Carrière: t’as le profil, coco?

Ne pas chercher si on a le profil, chercher comment réussir avec ses propres qualités

Donnez un coup de pied dans les publications emploi et il tombe du « profil » en veux-tu en voilà. Des armées mexicaines de profils normés, prêts à l’emploi avec une jolie étiquette d’employabilité ou de réussite assurée.  Et si vous ne rentrez pas dans ces cases prêtes à cocher, gare à vous, bande de casse-cou imprudents et irréfléchis! Ou comment les profils types sont des freins crétins à la transition de carrière.

Ne pas chercher si on a le profil, chercher comment réussir avec ses propres qualités

T’as pas le profil Coco

Ils sont légions, les amateurs de cases rassurantes qui veulent vous  faire ingurgiter des définitions normées sans se préoccuper des éventuelles indigestions générées. Car la vérité universelle sécurise le frileux qui craint de penser par lui-même, au cas où ses escapades en dehors des sentiers battus lui valent rejet, échec et toutes les épouvantables mésaventures réservées aux intrépides.

Il en va ainsi pour les « profils ». Il faut avoir le profil, l’habit qui fait le moine, la gueule de l’emploi, faute de quoi nous voilà condamnés à errer dans les limbes de l’inemployabilité ou de l’échec annoncé. Réussir sa vie professionnelle, c’est simple comme un test de personnalité !

Car ces profils s’articulent autour de qualités pré-mâchées et se targuent d’apporter une réponse claire à une question omniprésente dans les inquiétudes des candidats à une évolution professionnelle: t’as le profil ou tu l’as pas, coco. Ainsi dans le mode du travail: soyons tous des fourmis clonées et uniformisées :

  • Le « profil » du parfait petit entrepreneur, multicasquette, commercial dans l’âme, financier et comptable, à la fois audacieux et prudent, ambitieux, créatif, autonome, blablabla.
  • Le « profil » du parfait candidat à un emploi, qui candidate exactement où il faut en dépit des petites annonces obscures, qui a un discours bien huilé, les qualités qui vont bien, l’assurance de James Bond et la soumission heureuse, beaucoup de résilience et peu d’exigences etc.
  • Le « profil » du parfait salarié : collaboratif, « disponible » (lisez : corvéable à merci), « qui sait gérer le stress » (comprenez: prêt à se soumettre à une sacrée surcharge de travail), engagé, motivé, plein d’initiative mais sans jamais sortir du cadre autorisé, il est aussi forcément « ambassadeur de l’entreprise », assiste aux afterworks obligatoires, se réjouit de l’incentive annuel, comprend que l’entreprise n’est pas là pour faire son bonheur et fait du sport avec ses collègues.
  • Le « profil » du parfait télétravailleur traçable et manageable, qui sait « se motiver et se discipliner tout seul » (alors qu’on sait très bien qu’en réalité, le télétravailleur a surtout besoin d’apprendre à arrêter de bosser) ou qui a minima va accepter le surveillance et les visios à rallonge sans broncher.
  • Le « profil » du parfait leader à la mode XXIème siècle, « manager-coach » qui pratique l’écoute et fait émerger les idées, qui « donne du sens », mobilisateur d’énergies, ascenseur à compétences des collaborateurs, charismatique, empathique, sympathique, etc.
  • Le « profil » du parfait manager, du parfait commercial, du plombier-zingueur, du freelance etc.
  • Le “profil” du parfait slasheur, qui serait évidemment un “multipotentiel”, après tout, deux profils c’est mieux qu’un.
  • Et voilà que maintenant il y a un « profil » pour travailler en temps partagé.

Transition de carriere: ne pas se préoccuper des "profils"

Tu l’as pas, le profil? Honte à toi, miséreux, qui ose espérer une bifurcation professionnelle ou une modification de tes conditions de travail, surtout reste bien sagement dans ton pré, vilain troll, ces options-là ne sont pas faites pour toi. Et hop ! Voilà l’outplacement ou le bilan de compétence qui t’ont ramené sur le droit chemin, ouf, nous voilà sauvés !

