Fausses bonnes idées: faire à la place des autres

Sylvaine Pascual – Publié dans Entretenir des relations saines             Share/Bookmark

Pour apprendre ou montrer aux autres comment faire ou tout simplement gagner du temps, nous sommes parfois tentés de faire à leur place. Magistrale fausse bonne idée qui génère dépendance et frustration: un vrai gâchis pour la relation.

SuperDependantFaire à la place de l’autre, quels bénéfices?

Le matin, la salle de sport que je fréquente est à moitié vide, et l’atmosphère est très tranquille. Sauf l’autre jour, où une maman et son fils d’une quinzaine d’année ont réussi à déclencher une série de gobilles rondes comme des soucoupes, éberluées par la scène qui se jouait.
D’une voix forte, Maman dirige, explique ce qu’il “faut” faire, ordonne, recadre, le “fais-pas-ci-fais-pas-ça” du sport, en somme. Fiston intimidé a un peu de mal a mettre l’appareil sur lequel sa mère vient de le propulser en route. Maman s’énerve, écarte la main de fiston d’un geste sec et rentre les informations dans l’appareil en maugréant sur l’absence de réactivité de son fils.

L’exemple est bien entendu extrême, certes, cependant, auquel d’entre nous n’est-il jamais arrivé de finir par faire quelque chose à la place d’un môme, d’un collègue, d’un proche, pour faire avancer les choses plus vite ou pour lui montrer comment faire? Combien de parents nourrissent à la becquée des enfants de plus de 5 ans ou continuent bien au delà à leur couper leur viande? Combien de chefs hésitent à déléguer pour être sûrs que le travail soit “bien fait”? On parle beaucoup de la répartition inégale des tâches ménagères dans les couples, cependant combien de femmes ne laissent pas leur conjoint faire parce que les résultats ne sont pas à la hauteurs de leurs attentes?

Bien entendu, nous faisons à la place des autres pour leur bien, pour le bien de la famille, de l’entreprise etc. Pour aller plus vite et leur montrer comment faire. Le problème, c’est qu’en agissant de la sorte, nous nous posons en sauveur qui au fond est un vrai persécuteur et ça, nous le savons, c’est une fausse bonne idée.

Dépendance mutuelle et relations pourries

Zorro, Batman et tous ceux qui occupent une place de choix au Top 50 des Super Sauveurs risquet fort, à plus ou moins long terme,  de récolter des lauriers… un peu fânés. Et de voir leurs sauvés s’agacer de ce qu’ils sont rendus passifs par la présence de leur héros. Nul besoin d’apprendre à faire fonctionner un appareil de salle de sport si Super Maman et là pour le faire à votre place. Seulement, c’est pas très valorisant d’être dépendant et il y a grand risque que Fiston en nourrisse un ressentiment profond, moisissure garantie pour la relation.

Les conséquences relationnelles négatives pour nos super héros ne s’arrêtent pas là: on finit par attendre d’eux qu’ils soient là chaque fois qu’on a besoin d’eux, et c’est bien normal, puisqu’ils nous ont habitués à ça. Ils nous infantilisent, ils nous rendent dépendants? Qu’à cela ne tienne, nous allons les rendre corvéables à merci, puisqu’ils n’existent comme sauveurs que parce que nous acceptons qu’ils endossent ce rôle.

Disons-le tout net: il n’y a que dans les films (et BD) que les Super Sauveurs reçoivent la reconnaissance béate qu’ils attendent de ceux qu’ils ont infantilisés. Dans la vraie vie, la déception est à la hauteur de l’attente, chacun est frustré, agacé, insatisfait d’une relation qui échoue à s’inscrire sur un pied d’égalité. Et tout le monde finit dépendant du bon vouloir de l’autre, qui au vu des circonstances, est bien mince.

Sortir des rôles, un merveilleux investissement sur l’avenir

La bonne nouvelle, c’est que nous ne sommes pas des Super héros. Y compris la maman de la salle de sport, nous sommes des sauveurs ordinaires, des sauveurs à la sauvette et nous ne sommes pas confinés dans ce rôle par des scénaristes qui dirigent nos destins.
Nous pouvons réécrire notre façon d’être en relation, sortir des rôles relationnels et choisir d’utiliser notre empathie, nos capacités à conseiller, à écouter, à soutenir, à encourager, à prêter main-forte, à rendre service à bon escient, et à laisser aux autres la possibilté d’apprendre à leur façon, en toute autonomie. Et de leur laisser la responsabilité de nous demander de l’aide s’ils en ont besoin.

