Chronique d’une reconversion annoncée : l’hybridation des métiers

L'hybridation des métiers: chronique d'une reconversion annoncée

 

Il se pourrait que notre futur professionnel soit plus bucolique que nous l’avions imaginé, puisque c’est dans la pollinisation croisée que se trouve l’avenir de nos métiers. En effet les mutations du monde du travail, le numérique et les nouvelles technologies donnent naissance à des métiers de plus en plus hybrides, qui sont une mine d’opportunités, en particulier pour ceux qui s’ennuient dans des jobs trop monotâches pour leurs théières en ébullition.

L'hybridation des métiers: chronique d'une reconversion annoncée

 

Disparitions, apparitions, les métiers en pleine évolution

On parle beaucoup de disparition de métiers sans voir plus loin que le bout de notre nez : chaque révolution industrielle a été responsable de mutations profondes du mode du travail, de la disparition d’un certain nombre de métiers, victimes de robotisation et d’automatisation, tout en donnant naissance à d’autres métiers liés au progrès technologiques ou aux évolutions sociétales et c’est très probablement ce qui est en train de se passer : non, demain nous ne serons pas tous sans emploi, remplacés par des hubots potentiellement mal intentionnés. Les métiers naissent comme ils meurent et l’idée est de garder un œil sur les évolutions du sien, histoire d’aller avec le flot et si nécessaire d’anticiper une reconversion annoncée plutôt que de se retrouver acculé et démuni face à une transformation qu’on n’avait pas vue venir et qui nous laisse obsolète, l’employabilité tronquée.

D’autant que les métiers de demain ne sont pas ceux que nous croyons, ils sortent rarement du chapeau des experts: ils émergent de façon inattendue, imprévisible et souvent débridée. Et ces métiers sont de plus en plus hybrides.

reconversion professionnelle métiers de demain

 

L’hybridation des métiers

Schématisons : l’hybridation des plantes ou des animaux est censée les rendre plus résistants, plus (re)productifs et plus adaptatifs, plus intéressants aussi, tout en leur conférant un patrimoine génétique varié, ce qui les préserve des méfaits de la consanguinité. C’est pareil pour les métiers et la vie professionnelle ! Les métiers hybrides sont des professions qui nécessitent la conjugaison de compétences diverses, parfois une multi-expertise, qui permettent soit d’exécuter des tâches variées au sein d’un même poste, soit de gérer des situations complexes. Cette fécondation croisée entre plusieurs expertises ou des compétences liées à des métiers/secteurs différents correspond à l’émergence de nouveaux besoins dans les entreprises et les métiers et fonctions hybrides pourraient devenir la norme de demain.  Ce qui signifie que la capacité à hybrider sa vie professionnelle pourrait être le Darwinisme du l’avenir professionnel : les plus capables de s’adapter s’en sortiront le mieux.

Les publications sur l’hybridation des métiers sont souvent concentrées dans les domaines numérique et technologique, parce que les exemples y sont évidents. Ainsi la montée du big data nécessite la création de métiers adaptés et il y a fort à parier que l’émergence fulgurante de la blockchain ne donne naissance à de nouvelles fonctions, exactement comme l’apparition des voitures à inventé des métiers tels que chauffeur, mécanicien ou pompiste. La différence réside dans la complexité des métiers émergents et leurs exigences de compétences multiples et dissemblables et la grande tendance est à la fécondation croisée de la technologie et du business. Voici quelques exemples piochés ici:

 – Architecte informatique santé qui nécessite des compétences en épidémiologie, en santé publique et en informatique.
 – Data Scientist qui demande des compétences en analyse de données, en communication ainsi qu’en stratégie d’entreprise
 – Ingénieur marketing : « Il peut être un homme du marketing classique qui a un attrait très fort pour la « data », ou bien il pourrait être issu du monde IT à condition d’avoir déjà une solide connaissance du marketing de l’entreprise. » explique ce billet.
 – Professionnel des contenus qui conjugue des compétences de responsable des archives, d’analyse et de gestion de contenus ainsi que de sécurité informatique, selon InfoDSI

Mais croisements et métissages professionnels ne se limitent pas à ces secteurs. Potentiellement, ils peuvent concerner tous les domaines et les métiers et être facilités ou générés par les progrès technologiques. On voit aujourd’hui des agriculteurs qui utilisent des drones, des plombiers qui deviennent artisans de la e-cigarette et c’est par l’hybridation que s’invente ces nouveaux métiers.

Chronique d'une reconversion annoncée: hybridation des métiers

 

Métiers hybrides: l’avenir du travail?

Selon une étude de l’université de Bentley, la proportion de fonctions qui nécessitent des compétences au croisement de deux métiers ou plus explose. D’autre part, des compétences toutes récentes et hier très recherchées sont passées d’innovantes à ordinaires, comme celles de social media strategist, pour qui la demande a chuté de 64%, alors que le demande en compétences en management/stratégie des média sociaux a fortement augmenté à l’intérieur d’autres secteurs comme les RH (+376%) ou les fonctions commerciales (+150%). De même, les web designers sont moins demandés (68%) alors que les compétences en web design dans le marketing et RP a augmenté de 11%.

