Communication: le “on”; qui a mal à son “je/nous”

Ce "on" qui n'ose par parler en son nom

Ce « on » délicieusement vague, masque flou derrière lequel se cache l’indéterminé polymorphe : singulier ou pluriel, sans genre et sans risque, merveilleusement non discriminant, déresponsabilisant, indubitablement  politiquement correct, à la neutralité presque luxembourgeoise, il a le défaut de ses qualités: il ne dit pas ce qu’il veut dire…

Ce "on" qui n'ose par parler en son nom

Le on indéterminé et déni d’individualité

Nous avons tendance à sous-estimer l’impact des mots que nous utilisons. Pourtant, nos choix sémantiques et syntaxiques sont le reflet de nos modes de fonctionnement, en particulier émotionnels et relationnels et de notre perception de la réalité.

Ils sont donc des moyens d’améliorer la connaissance de soi au travers de la valeur du mot choisi. Ainsi le recours au on délicatement impersonnel est révélateur de la relation que nous entretenons à ce que nous sommes en train de dire. Il n’engage pas, il ne prend pas parti, il ne s’implique pas, il n’a pas d’opinion. Bref, s’il est indolore, ce qui est son objectif, il est aussi inodore et sans saveur.

Et pendant lorsque le on s’exprime, ce sont le je et le nous qui souffrent, faute d’avoir le droit d’exister, muselés, rejetés dans les corbeilles à vider de notre ordinateur interne, mis au rebut des possibilités sémantiques. Et avec eux, c’est l’estime de soi qui trinque, interdite d’expression, d’implication ou d’opinion, autorisée seulement à une expression tronquée: être mouton du troupeau. D’un troupeau. On ne sait pas trop lequel;)

Le manque de je / nous qui  empêche d’avancer

Je plaide coupable, je n’ai pas résisté au jeu de mot douteux… cependant concrètement, l’abus du on dans nos discours montre une déresponsabilisation, un refus d’implication qui sous-entend plus de passivité, de soumission et de petits mensonges à soi-même que de motivation à changer ce que nous désirons changer ou d’acceptation.

En d’autres termes, ce on qui ne s’articule pas ne nous met pas en mouvement, bien au contraire: il nous entrave, nous freine, nous empêche d’avancer, d’être ce que nous sommes et d’agir en fonction de nous-mêmes. Réhabilitons le je et le nous, articulation de l’estime de soi, de l’affirmation de soi et donc du dynamisme nécessaire à la réalisation de nos projets.

Le on qui cache un je

Certains on sont plus ou moins consciemment choisis pour remplacer un je qui peine à s’affirmer par crainte du regard de l’autre, ou par manque d’assurance dans ses propres opinions, les deux étant le plus souvent intimement liés.

Je pense par exemple à ce on en forme de vérité universelle – véritable généralisation abusive –  alors qu’il décrit une expérience personnelle:

 – “Dans la vie on a pas toujours le choix”
 – “Quand on est au chômage, on se sent culpabilisé de tous côtés”

Ce on-là est sans doute en quête d’un bénéfice secondaire rassurant: il nous inclue dans un groupe qui, même s’il est indéterminé, à l’avantage d’être un groupe. Il nous aide à nous sentir moins seul(e)s dans notre expérience, qui doit donc être valable et justifiée, puisqu’elle est partagée par d’autres. En nous incluant dans un groupe, il permet d’éviter de prendre parti et de déguiser sa propre opinion en  vérité universelle. Il déresponsabilise et rassure, devenant ainsi rapidement une illusion de satisfaction du besoin d’appartenance et de reconnaissance.

Car c’est bien joli d’éviter de prendre position, par exemple pour ne fâcher personne, ou pour masquer un sentiment personnel, mais ça a l’inconvénient majeur de nous obtenir l’inverse de ce que nous cherchons. Nous ne sommes alors pas acceptés pour ce que nous sommes en tant qu’individus, par et pour notre unicité, mais en tant que membre indéfini d’un groupe flou  et fourre-tout. La satisfaction du besoin d’affirmation et de reconnaissance, qui sont intimement liés autant à notre individualité qu’à notre place dans nos communautés, sont finalement plus mis à mal que nourris… au détriment de l’estime de soi.