Ça a un petit air anecdotique et caricatural, ces profils dont on est censés savoir qu’ils sont schématiques et « juste une piste de réflexion », mais en réalité, ils génèrent plus de freins que d’examen des options, des possibles et de délibérations constructives sur la faisabilité d’un projet de transition de carrière.

Porteur de projet, montre-toi de face !

A question stupide réponse erronée, à question fermée réponse douteuse. T’as pas le profil, Coco ? Pourtant :

  • La plupart des compétences peuvent s’acquérir, se renforcer ou être déléguées.
  • Nos qualités, ressources internes et talents personnels peuvent être mis au service de nombreux projets. C’est d’ailleurs comme ça qu’on réussit le mieux ce qu’on entreprend, en s’appuyant sur soi-même plutôt qu’en luttant pour devenir quelqu’un d’autre.

les freins des "profils"

Alors n’en jetez plus, des profils, j’ai l’impression de vivre dans un tableau du Picasso ou dans une fresque égyptienne. Candidat à un changement de métier, à une création d’entreprise, arrête donc de chercher ton profil, de te montrer de profil. Montre-toi de face, regarde-moi dans les yeux,  que je te vois dans ton intégralité, dans ta singularité et que je puisse te poser une question plus génératrice d’idées claires :

Quels sont tes qualités, tes ressources, tes talents,

et comment peux-tu les mettre au service de ton projet ?

Car il n’y a pas de profil d’entrepreneur, il y en a un par créateur d’entreprise.
Il n’y a pas de profil du candidat idéal, il y a une façon de candidater qui est la vôtre et est efficace pour vous.
Il n’y a pas de profil du parfait salarié : il y a une combinaison de mécanismes personnels uniques à mettre au service d’un job.
Etc.

Bref, cher candidat à des détours professionnels par des ailleurs potentiellement plus générateurs d’envie et de plaisir, ne te demande plus si tu es fait pour quelque chose qui te tient à cœur, il n’y a pas de réponse. Demande-toi  comment tu peux faire vivre ce projet et comment tu peux l’adapter à toi-même pour qu’il corresponde à tes aspirations et à tes valeurs, car il y a aussi 1001 façons de vivre sa vie professionnelle. Et de deux choses l’une :

  • Il y a un tas de réponses, de correspondances, de moyens de transférer vos mécanismes de réussite, de mettre vos talents au service de ce projet, de les exploiter pour pallier à ce qui vous fait défaut, pour trouver des stratégies, pour mettre en place le job crafting nécessaire et alors peut-être que ce projet est une bonne idée.
  • Il y a peu de réponses, les possibilités de transférer vos talents naturels et vos ressources internes sont limités, peu générateurs de solutions et de stratégies et le tout vous donne un sentiment aigre-doux et une motivation en demi-teinte et il est alors fort probable que ce projet ne soit pas pour vous. Vous pourrez alors vous accorder le plaisir d’y renoncer 😉

En finir avec les stéréotypes

Dans le même ordre d’idée, la réussite d’un choix de carrière ne passe pas par un itinéraire tout tracé, il y a 1001 manières de vivre et d’exercer un métier, en dépit de tous les clichés sur le sujet.

Ainsi, pour un créateur d’entreprise, « La rage de vaincre doit toujours m’emporter sur le doute » peut-on lire*. Ah bon. Je sais gérer les doutes, mais en revanche, je n’ai jamais connu « la rage de vaincre », je n’ai pas l’esprit de compétition très développé, je me fiche de convaincre à tout prix, de vendre à tout prix. Je préfère exposer mes idées et m’achète qui veut. Mince, mon entreprise est donc en phase de mort annoncée et je ne le savais pas !

