Procrastination et perfectionnisme: mythe ou réalité?

le perfectionnisme, contrairement aux idées reçues, n'est pas cause de procrastination

 

Traditionnellement, le perfectionnisme est considéré comme le grand responsable de la procrastination. Or, nombre de recherches réfutent cette thèse.Related Posts with Thumbnails Mais le mythe à la peau dure, d’autant qu’il est une explication qui a l’air noble, face à un comportement bêtement associé à de la paresse ou à de l’incapacité à s’organiser.

 

le perfectionnisme, contrairement aux idées reçues, n'est pas cause de procrastination

 

 

 

Explication classique… et erronée

 
La propension à vouloir toujours rendre des travaux irréprochables serait un facteur de procrastination majeur, comme le salarié ou l’étudiant qui passe des heures à chercher des informations supplémentaires pour produire un rapport ou une dissertation parfait(e) au lieu de s’atteler à la rédaction. Ce qui revient à fonctionner selon l’adage “le mieux est l’ennemi du bien”.

Car, et au risque de  défoncer une porte blindée ouverte depuis des lustres et de gagner la prix de la platitude de l’année: la perfection n’existe pas. Au coin du bois donc, découragement, insatisfaction et déceptions guetteraient le perfectionniste patenté. Au fur et à mesure, la procrastination s’amplifierait, jusqu’à devenir paralysante au point de préférer jouer à World of Warcraft ou répondre à ses mails que d’entreprendre quoi que ce soit.

Seulement voilà: tout cela tient plus du mythe que d’autre chose.

 

 

Le perfectionnisme n’est pas facteur de procrastination

 
Chercheur sur la procrastination, le professeur Piers Steel, Docteur en psychologie, de l’université de Calgary (Canada) s’insurge contre cette théorie. D’après lui, ceux qui expliquent la tendance à remettre à plus tard par le perfectionnisme ont tout faux: les perfectionnistes procrastineraient moins que la moyenne.

Publiés dans Psychological Bullettin en 2007, les résultats de ses recherches voient à l’origine de la procrastination un savant mélange de degré de confiance en soi face à la tâche, de valeur de la tâche accomplie, de sensibilité aux délais et nient l’influence du perfectionnisme.
Son point de vue semble confirmer par des études plus récentes, comme celle du Dr Çapan*, de l’université d’Anadolu qui a montré que les profils perfectionnistes sont dans l’ensemble moins sujets à la procrastination.Selon diverses sources, seuls 7% des procrastinations sont liées au perfectionnisme.**

 

 

Associer procrastination et perfectionnisme: une vraie fausse bonne idée

 

Selon Piers Steel, ce mythe viendrait tout simplement du fait que les perfectionnistes procrastinateurs auraient beaucoup plus recours à l’aide de professionnels que les non perfectionnistes, ce qui aurait créé une illusion de cause à effet.
Mais utiliser le perfectionnisme comme explication à sa propre procrastination a un bénéfice important: elle permet de conserver une meilleure image de soi-même que d’autres explications plus solides comme le manque d’estime de soi ou le déficit d’auto-régulation.
Alors finissons-en une bonne fois pour toute avec cette idée reçue particulièrement dommageable: l’erreur de diagnostic signifie un traitement inadapté.  Donner le perfectionnisme comme responsable de la procrastination pousse à mettre en oeuvre tout un tas de techniques clés en main parfaitement contre-productives puisqu’elles vont renforcer la procrastination, comme le savent parfaitement les procrastinateurs de haut vol qui s’y sont risqués:
  • La to-do list (ennemi N°1 du procrastinateur)
  • L’établissement d’objectifs très planifiés et la priorisation systématique
  • Le découpage en une myriade de petites actions
  • La récompense posée en amont de l’action (la recherche a montré qu’elle tue la motivation intrinsèque)
  • Se “discipliner” à coups d’habitudes et de gestion du temps rigide

Quoi qu’il en soit, parce que le perfectionnisme peut s’avérer pénible, commençons par admettre que toute tâche accomplie, y compris de manière imparfaite, vaut mieux qu’un travail resté à l’état d’idée métaphysique en couveuse dans les méandres obscurs de notre cerveau.