Déjà qu’avec l’humain augmenté, nous allons tous finir par valoir trois milliards, il se pourrait bien aussi que professionnellement, nous devenions tous centaures ou hommes à têtes de chou, fruits hybrides de pollinisation croisée entre deux métiers. L’hybridation est non seulement en cours, elle est galopante et ceux qui resteront aveugles à ces évolutions ont de forte chances de rester sur le carreau. Il se pourrait bien que les métiers en voie de disparition ne soient pas exactement des grandes catégories de métiers, mais des métiers non hybridés, comme le souligne le site Inc. parce que l’hybridation rend la fonction beaucoup plus difficile à robotiser ou à automatiser. Ce qui signifie que l’avenir de nos métiers et de l’employabilité passe par une reconversion – même partielle – annoncée et cette tendance se perçoit de plus en plus, comme le montre cet article de la Tribune qui confirme que les profils à compétences multiples “rassurent”. Il y a trois forment de pollinisation croisée :

 – Hybridation des fonctions : de plus en plus de fonctions deviennent hybrides et englobent des compétences techniques autant que des qualités relationnelles et humaines, comme la communication ou la capacité à collaborer ou encore des compétences spécifiques à notre époque : l’analyse de données, la force de conviction (parfois réduite aux compétences commerciales) ainsi que la capacité à l’interdisciplinarité.
 – Hybridation des métiers existants : le bouturage de compétences issues d’un métier à un autre métier.
 – Émergence de métiers hybrides : de nouveaux métiers voient le jour parce que les progrès technologiques rendent leur existence possible, souhaitable, nécessaire et ces métiers se situent au confluent d’au moins deux métiers/fonctions.

C’est donc l’hybridation qui garantira la durabilité d’une activité professionnelle et sa capacité à fleurir et prospérer sur les terrains les plus inattendus. A l’évidence, ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, en particulier pour ceux qui se sentent plus à l’aise dans des métiers monothèmes ou aux tâches peu variées. Mais pour les autres, c’est une mine d’opportunités.

reconversion hybrider pour garantir la durabilité du métier

 

Une mine d’opportunités et une source de plaisir au ttravail

Ces évolutions ultra-rapides peuvent être considérées comme épuisantes et difficiles à suivre. Les web designers ultra-spécialisés et déjà obsolètes l’ont sans doute saumâtre de se retrouver avec une concurrence à la connaissance plus superficielle de leur métier, mais suffisante pour l’hybrider à d’autres secteurs et domaines d’activité.

En même temps, cette possibilité de bouturer et polliniser des métiers pour créer de nouvelles fonctions est une mine d’opportunités, en particulier pour les multipotentialistes et plus généralement tous ceux qui aiment la diversité dans le quotidien professionnel, qui peuvent rapidement tourner en rond dans une fonction trop étriquée on intellectuellement monothème. L’hybridation peut être une source immense de satisfaction pour eux parce qu’elle est source de variété dans les tâches, de la stimulation intellectuelle, d’actualisation régulière des compétences et le tout s’avère très roboratif. D’autre part, elle leur permet d’exploiter leurs 3 superpouvoirs pour devenir les Iron Man du bouturage des métiers.

Les multipotentialistes ont 3 super pouvoirs pour identifier une voie de reconversion

L’hybridation ouvre donc un vaste champ des possibles pour les transitions de carrière et pour diversifier les sources de plaisir au travail:

 – Personnaliser une fonction: une sorte de job crafting extrême qui consiste à hybrider une fonction existante avec des compétences nouvelles ou issues d’un autre domaine, qui peut donc être fait sans changer d’entreprise, être un moyen de redonner du sens à sa carrière, d’y trouver un autre élan, un second souffle. Surtout quand les compétences ajoutées sont au cœur de nos appétences et de ne sources d’intérêt.
 – Assouvir une soif d’apprentissage: ceux qui aiment être en constante évolution et apprendre sans cesse de nouvelles compétences peuvent y trouver un moyen de se renouveler régulièrement et d’évoluer professionnellement en fonction des fluctuations de leurs centres d’intérêts.
 – Inventer de nouveaux métiers ou a minima de nouveaux produits, comme dans les exemples vus plus haut: le plombier qui créée des e-cigarettes ou les drones dédiés à l’agriculture.
 – Changer de métier : plus facilement, à partir du moment où le candidat à la reconversion s’appuie davantage sur ses appétences que sur ses compétences et parfois même sans avoir à repasser par une case formation coûteuse en temps et en énergie.
 – Rebondir en seconde partie de carrière : un avantage pour les seniors, parce que potentiellement, ils ont suffisamment de bouteille professionnelle pour avoir exploré divers centre d’intérêts et pouvoir inventer des hybridations à sacrée valeur ajoutée à partir de leurs compétences et d’une spécialisation dans un autre domaine. Que ce soit par désir ou pour élargir le champ de l’employabilité, leur profil devenant alors plus important que leur âge.