J’ai lu aussi quelque part des conseils aux recruteurs qui tenaient à peu près ce propos « si vous voulez embaucher un comptable rigoureux, ne vous attendez pas à ce qu’il soit en plus créatif et plein d’initiative ». Aie, les préjugés ont la peau tellement dure qu’on se croirait dans une série télé américaine ou chaque personnage est un archétype et non pas une âme individuée (ce serait vite trop compliqué à suivre). Le monde du travail n’est pas un concentré de stéréotypes, c’est un agglomérat de bipèdes singuliers, à la personnalité unique, à la façon d’être performant atypique quasiment par nature.

Comme le dit Patrick Viveret, « être heureux est un acte de résistance ». Au boulot encore plus qu’ailleurs ! Alors, allez à la rencontre de ce vous-même extra-ordinaire, mettez-le à votre service, mettez-le  en valeur, œuvrez pour les projets qui vous font vibrer  et nous vous laissez jamais cataloguer : vous valez bien mieux qu’un algorithme ou un préjugé.

*Inutile de citer des sources : le but n’est pas de fustiger un auteur ou une publication, simplement de proposer une autre façon de penser.

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5 Comments

  • Pascal dit :

    Bonjour

    Ha oui, ce fameux “profil” qui rassurent permettant de rester et faire rester les personnes dans cette zone de confort.
    Parce que .. oulalala, faut pas sortir des sentiers battus, c’est dangereux, inacceptable et surtout… on ne contrôle plus rien, ni personne…

    …Et si on a le malheur (comme moi en ce moment) de sortir de ce cadre, on devient :
    – ingérable
    – antisocial
    – improductif
    – non corporate…
    – et tout autre qualificatif franchement débile.

    Heureusement pour moi, je me découvre des qualités, des talents, que je ne soupçonnait pas il y a quelques années!!!!.

    Merci pour cet article plein de bon sens.

    A bientôt.

    Pascal

    • Sylvaine Pascual dit :

      et ces qualités et talents sont les moyens par lesquels vous réussissez: ils sont donc à mettre en valeur, à mette au service de votre efficacité et de votre plaisir à travailler seul ou à plusieurs!

  • Corinne dit :

    J’adore quand vous me parlez comme ça Sylvaine !!!
    Comment ça l’article ne m’était pas destiné personnellement, pourtant il y a mon diminutif dans le titre 😉
    Plus sérieusement, pour le vivre, moi qui justement croyait tellement en moi et ma capacité à aller vers… Je viens de comprendre (grâce à un super atelier) que je fournissais à mes interlocuteurs la truelle, le ciment (et les parpaings avec) pour bâtir les murs qui me séparaient de mon projet.
    J’adhère complètement à votre proposition de penser les événements différemment. Cela dit, aujourd’hui oui mais il à 2 mois, honnêtement je ne sais pas.
    Coco qui a la face ! 😉

    PS : dans ma jeunesse au quartier, on disait des gens sans minimum d’orgueil ou de fierté ou encore sur qui on ne pouvait pas compter, qu’ils n’avaient pas de face 😉

  • Anne dit :

    J’adhère complètement 🙂

    Malheureusement, le dire et le penser, c’est bien, faire évoluer les recruteurs c’est autre chose…J’ai un profil atypique, j’aimerais changer d’entreprise, mais cela semble peine perdue! Les CVs sont triés en amont sur des critères tellement précis que passer ces filtres devient un parcours du combattant!
    Seules les entreprises qui ont des taux de turn over élevé prennent le risque d’embaucher un profil qui sort du cadre, car elles ne sont plus à une démission près.

    En tout cas, merci pour cet article, ça fait du bien de voir que certains pensent différemment! 🙂

    • Les candidatures spontanées et le ciblage des pairs plutôt que des recruteurs sont parmi les moyens pour contourner la frilosité ambiante face aux profils atypiques;)
      Les mentalités commencent à évoluer et c’est une bonne nouvelle!

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