 

 

*Relationship among Perfectionism, Academic Procrastination and Life Satisfaction of University Students – Bahtiyar Eraslan Çapan

**Procrastination and the Perfectionism Myth – Psychology Today

 

 

Voir aussi

1001 procrastinations
Accueillir la procrastination
Faut-il vraiment se débarrasser de la procrastination?
Outil anti procrastination (mais pas seulement): la simplicité
Procrastination et estime de soi
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Aller plus loin

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15 Comments

  • MADmoiselle dit :

    Je vais le dire comme je le ressens.
    Quand je remets quelque chose à plus tard, ce n’est pas forcément par perfectionnisme, c’est plutôt par crainte : de terminer, de ce qui arrivera après, de ce qui découlera de ce que j’ai fait quand ce sera terminé.
    Le perfectionnisme, certes, me poussent à toujours chercher plus, à relire, à vérifier, etc. mais ce n’est pas pour repousser l’échéance, c’est là aussi par crainte : d’avoir fait une erreur, d’avoir laissé une coquille, de n’avoir pas éteint le gaz 🙂 (bon, OK, ça, c’est un TOC).

    Mais ce n’est qu’un point de vue personnel…

  • MADmoiselle dit :

    Le manque de confiance en soi, ah, oui, c’est tout à fait ça !

  • Je suis perfectionniste, mais dans mon métier c’est un atout et une qualité… Par contre depuis une grave maladie, je ne suis plus perfectionniste dans ma vie. J’essaie de faire une coupure. Merci pour cet article. MA

  • Manucyan dit :

    Bonjour !
    J’aime votre dossier sur la procrastination il m’est très utile et remet en effet en question les remèdes “classiques”.

    A propos de cette page, en fait on peut partager le perfectionnisme en deux :

    – Le “sain” : il va accorder de l’importance à une tâche proportionellement à sa valeur, il sait quand s’arrêter, il a des pensés réalistes, et il est plutôt cool comme personne, trop paresseux pour mal travailler, no stress ?

    – Le “malade” : Il a les yeux plus gros que le ventre, tout est infiniment important, il utilise le temps à crédit et rend à l’impression que ses travaux rendus [souvent en retard!] sont toujours bâclés !

    Personellement, je pense que c’est le second cas qui va être mijoté par la procrastination …

    Egalement que le perfectionnisme serait un catalyseur de la procrastination et non un critère indispensable.

  • dorival dit :

    je procrastine moi-même un peu…Mais je dois bien avouer qu’il s’agit plutôt de tâches ininterressantes,comme:payer des factures,ça m’arrivait d’attendre le rappel,faire mes comptes…en général tout ce qui touche à la paperasse.Et là le besoin de perfectionnisme ne rentre pas en compte à mon avis.

  • Edith dit :

    Si les uns et les autres vous parvenez à savoir dans quels cas vous procrastinez et pourquoi, je vous félicite : vous sûrement prêt de la sortie du tunnel !

     

    Quand je remet demain (et là, j’en suis à 200 lendemains environ) la corvée de repassage ; quand de repousse à trop tard courrier qui me permettrait peut-être de récupérer 500 ? liés à un problème de paperasse ; quand je remets à plus tard le dossier que m’a confié mon chef, le coup de fil que je dois donné, le courrier promis à une amie et qui est pourtant déjà rédigé dans ma tête, quand je repousse le moment où j’irai au labo faire la prise de sang prescrite, la recherche d’un cours de peinture ou de danse qui me fait envie etc…. Qu’est-ce que tout ça a de commun ? Je ne sais pas : ici j’identifie de la paresse (n’en déplaise à Sylviane) ; là la peur de ne pas savoir faire ; ailleurs la crainte d’une peur encore plus grande…

     

    Bon, c’est certain, mon estime de moi-même est très basse, en plus de procrastiner je suis sans doute atteinte du syndrome de l’imposteur. Et, comme le cerveau adore avoir raison, je fais bien sûr tout ce qu’il faut pour qu’il ait raison…

     

    Quelques petites séances de coaching me seraient-elles utiles ? Je ne sais pas; tout ça est si compliqué et ancré depuis si longtemps….