En laissant de la place aux autres pour qu’ils apprennent à faire et fassent à leur manière, nous les aidons ainsi à apprendre plus vite, à leur façon et à développer leurs capacités. Nous leur permettons de devenir autonomes et débrouillards, à développer leur estime d’eux-mêmes et leur confiance en eux, et par ricochet à devenir plus entreprenants.
L’idée est de faire en sorte que l’autre sache que vous êtes là pour lui s’il en a besoin, et que cet aide prenne la forme la plus adéquate pour lui (et surtout pas faire à sa place).
Et si l’affaire prend un peu plus de tmps sur une période donnée, rappelez-vous que les bénéfices sont bien supérieurs à celui, illusoire, que vous cherchez en faisant à la place de l’autre. C’est un investissement pour l’avenir, en termes de temps, d’indépendance mutuelle, de relations satisfaisantes et d’énergie.
Et puis quand Fiston saura se débrouiller avec l’appareil, Maman pourra aller se détendre au sauna.

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Pour aller plus loin

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4 Comments

  • philoartiste dit :

    il est vrai que Maman y va fort et cette quête du temps nous étouffe. Toutefois déléguer son travail et parfois soumis a réflexion sur la compétence des personnes à qui nous confions une tache. Il m’est arrivé de confier un job à quelqu’un de soit disant compétant et au final revenir sur la tache en question car il avait menti sur son CV.

    Le fait de demander me semble logique mais peu l’applique. Certains veulent nous aidé alors que l’on a rien demandé (les pires) et qu’en on a besoins d’eux plus personne car ils sont frustrés de les avoir envoyés boulés.

    Pour la dite maman j’espère qu’elle sera toujours là car le jour ou elle enverra promener fiston la frustration chez lui deviendra si grande qu’il pourrait tourner mal et la le boulot de maman n’aura servi à rien.

    Encore un bonne article merci coach 😉

  • Valérie dit :

    Il y a presque 6 ans, j’ai pris la direction d’une équipe où tout l’encadrement intermédiaire était en train de changer. En gros, je me suis retrouvée avec que des petits nouveaux qui devaient apprendre le métier. Comme je savais faire à leur place, j’aurais pu retrousser mes manches et tout faire. mais ça aurait fait trop, et j’aurais craqué vite fait !

    J’ai au contraire pris le temps de leur apprendre le boulot, de les former. Tant qu’ils n’étaient pas opérationnels, j’ai parfois fait à leur place, puis de moins en moins. Leur reconnaissance est une de mes plus belle satisfaction professionnelle ! Ils sont tous aujourd’hui autonomes, efficaces, et ont pour certains évoluer vers des postes gratifiants. 

    Donc oui, via mon expérience je partage l’avis de Sylvaine, il vaut mieux éviter d’être des sauveurs, et plutôt des tuteurs (dans le sens professoral, mais parfois aussi dasn le sens horticole) !  

    Valérie

  • Amélie dit :

    Ca me rappelle mes cours de maths à l’école, pour lesquels j’ai eu quelques difficultés pendant 2 ans… Quand j’ai décidé de me remettre sur pied dans cette branche-là, j’avais demandé à une fille qui redoublait pour photocopier son cours (les réponses aux exercices qu’on travaillait à l’époque). De cette façon, je voulais comprendre seule tranquillement chez moi en décortiquant chaque exercice (ils faisaient parfois 2 ou 3 pages), voir un peu le fil conducteur des exercices etc… C’est en apprenant seule, en cherchant (même si ça prenait parfois plus de temps que prévu), en décortiquant etc, toujours seule, que j’ai réussi à gérer correctement (j’ai fini par avoir les meilleurs points de la classe dans cette branche-là, ce n’était pas mon but mais c’est juste histoire de montrer à quel point ça peut nous amener bien plus loin que là où on l’espérait). Je pense qu’on apprend vraiment mieux et sur le plus long terme quand on se casse un peu (ou parfois beaucoup) la tête et quand on finit par trouver la solution par soi-même. Et puis quelle fierté pour soi ! Mais c’est vrai que j’ai parfois tendance à vouloir trop aider les autres aussi, par gentillesse, mais ce n’est pas toujours très utile pour eux finalement. Il faut que je me rappelle de ces cours de maths un peu plus souvent !

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