A cache-cache avec soi-même: quand l'action contredit la pensée

Related Posts with ThumbnailsSylvaine Pascual – Publié dans: Connaissance de soi / Bien-être et estime de soi

Refleter ce que l’on est
“J’ai parfois, j’ai souvent, par malignité, dit d’autrui plus de mal que je ne pensais et, par lâcheté, dit plus de bien que je ne pensais de beaucoup d’oeuvres, livres ou tableaux, par crainte d’indisposer contre moi leurs auteurs. J’ai parfois souri à des gens que je ne trouvais pas du tout drôles et feint de trouver spirituels des propos niais. J’ai feint de m’amuser, parfois, alors que je m’enbêtais à mort et que je n’avais pas la force de m’en aller parce qu’on me disait: reste encore… J’ai trop souvent permis à ma raison d’arrêter l’élan de mon coeur. Et, par contre, alors que mon coeur se taisait, j’ai trop souvent parlé quand même. J’ai parfois, pour être approuvé, fait des sottises. Et, par contre, je n’ai pas toujours osé faire ce que je pensais devoir faire mais savais ne devoir être pas approuvé.”

André Gide, Les nouvelles nourritures.

 

Le décalage entre nos opinions et nos actions

Pour éviter le jugement, le rejet et la solitude, pour nous attirer l’approbation et l’acceptation, nous mettons parfois un soin méticuleux à agir comme il faut, comme il vaut mieux, comme le dictent en vrac les convenances, le patron et l’oncle Alfred. Et finalement, nous agissons peu comme nous le ferions si nous nous accordions la liberté d’être ce que nous sommes.

En d’autres termes, pour répondre à notre besoin d’appartenance, nous sommes prêts à jeter aux orties nos valeurs et à copier celles des autres: aux pays des serpents, mieux vaut se déguiser en couleuvre que de montrer qu’on est un oeuf de perdrix.
Plus le décalage est grand, plus nous sommes prisonniers d’une image fictive éloignée de la réalité. Et ensuite, nous tombons de notre perchoir à oies quand les destinataires de cette image agissent avec nous en fonction d’elle et non en fonction de qui nous sommes vraiment. Et au final, à force de refléter ce que nous ne sommes pas, de jouer à cache-cache avec nous-même, nous perdons de vue nos propres valeurs et héritons de celles des autres, assorties d’amertume et de frustration.

 

Cette peur du rejet et du jugement qui nous pousse à prendre modèle sur une référence extérieure pas toujours en adéquation avec nos valeurs, mais qui semble attirer le bénéfice recherché, est révélatrice d’un manque d’estime et de confiance en nous-mêmes:
Peut-être celui qui dit du mal de son prochain construit-il une fausse estime de lui aux dépends de l’autre, parce qu’il ignore comment faire autrement?
Peut-être manquons-nous des compétences relationnelles nécessaires pour dire ce que nous pensons réellement sans heurter les autres?
Peut-être que nous faisons passer les désirs des autres avant les nôtres parce que nos croyances l’exigent?
Peut-être que celui qui s’efforce de passer pour le fils naturel de James Bond et Aunty Entity craint les regards féroces de ses contemporains?

Auto-coaching: le journal du décalage

Evaluer ce décalage entre nos pensées/sentiments/opinions d’une part et nos paroles/actes d’autre part permet d’identifier les points qui pourraient être travaillés pour augmenter l’estime et la confiance en soi.

Sur une période d’une semaine, observez les situations dans lesquelles vous avez ressenti un décalage entre vos valeurs et vos actes. Pour chaque situation:
Que s’est-il passé? Où, Quand, Comment, Avec qui?
Qu’avez-vous pensé?
Qu’avez-vous dit ou fait à la place?
Quel pourcentage de décalage attribuez-vous à cette situation?
Qu’avez-vous ressenti ensuite?
Qu’est-ce que vous vous êtes dit?
Qu’est-ce qui vous manquait pour agir en fonction de vos valeurs, pour exprimer ce que vous auriez voulu exprimer?

Au bout d’une semaine, relisez votre journal de décalage:
Que remarquez-vous?
Dans quelle mesure reféltez-vous ce que vous êtes?
A quelles morales, croyances et valeurs vous soumettez-vous malgré vous?
Quelles compétences avez-vous besoin de développer pour réduire le décalage?

Voir aussi:

Se mentir à soi-même: le miroir du manque
Petit gris et stratégies d’échec
Compétences relationnelles (3): savoir dire non
Faire quelque chose pour soi: parce que nous le valons tous!
Certitudes: essayer avant d’acheter!

Les dossiers d’Ithaque: Bien-être et estime de soi
Les dossiers d’Ithaque: Connaissance de soi

8 Comments

  • Cloudy dit :

    Comme je me sens proche de ce commentaire de Gide.
    Je n’aurai pu exprimer ce que je ressens avec autant de précision.
    Comme il est difficile de trouver le chemin de la cohérence avec soi et de s’y tenir, pour notre bien…

  • sylcuisine dit :

    Merci pour ce bel article !
    On ne peut hélas pas toujours exprimer le fond de nos pensées… quelquefois cela ferait du bien ;o)

  • MADmoiselle dit :

    Malheureusement parfois, au travail, c’est ce que l’on nous demande de faire : car le “client est roi”… Alors il faut sourire même si le client est grognon, s’il vous prend pour du caca. Il faut se plier en 4… Brrr, que j’aime pas ça !

