologie d’Harvard. En plus d’être drôle, cette vidéo montre comment le langage et en particulier le recours au sous-entendus plutôt qu’au discours clair et direct reflète la crainte de bousculer la nature de la relation. Explications.

 

Pour ceux qui ne comprennent pas l’anglais (ou ont la flemme de regarder 10 mn d’animation!), une adaptation du contenu se trouve juste en dessous de la vidéo, avant le mini coaching du jour;)

 

 

 

 

Double fonction du langage

 

Nous avons souvent recours aux allusions plus ou moins voilées dans l’espoir que notre interlocuteur saura lire entre les lignes. Et dans de nombreux cas, c’est ce qui se produit: ainsi dans le célèbre “Voulez-vous voir mes estampes chinoises”,  tout le monde reconnaît une proposition sexuelle, et dans “Chouette boutique, ça serait dommage qu’il lui arrive quelque chose” chacun comprend une tentative de racket.

 

Qu’est-ce qui nous pousse à utiliser des moyens d’expression détournés pour exprimer désirs, intentions, demandes, mais aussi menaces, alors que les deux parties savent exactement ce dont il retourne?

L’explication est assez simple: le langage a une double fonction: transmettre un message et entretenir un mode de fonctionnement relationnel en même temps. Pour ce faire, il utilise une formulation qui préserve la relation,pour suggérer un élément potentiellement incompatible avec le maintien de la relation.

 

La politesse en est un excellent exemple:

Lorsque je demande “peux-tu me passer le sel, ce serait très gentil”, j’enrobe un impératif “passe-moi le sel” dans un habillage linguistique qui cache la domination inhérente à l’usage de l’impératif.

 

 

3 types de relations

 

D’après l’anthropologue Alan Fiske, il existe trois types de relations sociales

La domination: qui correspond grosso-modo à “me fais pas chier”, héritée des hiérarchies communes à tous les primates.

La communauté: qui correspond au partage et à l’échange entre amis proche et cellule familiale, en particulier à travers l’appartenance au groupe et la mutualisation.

La réciprocité: qui correspond à “tu fais quelque chose pour moi, je fais quelque chose pour toi”, comme dans les transactions économiques.

 

Selon le cadre dans lequel nous nous trouvons, certains comportements seront jugés appropriés ou inappropriés de façon collective. Ainsi, lors d’une soirée, si vous chipez une crevette das l’assiette de votre conjoint, personne n’y trouvera à redire. Si c’est dans l’assiette de votre patron, c’est une autre histoire…

 

Le problème se pose lorsque les deux interlocuteurs ne sont pas certains d’être sur la même longueur d’onde en termes de nature de la relation, car chacun craint alors de se retrouver dans une situation embarrassante. Ce qui est approprié dans une relation de communauté ne l’est pas nécessairement dans une relation de réciprocité etc.

Le recours à un discours plein de sous-entendus est alors plus confortable.

 

Pourtant, dans les exemples du début: menaces faussement déguisées, propositions d’ordre sexuel, chacune des parties sait parfaitement de quoi il retourne. Alors pourquoi utiliser ce subterfuge linguistique? C’est l’officialisation de la proposition par un discours clair et direct qui favorise l’embarras.

 

 

Savoir individuel vs savoir mutuel

 

Le savoir individuel peut se résumer à:

  • A sait que xxx
  • B sait que xxx

 

Le savoir mutuel, c’est quand:

  • A sait que xxx
  • B sait que xxx
  • A et B savent que chacun sait que xxx

 

Ainsi les révolutions naissent sur les places publiques car elles sont le lieu où ce que chacun sait – “je déteste ce dictateur” –  peut devenir un savoir mutuel: “j’apprends que B et C détestent ce dictateur aussi”, ce qui génère une force collective, vent de révolte. Ainsi, celui qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ne fait pas de révélation fracassante. En revanche, il modifie le statut de ce savoir, en le faisant passer du savoir individuel au savoir mutuel: il officialise le savoir.

 

Le langage explicite est donc un moyen imparable de créer du savoir mutuel et potentiellement de remettre en cause la nature de la relation. En demandant “voulez-vous venir voir mes estampes chinoises”, le savoir (la proposition sexuelle) n’est pas mutualisé, pas officiel et chacun peut faire semblant de continuer à maintenir la nature de la relation, au travers des interprétations possibles. D’où le recours aux insinuations plutôt qu’au discours clair et direct; une fois le savoir mis sur la place publique, il y a danger pour la relation.

 

 

Mini coaching: Peurs et ratés de la communication

 

Cette brillante démonstration est d’autant plus fascinante qu’elle ouvre des pistes de réflexions sur les possibles ratés de la communication qui nuisent à la relation. L’ampleur de l’écart entre les sous-entendus et le message qu’on veut transmettre est probablement directement proportionnel à la peur que nous avons de perturber la relation. Au risque de perdre son interlocuteur dans des limbes linguistiques obscurs et ténébreux.

En d’autres termes: relation 1, communication 0

 

Ce qui peut avoir pour conséquence directe l’absence d’évolution de la relation, y compris à l’intérieur d’un des trois types présentés ci-dessus, avec toutes les frustrations que cela peut engendrer. La difficulté à dire non, à fixer des limites, à formuler un reproche,le manque d’affirmation de soi, de confiance en soi, y trouvent un mode d’expression privilégié: le flou nébuleux d’un excès d’allusions.

 

Du coup, identifier nos excès de sous-entendus devient un moyen formidable de comprendre nos propres peurs relationnelles et donc d’y remédier.

 

Dans quelles situations et avec qui avez-vous tendance à avoir recours aux allusions?

Dans quel type de relations?

Que craignez-vous précisément, pour la relation?

De quoi avez-vous besoin pour ne pas avoir peur de perturber le fonctionnement relationnel?

 

 

Voir aussi

 

Les ratés de la communication

Définir ses limites

Les ratés de la communications: les interprétations abusives

Mieux communiquer: les demandes assertives

Les besoins à combler

Les ratés de la communication: non demandes et petites manipulations

Compétences relationnelles (3): savoir dire non

Compétences relationnelles: établir ses limites

Compétence relationnelle: l’affirmation de soi

Compétences relationnelles: les pièges de la lecture de pensée

 

 

Aller plus loin

 

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