Élégance relationnelle : agir face à l’agressivité (1)

Comment désarmer l'agressivité sans agresser en retour?

Le monde du travail, devrait respecter un pacte de non-agression mutuelle pour garantir la possibilité d’œuvrer paisiblement dans un environnement serein, ponctué d’interactions courtoises. Et pourtant, il y a toujours, au détour du chemin un bipède ombrageux ou mal embouché dont le verbe acerbe vient vous bousiller l’humeur et la journée. En trois volets, voyons voir comment éviter les volées de bois vert et et s’y prendre Sans peur et sans reproche à la place, bref: avec panache!

Comment désarmer l'agressivité sans agresser en retour?

 

L’agressivité boulet de boulot

Entendons-nous bien : par agressivité, dans ce billet, nous allons simplement parler de comportement ordinaire agressif, Il ne s’agit ni de manipulation perverse, ni d’agression physique, mais bien d’agressivité verbale comme on en rencontre à tous les étages de nos entreprises et qui prend la forme de la brutalité sémantique de celui qui se croit « cash » et le ton acide, belliqueux ou provocateur qui va avec. Elle peut s’accompagner :

– de reproches (justifiés ou non, vagues ou précis), communément appelés par le belligérent « critique constructive » faite « pour le bien » de l’interlocuteur
– de mépris, de propos rabaissants ou dévalorisants
– d’un « recadrage » bruyant
– de langage grossier, offensant ou discriminatoire
– d’insinuations
– de menaces directes ou déguisée

En général, cette agressivité là laisse peu de place à la parole de celui/celle qui en est le réceptacle non consentant et peu donc contredire et/ou couper la parole.

Quel boulet, l’agressivité de boulot, bien entendu parfaitement imméritée, dont il nous arrive de faire l’objet !

Exprimer sa colère à tort et à travers n'est pas toujours une bonne idée

 

Deux réactions inefficaces à l’agressivité

Evidemment, un collègue de travail, un N+1, un collaborateur ou un client, un partenaire, un associé, bref, n’importe quel quidam de la catégorie « relations professionnelles » qui vient nous prendre à rebrousse-poil, nous si coopératifs, si aimables et si conciliants, ça nous met le palpitant en émoi. Ca nous fait monter la température, la moutarde au nez et les envie de l’éparpiller façon puzzle. Non mais c’est vrai, on peut se dire les choses poliment entre adultes, quoi ! Car les gougnafiers, les irrespectueux, les butors ont l’art d’être contagieux et quand ils viennent balancer leurs aigreurs dans l’étang pépère d’une journée ordinaire, ça nous ruine la bonne humeur en moins de deux. Ca peut aussi nous coller des angoisses et des envies de fuir, le sentiment d’être pris au piège, ou encore chanter à nos oreilles les refrains de l’à-quoi-bon et de la démotivation. Bref: que du plaisir.

Alors face à aux agressifs, qu’ils soient chroniques ou de circonstance, nous pouvons avoir plusieurs réactions, dont aucune ne donne vraiment satisfaction et qui se déclinent autour de deux tendances:

 

1- L’agressivité en retour

A bon chat bon rat, ce n’est pas un malotru qui va nous en compter, nous voilà agressif en retour, à rentrer dans le jeu de celui qui pisse de la domination le plus loin. C’est un jeu bien épuisant et qui nourrit bien plus le très énergivore égo que la bienfaisante estime de soi et dans lequel on « gagne » la domination par la soumission imposée. Or la relation n’est pas un combat, c’est une danse à deux :

– Les coqs de basse-cour – Il y a ceux qui s’énervent et réponse du berger à la bergère, trouvent une justification dans l’agressivité de l’autre à leur propre réaction. C’est pas moi qui ait commencé, je vais lui montrer.

– Les redresseurs de torts – qui vont s’énerver en retour ou pas, mais vont en tout cas tenter de « faire comprendre » au malotru son degré de pénibilité relationnelle, son incompréhension chroniques de valeurs pourtant parfaitement universelles et les alternatives de bon aloi à son inadaptation comportementale (« non mais tu te rends bien compte que… »)

– Les passifs agressifs – qui vont se parler tout haut à eux-mêmes ou à un tiers, histoire de balancer une vacherie indirecte en réponse

Quand la colère cache la vulnérabilité

 

La mise en retrait

Sous couvert de raison-rillettes (nous n’avons pas les mêmes valeurs), on se désengage, on évite, on ne dit rien (ou alors on dit à des tiers, parce que c’est plus simple de dire à autrui que tout ça, c’est vraiment trop injuste.), on laisse faire, croyant qu’une fois l’orage passé, ce sera à nouveau le printemps des relations. Sauf que c’est un autre jeu de pouvoir celui-là, dans lequel on offre la domination à l’autre sur un plateau  par soumission auto-imposée

– Les ruminators (et à travers) – Il y a ceux qui s’énervent intérieurement ou pas, qui ne disent rien, en se faisant ensuite tout une rumination de ce qu’ils auraient pu ou du dire et y consument une énergie qui aurait été plus utile autre chose.

– Les grandes gueules – Il y a ceux qui s’énervent intérieurement et ne disent rien, mais racontent ensuite ce qu’ils on bien failli dire, mais ils se sont retenus, parce qu’eux ils sont polis, hein, mais ils n’en pensaient pas moins.

– Les dévalorisés – Il y a ceux qui, énervés intérieurement ou pas, ne disent rien, courbent l’échine, se font tous petits et y laissent un peu d’estime d’eux-mêmes, parfois même en trouvant l’agressivité acceptable lorsqu’elle vient d’une figure d’autorité.