  • dhimiter kasapi dit :

    le perfectionisme et aussi une mécanisme de defense.Donc on se soumett sous l’imperatif du perfection pour combler entre autre la manque de confiance en soi.

  • Silvia dit :

    Bonjour,
    Si le perfectionnisme c’est passer du temps à faire des recherches pour étayer un dossier en cours, ça ne fait pas avancer sur le moment, bien sur, mais le résultat sera plus satisfaisant pour celui qui fait et pour ceux qui jugeront le résultat.
    Pour moi, dans ce cas, c’est une bonne procrastination, intelligente. On s’écarte momentanément du sujet pour mieux y revenir.
    Si le perfectionnisme c’est passer TROP de temps à faire des recherches, au risque de dépasser la deadline, alors là, c’est une mauvaise procrastination. Elle est cause d’anxiété et de stress.
    La confiance en soi, et en son dossier, vient quand on a suffisamment fait de recherches pour que celui ci soit crédible, de bonne facture et rendu dans les délais.
    Quand on fait trop de recherche et dépasse les délais, on est perfectionniste pour le contenu et procrastinateur pour les délais.Le perfectionniste procrastine moins que la moyenne, mais il procrastine quand même !
    Personnellement, j’ai du mettre un mouchoir sur mon perfectionnisme pour être plus productive.
    Cela marche quand l’objectif est un résultat quantifiable. Par exemple obtenir une signature (oui ou non). J’y vais, je demande et la réponse est là.
    Abaisser son niveau de perfectionnisme ne fonctionne pas quand il s’agit de rendre un travail qualitatif. Si je rend un rapport faible en arguments, je vais être insatisfaite. Et ma hiérarchie me sanctionnera. Le tout est de doser son perfectionnisme pour pouvoir respecter les délais et ne pas se faire traiter de procrastinateur.
    Quoiqu’il en soit, les deux sont liés !

    • Pas tout à fait d’accord car il me semble que c’est la définition de la procrastination qui pose problème : le non respect des délais n’est pas nécessairement de la procrastination, tout ce qui est retard n’est pas de la procrastination. Inversement, procrastiner ne signifie pas tout remettre en retard. De même passer trop de temps à faire des recherche n’est pas nécessairement de la procrastination. Ca n’en est que si c’est un moyen insidieux, conscient ou pas, de ne pas se mettre à la tâche, ce qui n’est pas souvent le cas.

  • Je suis en total désaccord avec cette idée. Le perfectionnisme est une cause de procrastination tout à fait réelle et je peux donner une foule d’exemples et d’arguments qui vont en ce sens. Je suis moi-même une ultra-perfectionniste : c’est à la fois une cause de procrastination (panique devant l’ampleur de la tâche à accomplir que je veux irréprochable et conscience de ma lenteur exécutive extrême) et de retard dans l’exécution des tâches. Je connais aussi d’autres procrastineurs qui le sont par perfectionnisme. Et les “to do list”, planifications, découpages, discipline… sont des outils efficaces que j’utilise souvent pour limiter mes procrastinations, même si je n’y arrive pas toujours. J’étais assez consternée en lisant cet article car il n’avance aucun argument cohérent, à mon avis. Mais vu l’ampleur du sujet, et vu qu’il faudrait reprendre chaque phrase de l’article pour fournir des exemples… je préfère remettre à plus tard. 😉

    • Il me semble à moi que les recherches scientifiques parues dans des publications reconnues ont des arguments cohérents, d’ailleurs, vous faites certainement partie des 7% de procrastinations liées au perfectionnisme mentionnées dans le billet. Et tant mieux si ces techniques vous sont d’une efficacité acceptable, parce qu’elles le sont rarement;)

  • Nick dit :

    Bonjour Sylvaine,

    Je suis tombé sur votre article en cherchant des pistes pour sortir de mon perfectionnisme extrême ou de ma procrastination maladive, voire des deux. J’ai été interpellé car j’ai trouvé le sujet abordé trop brièvement et à l’encontre de ce que je ressens.