Ces métiers émergents représentent donc des opportunités pour toutes les générations qui cherchent des métiers dans lesquels concilier la diversité de leurs sources d’intérêt – avec à la clé un plaisir au travail décuplé – d’autant que nombre de ces compétences peuvent s’acquérir sur le tas ou ne nécessite qu’un complément de formation, comme l’indique cet article.

La reconversion dans l'artisanat, une aubaine

 

Hybridation pour tous!

Dans l’économie numérique, l’hybridation donne des métiers qui exigent des compétences de programmeurs associés à des compétences dans le design, le marketing et l’analyse. Managers produits, UX designers, digital marketers, les nouveaux métiers qui émergent sont le fruit de l’évolution technologique et professionnelle, aussi les formations sont évidemment en retard, et vu l’accélération des changements, il y a fort à parier que l’enseignement supérieur ne pourra plus qu’être en retard s’il se contente d’enseignement technologique et omet d’enseigner l’hybridation professionnelle.

Cela signifie aussi que, contrairement à toutes les idées reçues qui veulent que les seniors soient l’origine de tous les maux de l’entreprise avec leur immobilisme jurassique, ces nouveaux métiers ne sont en aucun cas réservés à des jeunes diplômes qui seraient tombés dans l’hybridation quand ils étaient petits et auraient par nature une agilité encéphalique bien supérieure à celle de leurs sinistres aînés. Ils n’ont pas plus appris à le faire et les métiers émergents sont souvent générés par des personnes déjà bien installées dans la vie professionnelle et qui voient les nouveaux besoins sourdre devant leurs yeux suffisamment aiguisés pour les repérer. Le métier de community manager n’a pas été inventé par des digital natives, mais bien hybridés par des trentenaires et quarantenaires devenus très tôt adeptes des réseaux sociaux qui ont anticipé les formidables opportunités qu’ils représentaient.

Il y a aussi des métiers hybrides moins technologiques et moins business : ainsi le mien, dans lequel j’associe des compétences diverses: mon travail de coach, l’écriture, le community management, diverses interventions, la réflexion sur le plaisir au travail et l’ingénierie de l’accompagnement. C’est une façon pour moi de palier à une expression qui serait trop partielle de ce que j’aime faire, et de conjuguer dans ma vie professionnelle tout ce qui satisfait ma cafetière. On peut donc imaginer l’hybridation de n’importe quel métier et quand les publications récentes sur la disparition des métiers s’étonnent du renouveau de métiers anciens, c’est un défaut d’analyse : la période se prête à la réinvention de métiers anciens, par l’hybridation ou par l’innovation, autant qu’à l’émergence de métiers totalement nouveaux. Voir par exemple:

réinventer son métier pour se libérer au lieu de crouler sous les contraintes

 

Hybridation et reconversion

Quel que soit votre âge, ne vous laissez donc pas impressionner par l’apparition d’un mot qui donne à croire que c’est une nouveauté, donc réservé à des « jeunes ». Dès lors qu’on met un nom sur une tendance, c’est bien qu’elle s’est suffisamment installée pour nécessiter une dénomination. Mais l’hybridation n’a rien de nouveau. La disparition des assistant(s) au profit d’une diversification des tâches des managers en était déjà une. D’ailleurs, le passage à une fonction managériale est déjà, le plus souvent une hybridation du métier d’origine puisqu’il s’agit d’ajouter des compétences relationnelles et managériales au portefeuille de compétences techniques. De même, la création d’entreprise est une hybridation majeure, puisqu’elle suppose le développement de compétences connexes qui n’ont rien à voir avec le métier d’origine.

Inversement, ça peut être un challenge épuisant pour ceux qui sont plus à l’aise dans des environnements plus stables et moins dispersés. Le site hr.com  souligne que l’hybridation peut être vecteur de burnout lorsque la multiplication des casquettes professionnelles devient inconfortable. Il est donc essentiel d’évaluer très précisément les attentes, les désirs et les besoins de façon à mettre le futur métier à sa main en fonction de soi et ne pas se retrouver à devoir s’y suradapter.

L’hybridation étant par nature débridée, il devient de plus en plus évident que chercher à « trouver sa voie » est une vision vieillissante de la vie professionnelle et qu’il s’agit de plus en plus d’apprendre à inventer une voie pour soi-même et par soi-même, à un moment donné de votre vie professionnelle, y compris au confluent de plusieurs métiers ou fonction, que d’imaginer trouver le job de vos rêves et y rester toute votre vie professionnelle.

Et c’est tant mieux! Voilà qui ouvre encore le champ des possibles, pour peu qu’on laisse libre cours à son imagination et à ses aspirations pour inventer son propre itinéraire professionnel;) Et nous verrons prochainement comment hybrider un métier.

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Aller plus loin

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