Les talents inutiles (1) : inappétence et risque de zombification

Miser sur les appétences, car comment être impliqué et heureux(e) quand on déteste ce qu'on fait?

Les talents inutiles se déclinent en deux versions, dont la première, si on n’y prête pas un brin d’attention, nous met en bonne voie de zombification de boulot: bosser décérébré en exploitant ces compétences ou qualités que vous n’aimez pas ou qui vous coincent dans des cases éloignées de vos aspirations.

Miser sur les appétences, car comment être impliqué et heureux(e) quand on déteste ce qu'on fait?

 

Le spleen de la go-go danseuse

Vous je ne sais pas, mais moi j’aime bien les films de zombies. D’ailleurs je vous l’ai déjà dit ici et là:

L’une des raisons, c’est qu’ils peuvent être assez non discriminants (tout le monde peut y passer, même Bruce bubonnant) et parce qu’ils font parfois la part belle à de vraies héroïnes qui ne sont ni la décoration, ni les faire-valoir de héros virils biberonnés au stéroïdes.

Développement personnel: l'indispensable personnalisation et appropriation des outils

Parmi ceux-là, Planet terror est de loin mon préféré : sa facture vintage, son humour féroce, ses avalanches de références, ses emplois à contre pied et sa délicieuse héroïne unijambiste à qui l’apocalypse va permettre de se réaliser.

Mais j’arrête de me prendre pour un critique de cinema et j’en viens à mon propos. De son propre aveu et avec un poil de cynisme a-quoi-boniste, l’héroïne en question collectionne les talents inutiles, comme par exemple le numéro 66, sa souplesse, lui permet de pouvoir faire le pont. Ce qui n’a rien à voir avec un jour férié.

Talents inutiles: ce pour quoi nous sommes doués mais que nous n'aimons pas faire, ou qui nous coincent dans ce que nous ne voulons pas faire

Jusqu’ici ce talent ne l’a amenée qu’à développer le talent N°12 : la pole dance, qui l’a amenée à devenir go-go danseuse dans un bouge mal famé. Ce qui visiblement la ravit pas particulièrement, au point qu’elle lansquine des lampions sur scène, et les mirettes humides de spleen, ça plaît moyen à son employeur car les RH des bouges veulent de l’employé engagé qui ne pourrit pas l’ambiance. Bref, traduisons en termes d’employabilité: un vrai talent pour son job, mais complètement démotivée, ce qui la rend incompétente. Et on la comprend: comment être impliqué(e) quand on déteste ce qu’on fait? 

L'inappétence rend le travail démotivant et peu porteur de sens, même quand on est doué(e) pour 

Inappétence et zombification de boulot

Comme pour Cherry Darling bien à l’étroit dans sa non vocation de go-go danseuse, vos talents peuvent aussi vous sembler parfaitement inutiles justement parce qu’ils vous collent dans des cases qui laissent peu de place à l’expression de vos aspirations et répondent davantage aux préjugés, à ce que le monde, la société et l’Oncle Alfred attendent de vous.

Les talents inutiles peuvent aussi être cela : des choses que vous faites bien et que vous n’aimez pas, ou peu, ou pas assez, qui ne vous amènent pas toujours où vous voulez aller, qui peuvent vous coincer dans ce que vous ne voulez pas être, au risque de passer à côté de vous-mêmes. Bref, ce sont les inappétences dans lesquelles vous vous retrouvez pris au piège et qui vident le travail de sens et d’intérêt, au risque de finir zombifié:

le management biohasardeux et les zombies de travail

Pourtant, si Cherry Darling avait fait un bilan de compétences, en guise de reconversion inspirante, on lui aurait sans doute suggéré de devenir strip-teaseuse, vu sa souplesse et ses compétences de pole-danseuse. Soit un peu plus de la même chose, juste légèrement différemment, plutôt que d’imaginer une utilisation intéressante et inattendue de ses talents, ou plutôt que de s’intéresser à ces appétences. Au risque de finir zombie de boulot, trimant en mode décérébré, car:

L'inappétence rend le travail inepte, le travailleur inapte 

De la compétence à l’appétence

Et nul besoin d’avoir un bullshit job, un job de merde ou de danser dans un bouge mal famé pour se sentir piégé(e) dans le manque de sens et l’inappétence: ça peut concerner n’importe quel boulot, pour peu que vous n’ayez pas de goût suffisant pour.  Ainsi dans une vie professionnelle antérieure, mon aisance naturelle en anglais et la maîtrise de la langue m’ont menée tout droit à devenir prof de Prépa où je me suis fait tartir à cent sous de l’heure. Car j’aimais l’anglais – Ah, Melville ! – j’aimais les élèves, mais je n’aimais ni le Globish ni l’enseignement.

Or nul n’est condamné à l’obligation de faire quelque chose juste parce qu’on est bon dedans. La logique compétences à ses limites, vous pouvez aussi explorer ce que vous avez envie de faire et mettre de côté ce que vous n’aimez pas faire. C’est l’accès direct au plaisir de travailler. Et si ça nécessite un peu de job crafting (pour exprimer vos appétences à votre N+1, lui faire des demandes spécifiques, déléguer, manager par les appétences etc.) vous savez où me trouver !

Et vous, que savez-vous faire, que faites-vous bien et que vous n’aimez pas faire ? Que vous n’avez plus envie de faire?

 
Et parce que ce sont finalement ses talents inutiles qui vont permettre à Cherry Darling de mener une fulgurante reconversion professionnelle dans un monde salement compliqué, je vous propose de voir la semaine prochaine comment “faire boutique de ce qu’on est”;)


Voir aussi

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Le boulot idéal: une réalité à inventer?
Job crafting: devenir l’artisan de son propre plaisir au travail
Les talents naturels, passeport pour le plaisir au travail


Aller plus loin

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