  • clementine dit :

    j’obéis à des valeurs morales et si ça ne plaît pas, j’en ai rien à foutre.. elles s’appuient toujours sur la déontologie, l’éthique professionnelle et l’aide qu’on peut apporter aux autres quand ils nous sollicitent. Je suis imperturbable là-dessus.. lol.. quitte à avoir de sérieux problèmes avec ceux qui parlent du respect, de la solidarité et qui n’ont que de la haine au fond d’eux.. rien à foutre..
    bisous
    clem

  • Dialethik dit :

    Bel article Sylvaine. Pour mesurer l’écart entre notre perception perso et celle des autres, peut-on intégrer ces derniers(proches,etc.) dans la réalisation de cette exercice. Ils pourraient nous donner des infos dont nous n’avons pas conscience.

  • dorival dit :

    andré Gide!comme c beau!!!
    très bel article,je suis admirative!

  • vincentdidier dit :

    Merci pour ce billet. je n’en dirai pas plus de crainte d’être jugé 😉
    Didier.

  • Edith dit :

    Bonjour,

    Je vois que le plus récent des commentaires à plus d’un an. Désolée : je viens seulement de faire connaissance avec le site. Et je ne sais plus où donner du clic, dans quel ordre lire quoi.

    Je suis partie de l’article concernant la procrastination. Grâce auquel j’ai compris (je veux dire par là, admis, intégré, parce que je le savais déjà) qu’il est vain de lutter contre la procrastination et qu’il vaut mieux en identifier les causes et essayer d’y remédier. Travail long et difficile.

    Il y a un an, j?ai changé de service dans mon travail et j?ai rencontré un chef de service qui est une personne dont je ne pensais même pas qu?il puisse en exister. C?est quelqu?un de vrai. Jamais il ne transige sur ses valeurs profondes, il sait écouter avec une empathie incroyable, il est toujours prêt à accueillir critiques ou reproches, à corriger « le tir » si l?argumentation lui prouve qu?il a tort, lorsqu?il demande un travail, délègue une responsabilité, ce n?est jamais « je m?en débarasse, débrouillez-vous » mais « je vous le confie, en cas de difficulté je suis à votre disposition » (et c?est vrai), il remercie pour le travail fait (ce qui m?a toujours complètement épatée) et félicité quand le travail est particulièrement bien fait, il sait exprimer des reproches sans en faire une atteinte à la personne, pointer ce qui ne va pas en proposant une aide ou des solutions, argumenter pour essayer convaincre avant d?imposer s?il s?exprime en qualité de chef, avant de s?exécuter s?il s?exprimer en tant que collaborateur ou subordonné.

    Avec lui, j?apprends tous les jours un peu plus à dire ce qui ne va pas sans agressivité, à accepter les reproches mais aussi les compliments. Il est probablement, en dehors de l?homme qui partage ma vie, la seule personne au monde avec qui je n?ai jamais eu besoin ou envie de tricher, de mettre un masque, de me déguiser. Avec lui, j?apprends (je n?y arrive pas toujours) à dire ce que je pense au lieu de chercher ce qu?il faut que je dise pour plaire à l?autre.

    J?étais sans doute prête à cette rencontre parce que je suis en psychothérapie depuis trois ans.

    Tout ça pour dire que je suis en plein dans la démarche qui semble être celle de tous les articles que je lis sur ce site. Et jusqu?ici, tous les articles que j?ai lu ou presque m?ont apporter quelque chose, un nouvel angle de réflexion, une nouvelle « révélation », une piste que je n?avais pas encore exploré, ou simplement (mais c?est énorme) une confirmation de ce que j?ai découvert petit à petit au cours des mois passé.

    J?ai beaucoup aimé cet article en particulier. Comme j?ai apprécié ceux concernant la connaissance de soi (décisions) cruciales et « répondre au besoin de reconnaissance ».
    J?ai tellement prisé, goûter, savourer la citation de Gide que je crois que je vais acheter le livre dont elle est extraite.

    Je regrette deux choses :
    – que l?ensemble de ces articles n?existe pas sous forme d?un livre (je trouve un peu difficile de tirer un fil, qui vous conduit à en tirer un autre sans avoir trouver le bout du premier ; au bout d?un moment je suis perdue et je ne sais plus ce que j?ai lu ou pas, ce sur quoi je voulais revenir?).
    – de ne pas pouvoir imprimer (je n?ai pas d?imprimante) ceux des articles qui proposent une démarche pour avancer sous forme de questions successives voire itératives.

    Je vais peut-être essayer quand même de suivre ces démarches, répondre à ces questions. Mais je sais déjà que j?aurai du mal?

    Sinon, c?est vraiment passionnant. Je pense que je lirai la totalité des articles.
    Merci

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