Quand le on cache un nous

Le on pluriel marque la difficulté à utiliser un nous inclusif et impliquant, qui nous rend co-responsables du discours que nous tenons, de la décision prise etc.

Le on pluriel qui ne s’assume pas peut aussi être révélateur de la nature ni vraiment consensuelle ni vraiment consentie de la décision prise.  En d’autres termes, le on cache ici la faiblesse d’un nous avec qui ne nous sommes pas vraiment mis d’accord:

 – Bon, on fait comme on a dit, hein les gars?

Ce on nous place ainsi à l’abri d’un groupe sans vraiment en revendiquer notre appartenance, nous débarrassant au passage de notre responsabilité dans les décisions collégiales. Un collectif bien faiblard dans lequel nous ne semblons pas vraiment nous reconnaître.

Il y a aussi l’exemple du on vaguement mensonger, celui d’expressions telles que:

 – Il faut absolument qu’on mange ensemble
 – On se voit et on en parle
 – On se rappelle

Celui-là exploite les nuances de l’indéfini pour renvoyer à un avenir tellement indéterminé qu’il n’existe pas, à une action prétendument collective qui n’aura probablement jamais lieu. Pourtant, notre manque de recul sur  la valeur du mot nous pousse à croire l’interlocuteur qui nous tient ce discours et à attendre patiemment l’invitation espérée, le coup de fil soit-disant promis, jusqu’à la déception. Car l’interlocuteur en question utilise ce on pour montrer un manque de motivation, voire une absence d’envie, dissimulé(e) derrière une formule pseudo-polie destinée à ne pas rompre la relation et donc à préserver sa propre image, à ses propres yeux.

Mini coaching: renouer avec le je / nous

Renouer avec le je et le nous ne signifie évidemment ni abandonner ce on, ni surveiller en permanence ses propres discours. En revanche, un abus de on est sans doute révélateur des manques dans la relation à soi/à l’autre qu’il peut être utile de traiter, pour davantage de satisfaction.

Modifier le discours peut être un biais utile pour modifier la perception aussi se réapproprier le je ou le nous qui se cachent derrière est potentiellement un moyen détourné de renforcer l’estime de soi, la confiance en soi et la relation aux autres par la clarification du discours.

Car nous sommes aussi nos opinions, nos individualités, nos singularités. Nous réapproprier nos caractéristiques, nos désirs, nos opinions et les exprimer au travers d’un je qui n’exclue pas l’autre, mais qui assume qu’il est le sujet  et le porte parole de ses propres opinions est un bon moyen de nous affirmer davantage d’une part, mais aussi de clarifier notre communication et de gagner en estime de soi.

Il permet en effet de nous éloigner petit à petit de la peur du regard de l’autre. Car l’affirmation sereine (plutôt que péremptoire, qui serait un comportement persécuteur) de nos opinions et désirs (je) et de nos appartenances (nous) suscite rarement les jugements d’une part, et d’autre part le gain en estime de soi facilite l’acceptation d’un fait simple: espérer plaire à tout le monde est une illusion, et nous avons avant tout besoin d’un entourage confortable, pas d’être adulé par une humanité complète béate d’admiration pour nourrir notre estime de nous.

Ce n’est pas toujours un parcours de santé, car le on qui se définit plus aisément en mouton d’un troupeau qu’en individu avec ses spécificités craint que celles-ci renvoient une image trop singulière, trop différenciante et peu rassurante, car potentiellement génératrices de rejet. Il risque donc de résister, en particulier en prétextant le côté ronflant d’un nous qui est plus habituel dans un langage soutenu.

Observez votre utilisation du pronom on:

Dans quelle mesure utilisez-vous “on” à la place de “je” 
Dans quelle mesure utilisez-vous on à la place de nous
Qu’est-ce que ça vous dit sur vous-même?
De quoi avez-vous besoin pour pouvoir vous réapproprier vos propres opinions et passer au je?
De quoi avez-vous besoin pour pouvoir vous réapproprier vos appartenances et passer au nous?

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Aller plus loin

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