Les reines outragées – Qui vont se draper dans leur dignité et quitter la scène, la tête haute et les yeux mi-clos.

Face à l'agressivité, certains vont se taire, se mettre en retrait et laisser l'orage passer

Ces deux réactions ont le défaut majeur de ne rien résoudre et d’autoriser l’agressivité. Rappelons nous que chaque fois que l’égo l’emporte, la relation y perd. Alors pourquoi nous y prenons-nous de la sorte ?

Derrière tous ces comportements en réaction, on sent des personnes prises de court qui ne savent pas quoi faire, qui craignent leur propre réaction autant que l’escalade en conflit. Car toujours vous et moi, gens parfaitement habités de bonnes intentions, empreints de bienveillance et de considération, nous sommes peu friands des querelles qui toutes divines qu’elles soient, mettent des vers dans des fruits : nous en avons retenu que leurs conséquences sont un poil compliquées à gérer, mais nous ne savons pas à quel saint nous vouer

La peur et ll'égo, vers dans le fruit de nos relations

 

Tolérer revient à autoriser

Nous ne devrions jamais autoriser l’agressivité, soit en laissant faire les candidats à la vocifération, soit en tombant dedans.  C’est ainsi qu’on se retrouve dans nos entreprises avec des quidams en plein vague-à-l’âme qui peuvent se transformer en tortionnaires de leurs contemporains, sans même en avoir vraiment conscience. Et bizarrement, cette agressivité qui peut être aussi directe que mielleuse et sournoise, nous semblons parfois la trouver « tolérable » en la confondant avec la l’affirmation de soi, sans doute parce qu’elle a deux composantes :

“à la fois attitude « négative » d’attaque vers autrui (agression hostile), et une attitude « positive » faisant référence à l’affirmation de soi et à la combativité (agression instrumentale)” comme l’explique cet article

« Je veux bien être tolérant, mais il y a des limites » dit Thomas, le bouc-émissaire de la pièce de théâtre Bull* dans laquelle deux collègues s’appliquent dans la mise à mort glaçante d’une victime sur le point d’être licenciée, à coups répétés de vacheries et de méchanceté.

Ce n’est pas de la tolérance que de laisser les autres, quelle que soit leur position hiérarchique d’ailleurs, nous infliger propos dévalorisants ou désobligeants, hargne et brutalité . C’est ouvrir la porte à la mesquinerie, la bêtise, la bassesse, aux instincts de survie inélégants dont l’être humain est parfois capable, lorsque les circonstances favorisent ce type de comportement. Car laisser faire revient à autoriser l’autre à nous considérer comme malmenable. Et il/elle ne va pas se gêner.

Elegance relationnelle : Adopter une posture sans peur et sans reproche face à l'agressivité en restant calme

 

L’élégance relationnelle face à l’agressivité

Mais alors comment s’y prendre ? Avec calme et dignité, avec noblesse et magnanimité. En développant une approche résolument Sans peur et sans reproche pour baisser les armes avant de se retrouver dans les tranchées et signer des armistices plus bénéfiques que celui de 1918.

Nous venons de le voir, le but de n’est bien entendu pas de devenir complaisant et de se mettre en retrait pour laisser glapir tous les roquets de boulot. Ca manquerait de panache d’une part et ça ne ferait pas progresser l’entente cordiale. L’idée c’est de cultiver un état d’esprit chevaleresque, qui laisse à l’autre sa part de (plus ou moins) bonnes raisons de mal s’y prendre, et ce pour deux raisons :
– C’est bon pour la relation d’éviter l’escalade en conflit lorsqu’il n’est ni utile ni nécessaire.
 – C’est plus agréable de préserver la relation que de nourrir le ressentiment.

Je vais donc vous proposer une façon de faire face à l’agressivité en deux étapes

  1. Comment rester calme et serein(e), parce que ça permet de gérer l’agressivité d’autrui plus facilement sans y laisser des plumes.
  2. Le truc en plumes : offrir à l’autre non pas un réceptacle à mauvaise humeur, non pas un miroir désobligeant, mais un atterrissage en douceur dans un espace relationnel moelleux, subtil mélange d’accueil de l’autre (et non pas de son comportement), de chaleur humaine, de bienveillance et d’affirmation de soi. Plutôt qu’il vous vole dans les plumes, au lieu de vous protéger d’un bouclier et de le renvoyer bouler, vous allez pouvoir mettre en place un truc en plume et ainsi jouer la relation plutôt que le renfermement sur soi.

Et puis être en mesure d’accueillir moelleusement, c’est très très bon pour l’estime de soi. On est bien plus durablement fier et heureux d’avoir désarmé l’abruti du jour et résolu la situation plutôt que d’avoir nourri son égo à coup de malbouffe pour l’âme en ayant eu le dernier mot.

Ca évitera les casseroles qui débordent, les incompréhensions qui dégénèrent en conflit tout en faisant de la place au désaccord, à l’expression des besoins, des opinions, des valeurs. Quelque soit la nature de la relation professionnelle: manager, collaborateur, collègue, partenaire, client, fournisseur etc. Je vous donne donc rendez-vous pour la suite de ce billet:

  • Partie (2) – Rester calme face à l’agressivité
  • Partie (3) – Agir face à l’agressivité : le truc en plume

 

*Cette fiction audio proposée par France culture dépeint avec une férocité implacable la brutalité des rapports humains qui sévissent dans le monde du travail. A écouter ici :

Les illustrations font partie du projet Sans peur et sans reproche sur lequel je travaille avec la talentueuse Florence Marguerat, dont vous pouvez voir les créations sur son Instagram:

 

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Aller plus loin

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