    Dans mon cas, le perfectionnisme est bien plus complexe que la simple volonté de faire quelques chose parfaitement. Il me faut : le bon moment, les bon outils, la bonne météo, le bon feeling, l’assurance du bon résultat, le bon déroulement, la bonne organisation et si possible encore les bonnes remarques qui s’en suivent … je suis sûr que j’en oublie. Mais ce n’est pas qu’une question de résultat. Çà finit par conduire à de l’insatisfaction permanente, constante et consistante, qui vous colle à la peau la marée noire sur les rochers.

    Si quand j’étais petit, disposant de certaines facilité, la réussite systématique m’a permis d’avancer et de me faire une image de quelqu’un de doué, la limite de ma réussite devant l’image de ce qu’elle devait être à mes yeux a fait de moi un adulte frustré et insatisfait, craintif et non entrepreneur. J’ai tout abandonné … Le simple fait de vouloir organiser des vacances me rend fou ! Vouloir le bon endroit, le bon prix, la bonne période, la bonne météo … va mettre la barre tellement haut que je ne vais pas m’y mettre sauf si on me donne un coup de pied aux fesses. J’ai des tas d’autres exemples. Ma vie n’est que ça.

    Je ne peux même pas utiliser les outils miracles qui ne le sont pas ! Aucun n’est assez parfait pour répondre au problème.

    Le perfectionnisme extrême conduit à la procrastination maladive. Et petit à petit, de se réfugier dans le divertissement pour oublier … on en devient totalement paresseux, à ne même plus savoir comment on en est arrivé là.

    Aujourd’hui je suis usé et au fond du trou. Je vais peut-être pouvoir enfin relativiser un peu et retrouver le chemin d’une vie plus sereine. J’espère que je ne fantasme pas trop d’ailleurs ma “guérison”.

    • Bonjour Nick et merci pour votre témoignage! Il montre que si les perfectionnistes procrastinent un peu moins que les autres, il peuvent aussi procrastiner:) Cependant, il me semble aussi que votre forme de perfectionnisme dépasse le cadre, disons “habituel” dont ce post parle et s’exprime d’une manière complexe.
      Du coup je comprends votre désarroi et je me dis que dans votre situation, les “outils miracles” du développement personnel, qui ne fonctionnent déjà pas sur les procrastinations chroniques et ont tendance à les renforcer, ne risquent pas non plus de vous aider. Peut-être que la thérapie est une solution (je me demande du coup si l’hypnose peut être une solution). Je vous souhaite de trouver rapidement de quoi retrouver un peu de plaisir et de satisfaction:)

      • Nick dit :

        Bonjour Sylvaine,
        Merci pour votre réponse.
        Je vais tenter de trouver une solution. Mais effectivement la complexité est très grande.
        Je me suis mis à méditer ces derniers temps (c’est à la mode, mais pour une fois la mode soutient une démarche vraiment bonne selon moi) et ça m’a permis de comprendre le phénomène (au moins une partie) qui entre en jeu. J’ai compris aussi un certain nombre de réactions que j’ai eues par le passé. Bref. La méditation m’a aidé à avancer.
        Ceci dit, c’est une armure. Un traitement symptomatique. Dès que je suis fatigué ou contrarié, les barrières tombent.
        En tout cas merci pour cet échange qui me fait réfléchir davantage sur moi.
        Et me fait entrevoir d’autres pistes …

        • Bonjour Nick,
          Effectivement, la méditation n’a plus a démontrer ses bienfaits, que lesquels toutes les études s’accordent. Cependant, c’est dans la durée que les bénéfices s’ancrent, aussi peut-être qu’il vous faudra un peu de patience avant que ses barrières deviennent assez solides pour résister à la fatigue et la contrariété.
          Je ne suis pas spécialiste de ces techniques, mais je me demande aussi si l’EMDR ou l’EFT pourrait vous aider. Y avez-vous pensé?

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